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Elle a pour objet la manière dont se forme l'intelligence.

Afin de résoudre le second, on doit entrer dans le détail des idées, assigner à chacune son origine spéciale, sa cause propre, la place qui lui convient; et leur donner ainsi à toutes, les titres qui leur serviront de garantie. Ici, l'objet, c'est la formation de l'intelligence.

Si vous transposez ces deux problèmes, vous ne les résoudrez jamais. Comment formerezvous l'intelligence, si vous ignorez la manière dont elle se forme?

Presque tous les métaphysiciens ont fait ce renversement d'ordre. Presque tous commencent leurs traités par des dissertations sur quelques idées prises comme à l'aventure. Manquant de principes, rien ne les soutient, rien ne les éclaire, ils marchent au hasard, ou dans les ténèbres, sans appui, sans secours, sans se douter même qu'ils en aient besoin. Leurs systèmes ont fait mépriser le nom de système, comme leur métaphysique, le nom de métaphysique.

Il fallait donc avant tout, avoir reconnu les vérités suivantes.

1o. Notre âme, au sortir des mains du Créateur, est tout à la fois sensible et active,

2o. A peine est-elle unie au corps, que, de sensible qu'elle était, elle devient sentante; et, dès qu'elle a senti, d'active qu'elle était, elle devient agissante.

3°. Nous ne comprenons, ni comment un mouvement du corps est suivi d'un sentiment de l'âme, ni comment un sentiment de l'âme est suivi d'une action de l'âme. Mais nous avons la certitude que le mouvement, de quelque manière que l'imagination se le représente, ne saurait se transformer en sentiment, ni le sentiment en action. Nous devons ici nous en tenir à la seule expérience.

4. S'il est indispensable de bien séparer l'activité de la sensibilité, pour avoir dans ces deux attributs primitifs les fondemens de l'intelligence, il ne l'est pas moins pour concevoir les développemens de l'intelligence, de distinguer dans l'activité toutes les manières dont elle s'exerce, et dans la sensibilité, toutes les manières dont elle se produit.

5°. L'activité, dans son exercice, et considérée seulement dans ses rapports avec l'intelligence, est, ou attention, ou comparaison, ou raisonnement. Ces trois facultés, si distinctes dans leur action, se confondent et s'identifient

dans leur principe. Elles ne sont, à la rigueur, l'attention.

que

6°. La sensibilité, quand elle se manifeste, est, ou sensation, ou sentiment de l'action de l'esprit, ou sentiment moral, ou sentiment de rapport. Il n'en est pas des manières de sentir, comme des manières d'agir, qui ne sont au fond qu'une seule manière d'agir. Les quatre manières de sentir ne dérivent pas les unes des autres. Elles ne peuvent se confondre et s'identifier avec la sensation, comme dans un seul principe,

7°. L'âme peut donc agir, et elle agit sur chacune de ses manières de sentir, par l'attention , par la comparaison, et par le raisonnement. De cette action qui se multiplie, appliquée au sentiment qui se diversifie, sortiront des idées sensibles, des idées intellectuelles et des idées morales: idées qui seront absolues et immédiates, si elles sont produites par la seule attention; relatives et immédiates si elles sont produites par la comparaison; médiates ou déduites, si elles sont l'ouvrage du raisonnement. Quand nous aurons vu toutes ces idées se former successivement, quand nous les aurons comptées, pour ainsi dire, alors nous aurons assisté à la formation de l'intelligence, et le

second problème sera résolu. Mais il ne peut l'être, si l'on n'a d'abord résolu le premier; si l'on ignore les vérités que nous venons d'énoncer; si l'on ne connaît pas la manière dont se forme l'intelligence.

Nous avons essayé de répandre quelque lumière sur cette question fondamentale. Elle doit éclairer à son tour toutes les questions particulières de la métaphysique.

Il nous reste à nous occuper de ces questions particulières et subordonnées. Nous devrons prendre nos idées une à une, examiner si elles sont primitives ou dérivées, simples ou composées, abstraites ou concrètes, de choses ou de mots, réelles ou chimériques, etc.; nous devrons en un mot, vérifier leurs titres, apprécier leurs qualités, et fixer leur valeur.

Je voudrais aujourd'hui vous faire entrevoir, à l'avance, la méthode qui me paraît devoir être suivie en faisant ces recherches. Mais il faut bien savoir d'où nous venons, où nous sommes, où nous allons.

Vous apercevez, ce me semble, très-distinctement, le point où nous sommes placés sur la ligne que nous parcourons. Votre œil mesure le chemin que nous avons fait sur cette li

gne, la distance qui nous sépare de son origine.

Après la question des facultés de l'âme, objet de la première partie, celle qui s'est présentée à nous au moment où nous sommes entrés dans la seconde, c'est la question de la nature des idées. Nous avons fait quelques pas, nous avons trouvé leurs sources, et presque en même temps leurs causes. Nous nous sommes arrêtés devant ces causes qui nous étaient déjà connues puisqu'elles sont les facultés mêmes de l'entendement. Quels rapports y a-t-il entre leurs effets (1)? quels rapports y a-t-il entre elles (2)? La curiosité nous a retenus devant ces sources. Viennent-elles toutes d'une seule et même source? seraient-elles sans communication? Voilà ce que nous avons cherché à découvrir. Nous avons tout observé, tout examiné avec le plus grand soin. Plusieurs fois nous sommes revenus sur ce que nous avions vu, pour le mieux voir. Enfin, après une course qui peut

(1) Les effets produits par l'action des facultés de l'entendement, ce sont les idées sensibles, les idées intellectuelles, et les idées morales. Il y a entre ces idées des rapports de différence spécifique.

(2) Il y a entre les facultés un rapport d'identité, puisque dans leur principe elles ne sont toutes que l'attention,

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