Phi. Prenez-vous son parti contre moi ? Mon Dieu! non; Chr. Phi. Suis-je pour la chasser sans cause légitime? Chr. Hé bien! oui. Vous dit-on quelque chose là contre ? Phi. Je ne veux point d'obstacle aux désirs que je montre. Chr. D'accord. Phi. Et vous devez, en raisonnable époux, Etre pour moi contre elle et prendre mon courroux. (Se tournant vers Martine.) Chr. Aussi fais-je. Oui, ma femme avec raison vous chasse, Coquine, et votre crime est indigne de grâce. Mar. Qu'est donc que j'ai fait? Chr. (bas.) Ma foi, je ne sais pas. Phi. Elle est d'humeur encore à n'en faire aucun cas. Chr. A-t-elle, pour donner matière à votre haine, Cassé quelque miroir ou quelque porcelaine ? Phi. Voudrais-je la chasser, et vous figurez-vous Que pour si peu de chose on se mette en courroux? (A Philaminte.) Chr. (à Martine.) Qu'est-ce à dire ? L'affaire est donc considérable? Phi. Sans doute. Me voit-on femme déraisonnable? Chr. Est-ce qu'elle a laissé, d'un esprit négligent, Dérober quelque aiguière ou quelque plat d'argent? Phi. Cela ne serait rien. (A Martine.) pas fidèle ? Pis que tout cela ? Pis. (A Philaminte.) Chr. Comment! diantre, friponne! Euh! a-t-elle commis Phi. Elle a, d'une insolence à nulle autre pareille, Après trente leçons, insulté mon oreille Par l'impropriété d'un mot sauvage et bas Quoi! toujours, malgré nos remontrances, Phi. La grammaire, qui sait régenter jusqu'aux rois, Et les fait, la main haute, obéir à ses lois! Chr. Du plus grand des forfaits je la croyais coupable. Phi. Quoi vous ne trouvez pas ce crime impardonnable? Chr. Si fait. Phi. Je voudrais bien que vous l'excusassiez Chr. Je n'ai garde. Bél. Il est vrai que ce sont des pitiés : Toute construction est par elle détruite ; Et des lois du langage on l'a cent fois instruite. Mar. Tout ce que vous prêchez est, je crois, bel et bon; Mais je ne saurais, moi, parler votre jargon. Phi. L'impudente! appeler un jargon le langage Fondé sur la raison et sur le bel usage! Mar. Quand on se fait entendre, on parle toujours bien, Et tous vos biaux dictons ne servent pas de rien. O cervelle indocile ! Bél. Et c'est, comme on t'a dit, trop d'une négative. Mar. Mon Dieu! je n'avons pas étugué comme vous, Et je parlons tout droit comme on parle cheux nous. Phi. Ah! peut-on y tenir? Bél. Quel solécisme horrible! Mar. Qui parle d'offenser grand'mère ni grand-père ? Bél. Grammaire est prise à contre-sens par toi. Et je t'ai dit déjà d'où vient ce mot. Mar. Ma foi! Qu'il vienne de Chaillot, d'Auteuil, ou de Pontoise. Bél. Quelle âme villageoise! La grammaire, du verbe et du nominatif, Mar. J'ai, madame, à vous dire Que je ne connais point ces gens-là. Phi. Quel martyre! Bél. Ce sont les noms des mots; et l'on doit regarder En quoi c'est qu'il les faut faire ensemble accorder. Mar. Qu'ils s'accordent entre eux, ou se gourment, qu'importe ? Phi. (à Bélise.) Hé! mon Dieu, finissez un discours de la sorte. (A Chrysale.) Vous ne voulez pas, vous, me la faire sortir? (A part.) Chr. Si fait. A son caprice il me faut consentir. Va, ne l'irrite point; retire-toi, Martine. Phi. Comment! vous avez peur d'offenser la coquine! Vous lui parlez d'un ton tout à fait obligeant! (D'un ton ferme.) (D'un ton plus doux.) Chr. Moi? point. Allons, sortez. Va-t'en, ma pauvre enfant. SCÈNE VII. Philaminte, Chrysale, Bélise. Chr. Vous êtes satisfaite, et la voilà partie : Mais je n'approuve point une telle sortie; C'est une fille propre aux choses qu'elle fait, Et vous me la chassez pour un maigre sujet. Phi. Vous voulez que toujours je l'aie à mon service, De proverbes traînés dans les ruisseaux des halles ? Sont ou le pléonasme, ou la cacophonie. Chr. Qu'importe qu'elle manque aux lois de Vaugelas, Pourvu qu'à la cuisine elle ne manque pas ? J'aime bien mieux, pour moi, qu'en épluchant ses herbes Elle accommode mal les noms avec les verbes, Et redise cent fois un bas où méchant mot, Phi. Que ce discours grossier terriblement assomme! Le corps, cette guenille, est-il d'une importance, Chr. Oui, mon corps est moi-même, et j'en veux prendre Guenille, si l'on veut; ma guenille m'est chère. Bél. Le corps avec l'esprit fait figure, mon frère : Chr. Ma foi, si vous songez à nourrir votre esprit, Pour Phi. Ah! sollicitude à mon oreille est rude. Que je lève le masque, et décharge ma rate. De folles on vous traite, et j'ai fort sur le cœur . . . Chr. (à Bélise.) C'est à vous que je parle, ma sœur. Mais vous en faites, vous, d'étranges en conduite. Il n'est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, Doit être son étude et sa philosophie. Nos pères, sur ce point, étaient gens bien sensés, A connaître un pourpoint d'avec un haut-de-chausse. Nulle science n'est pour elles trop profonde, Et céans beaucoup plus qu'en aucun lieu du monde ; L'un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire, Je vous le dis, ma sœur, tout ce train-là me blesse: |