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C'en est assez pour asseoir les fondemens des sciences.

Sur les sensations et sur les sentimens de rapport, s'élèvera la science de l'univers, la cosmologie.

Sur le sentiment de l'action des facultés de l'âme, et sur les sentimens de rapport, la science de l'âme elle-même, la psychologie.

Sur le sentiment moral, et sur les sentimens de rapport, la science des mœurs, la morale.

Sur tous les sentimens, et particulièrement sur le sentiment de force, sur le sentiment d'où naît l'idée de cause, la science de Dieu, la théodicée, science qui élève la pensée au-dessus de la nature, et prête à la morale un appui nécessaire, en ajoutant aux décisions trop souvent incertaines de la conscience de l'homme l'immutabilité de la loi divine.

Qu'y a-t-il au delà? Rien, sans doute. Mais dans ces sciences immenses, combien d'idée imparfaites, obscures, ou mal démêlées! Que ne laissent pas à désirer la plupart de celles qu'on a maladroitement placées à l'entrée des sciences particulières! elles devraient tout éclairer, tout faciliter; elles obscurcissent tout, elles rendent tout difficile.

C'est à la métaphysique, à la partie de la

TOME II,

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métaphysique dont il nous reste à traiter, qu'est réservé l'examen de ces idées. Sont-elles quelque chose de plus que des mots ? Sont-elles autre chose que de vains produits de l'imagination? Quelle est leur origine? Quelle est leur cause? Représentent - elles les objets dans leur intégrité, ou seulement dans quelqu'une de leurs parties, dans quelqu'un de leurs points de vue? Sont-elles bien distinctes, bien précises, bien exactes ?

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Après avoir subi cette espèce d'interrogatoire, les idées seront reconnues et adoptées, ou bien elles seront rejetées, si elles ont usurpé le nom d'idée.

La métaphysique, dans ces vérifications, ne perdra jamais de vue le sentiment, point fixe auquel tout doit pouvoir se ramener, puisque tout en est parti.

C'est de là, vous n'en doutez plus, que sont parties les trois idées qui sont comme le fond de l'intelligence. D'où pourraient nous venir les autres? Et quand les traces en seraient effacées, ne sommes nous pas assurés qu'elles remontent au sentiment?

Il n'est pas toujours facile de découvrir l'origine première de nos connaissances. Cette difficulté, quand elle se rencontre, provient de

ce que certaines idées datent d'une époque antérieure à toutes les époques conservées par la mémoire, telles que les idées des objets extérieurs, de notre propre corps, et plusieurs autres encore. Cette même difficulté provient pour d'autres idées, de ce que nous les avons déplacées du rang que leur avait assigné la nature, ou une méthode qui imite la nature. Alors elles ne tiennent immédiatement à rien ; et l'on ferait de vains efforts pour les voir ralliées à quelque principe. Il faut donc commencer par établir ou rétablir l'ordre, en mettant toutes les idées à leur place; elles nous conduiront d'elles-mêmes, et par une progression continue, au sentiment qui les a vues naître, qui leur a donné naissance.

Ici les exemples viennent en foule; il n'est aucune science qui ne présente un grand nombre de ces idées, placées arbitrairement les unes après les autres. Ne sortons pas de la métaphysique; elle suffit, et de reste, pour justifier ce reproche.

La plupart des métaphysiciens, avant de s'engager dans les grandes questions de l'âme et de Dieu, qu'ils comprennent sous le nom de métaphysique particulière, croient devoir se préparer à cette étude par l'étude d'une

science, suivant eux, bien plus élevée, plus sublime, plus transcendante, qu'ils appellent métaphysique générale. C'est l'ontologie ou la science de l'étre. C'est la philosophie première, la science première, la science des sciences, etc. Qu'enseigne donc cette ontologie? Que peutelle enseigner? Quoi! elle est la science de l'être, la science des existences; et elle ne parle, ni des corps qu'elle laisse à la physique, ni de l'âme, ni de Dieu! Elle se dit la science première, et elle se tait sur le sentiment ! Mais laissons s'expliquer les métaphysiciens ontologistes.

Je ne remonterai pas jusqu'aux anciens scolastiques. Descartes, vers le milieu du dix-septième siècle, fit justice de leur science première. Ce n'est pas au dix-neuvième que nous la reproduirons. Je ne m'adresserai pas non plus à quelques ontologistes, ou scolastiques modernes, qui semblent vouloir renchérir sur les anciens; il vaut mieux écouter ceux qui ne sont ni trop loin, ni trop près de nous : voyons ce que c'est que leur science des sciences; quelles sont les idées dont ils la composent, quel ordre ils assignent à ces idées. Trois auteurs célèbres nous tiendront lieu de tous les autres.

Hobbes, dans sa philosophie première, traite

successivement de l'espace, du temps, du principe, de la fin, du fini, de l'infini, du corps, de l'accident, du plein, du vide, du contigu, du continu, du mouvement, du repos, de l'essence, de la forme, de la matière, de la cause, de l'effet, du nécessaire, du contingent, de la puissance, de l'acte, du même, du divers, de la relation, de la raison, du principe de l'individuation, de la quantité.

Volf, dans son ontologie: du principe de contradiction, du principe de la raison suffisante, de l'essence, de l'existence, du possible, de l'impossible, du déterminé, de l'indéterminé, de l'être, de l'identité, de la similitude, de l'être singulier, de l'être universel, du nécessaire, du contingent, de la quantité, de la qualité, de l'ordre, de la vérité, de l'être composé, de l'étendue, de la continuité, de l'espace, du temps, du mouvement, de l'être simple, des modifications simples, du fini, de l'infini, de la dépendance, des rapports, des causes, du signe.

S'gravesande, dans son ontologie de l'être, de l'essence, de la substance, du mode, des relations, du non-être, du néant, du possible, de l'impossible, du nécessaire, du contingent,

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