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noblie qu'injustement dégradée, on n'avait aperçu qu'un phénomène, changeant à la vérité dans ses formes, mais invariable dans son

essence.

Nous avons dégagé l'activité de la sensibilité; nous avons laissé la matière à son inertie insensible; nous avons séparé le sentiment de tout ce qui n'est pas lui. Alors, dans le sentiment, nous avons vu, non pas un seul phénomène, qui n'aurait annoncé que le premier degré de l'intelligence; mais quatre phénomènes pour l'annoncer toute entière; quatre élémens également nécessaires pour former la raison de l'homme; quatre sources d'idées ; quatre origines de connaissances,

A quoi aboutit enfin le travail auquel nous nous livrons depuis l'ouverture du cours? A quoi se réduisent tant de recherches, tant de discussions?

Je craindrais de le dire à l'amour-propre ; ne le dirais pas à de faux savans; mais je le dirai à vous, messieurs. Nous avons expliqué un mot, un seul mot, le mot sentir; ou, si j'avais acquis le droit de penser qu'on ne reconnaîtra plus une faculté de sentir, qu'on ne verra jamais l'activité dans la sensibilité, je dirais que

nous avons expliqué un mot encore, le mot agir.

Combien donc il est vrai qu'après les jugemens qui sortent immédiatement de l'expérience, la rectitude ou la fausseté de nos opinions dépend des signes de la pensée !

Et

pour finir par où nous avons commencé ; pour vous rappeler une proposition dont les développemens appartiennent à la logique, combien il doit être vrai que l'esprit humain est tout entier dans l'artifice du langage!

CONCLUSION.

L'ANALYSE de la faculté de penser, et l'analyse de la sensibilité, forment deux théories qui tendent vers le même but.

L'une fait voir comment agit notre âme; l'autre, comment elle est affectée; réunies, elles nous enseignent comment elle connaît.

L'infinie multitude de sentimens qui nous viennent, en foule et sans ordre, de tous les points de l'univers, et de toutes les parties de nous-mêmes, portent à l'âme les affections de plaisir ou de peine, sans pouvoir encore l'éclairer. La pensée agit; elle est attentive; elle compare ; elle raisonne. L'esprit démêle et sépare des élémens qui étaient réunis et confondus; il les distribue en espèces, dont il détermine le caractère, le rang, le nombre déjà brille la lumière, le jour a pénétré le chaos, et l'intelligence est créée.

Que fallait-il pour amener de tels objets à une telle simplicité ? Il fallait avoir découvert ses principes. ( Préface de l'Esprit des Lois.)

FIN.

II. LEÇON.

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Des origines, et des causes de nos
idées.

Les philosophes ne sont pas moins divisés sur
l'origine de nos idées que sur leur nature.
Du mot sentir. Les idées sensibles ont leur
origine dans le sentiment-sensation; les
idées des facultés de l'âme, dans le senti-
ment de l'action de ces facultés ; les idées
de rapport, dans le sentiment de rapport ;
les idées morales, dans le sentiment moral.
Ces quatre espèces d'idées sont produites
par l'action des facultés de l'entendement
appliquées aux quatre manières de sentir.

III. LEÇON.-Les diverses origines de nos idées

ne peuvent pas étre ramenées à une seule
origine. Réflexions sur la formation des

sciences.

Les philosophes n'ayant pas remarqué les différentes manières de sentir dont notre âme est susceptible, se sont trouvés dans l'impossibilité de résoudre le problème de l'origine des idées. Les quatre espèces de sentimens d'où dérivent quatre espèces d'idées, ont chacun une nature qui leur est propre. Absurdité du spinosisme. Deux conditions indispensables pour la création des sciences. Nos divers sentimens ne sont pas subordonnés en

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