Henriette me tient sous son aimable empire, Bél. Je vois où doucement veut aller la demande, elle. Cli. Hé! madame, à quoi bon un pareil embarras? Et pourquoi voulez-vous penser ce qui n'est pas ? Bél. Mon Dieu! point de façons. Cessez de vous défendre De ce que vos regards m'ont souvent fait entendre. Bél. Adieu. Pour ce coup, ceci doit vous suffire; Et je vous ai plus dit que je ne voulais dire. Cli. Mais votre erreur Bél. Laissez. Je rougis maintenant; Et ma pudeur s'est fait un effort surprenant. Cli. Je veux être pendu, si je vous aime; et sage. SCÈNE V. Diantre soit de la folle avec ses visions! Allons commettre un autre au soin que l'on me donne, ACTE SECOND. SCÈNE I. Ariste quittant Clitandre et lui parlant encore. SCÈNE II. Ari. Ah! Dieu vous gard', mon frère ! Mon frère ! Ari. Savez-vous ce qui m'amène ici? Et vous aussi, Chr. Non; mais, si vous voulez, je suis prêt à l'apprendre. Ari. Depuis assez longtemps vous connaissez Clitandre? Chr. Sans doute, et je le vois qui fréquente chez nous. Ari. En quelle estime est-il, mon frère, auprès de vous? Chr. D'homme d'honneur, d'esprit, de cœur et de conduite; Et je vois peu de gens qui soient de son mérite. Ari. Certain désir qu'il a conduit ici mes pas; Et je me réjouis que vous en fassiez cas. Chr. Je connus feu son père à mon voyage à Rome. Chr. homme. Ari. On le dit. Chr. C'était, mon frère, un fort bon gentil Nous n'avions alors que vingt-huit ans, Et nous étions, ma foi, tous deux de verts galants. Chr. Nous donnions chez les dames romaines ; Nous faisions des jaloux. Ari. Voilà qui va des mieux, Mais venons au sujet qui m'amène en ces lieux. SCÈNE III. Bélise entrant doucement et écoutant; Chrysale, Ariste. Ari. Clitandre auprès de vous me fait son interprète, Et son cœur est épris des grâces d'Henriette. Chr. Quoi! de ma fille? Oui Clitandre en est charmé; Et je ne vis jamais amant plus enflammé. Bél. (à Ariste.) Non, non, je vous entends. Vous ignorez l'histoire; Et l'affaire n'est pas ce que vous pouvez croire. Bél. Clitandre abuse vos esprits. Et c'est d'un autre objet que son cœur est épris. Ari. Vous raillez. Ce n'est pas Henriette qu'il aime? Bél. Non, j'en suis assurée. Ari. Bél. Hé, oui! Ari. Il me l'a dit lui-même. Vous me voyez, ma sœur, chargé par lui D'en faire la demande à son père aujourd'hui. Ari. Et son amour même m'a fait instance De presser les moments d'une telle alliance. Bél. Encor mieux. On ne peut tromper plus galamment. Henriette, entre nous, est un amusement, Un voile ingénieux, un prétexte, mon frère, A couvrir d'autres feux dont je sais le mystère; Et je veux bien tous deux vous mettre hors d'erreur. Bél. Qu'est-ce donc que veut dire ce hai? Ari. Ces gens vous aiment? Bél. Ari. Ils vous l'ont dit? Oui, de toute leur puissance. Aucun n'a pris cette licence; Ils m'ont su révérer si fort jusqu'à ce jour, Ari. On ne voit presque point céans venir Damis. Chr. (à Bélise.) De ces chimères-là vous devez vous défaire. Bél. Ah! chimères! Ce sont des chimères, dit-on. SCÈNE IV. Cela croît tous les jours. Chr. Notre sœur est folle, oui. Ari. Mais, encore une fois, reprenons le discours. Clitandre vous demande Henriette pour femme; Voyez quelle réponse on doit faire à sa flamme. Chr. Faut-il le demander? J'y consens de bon cœur, Et tiens son alliance à singulier bonheur. Ari. Vous savez que de biens il n'a Que pas l'abondance, Chr. C'est un intérêt qui n'est pas d'importance; Et puis, son père et moi n'étions qu'un en deux corps. ... Chr. Il suffit, je l'accepte pour gendre. Chr. Vous moquez-vous? il n'est pas nécessaire. Je réponds de ma femme, et prends sur moi l'affaire. Ari. Mais . . . Chr. Laissez faire, dis-je, et n'appréhendez pas. Je la vais disposer aux choses, de ce pas. Ari. Soit. Je vais là-dessus sonder votre Henriette, Et reviendrai savoir . . . Chr. C'est une affaire faite; Et je vais à ma femme en parler sans délai. SCÈNE V. Chrysale, Martine. Mar. Me voilà bien chanceuse! Hélas! l'on dit bien vrai, Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage; Et service d'autrui n'est pas un héritage. Chr. Qu'est-ce donc ? Qu'avez-vous, Martine? Chr. Oui. Ce que j'ai ? Mar. J'ai que l'on me donne aujourd'hui mon congé, Monsieur. Chr. Votre congé ? Mar. Oui, madame me chasse. On me menace, Chr. Je n'entends pas cela. Comment? Si je ne sors d'ici, de me bailler cent coups. Chr. Non, vous demeurerez; je suis content de vous. Ma femme bien souvent a la tête un peu chaude; Et je ne veux pas, moi . . SCÈNE VI. Philaminte, Bélise, Chrysale, Martine. Phi. (apercevant Martine.) Quoi! je vous vois, maraude! Vite, sortez, friponne; allons, quittez ces lieux; Et ne vous présentez jamais devant mes yeux. Chr. Tout doux! Chr. Mais qu'a-t-elle commis, pour vouloir de la sorte... Phi. Quoi vous la soutenez ? Chr. En aucune façon. |