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l'amitié, de la tendresse? Comment décomposer l'idée de l'amour maternel?.

4°. Sont simples les idées de rapport, lorsque de deux idées comparées il ne sort qu'un seul rapport, ou lorsque l'esprit n'en considère qu'un seul. Telles sont les idées d'égalité, de supériorité, d'extériorité, d'antériorité, de commencement, etc., et leurs contraires.

Sont composées les idées de rapport, lors

que

les termes de la comparaison donnent lieu à un certain nombre de rapports, et que l'esprit veut les saisir tous, ou plusieurs à la fois; comme si, d'une seule vue, on voulait embrasser tout ce qu'ont de semblable ou de différent la constitution politique de la France et celle de l'Angleterre. Remarquons ici que, pour obtenir l'idée d'un rapport déterminé, nous n'avons pas besoin de deux objets déterminés. L'idée d'égalité peut nous venir de la comparaison de deux figures de géométrie, de celle de deux nombres. Elle peut nous venir de la comparaison de deux objets physiques. De même nous pouvons obtenir l'idée de supériorité en comparant la hauteur d'un chêne à celle d'un roseau, en comparant le génie d'Homère à celui de Lucain.

que

L'idée de rapport n'est donc pas une même chose l'idée des deux termes de la comparaison. Les termes de la comparaison peuvent changer mille fois, et l'idée de rapport rester toujours la même. Et ceci confirme ce que nous avons dit dans une de nos leçons précédentes; savoir, que l'idée de rapport est une troisième idée résultant de la présence simultanée de deux idées (leç. 6).

5°. Nous rangerons parmi les idées simples, plusieurs idées qu'on est porté à regarder comme composées; les idées d'étendue, de temps, de mouvement, et plusieurs autres qui ne sont que la répétition d'une même idée. Qu'on divise une ligne en deux parties, qu'on la divise en quatre, qu'on la divise à l'infini, on ne trouvera jamais que des longueurs dans des longueurs. J'en dis autant des solides, dessurfaces, du temps, du mouvement, des angles, etc.

A

Si l'on objecte que le solide se compose de trois dimensions, la surface de deux; que le temps se compose du passé, du présent et du futur; que l'idée du mouvement renferme celle du temps et celle de l'espace; je réponds qu'un solide se compose de solides, ou plutôt qu'il est un assemblage de solides, qu'on ne

TOME II..

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peut le concevoir que comme un assemblage de solides; qu'en divisant le temps en passé, présent et futur, on le divise en trois temps; et que l'idée du mouvement, quoique inséparable de l'idée du temps et de celle de l'espace, est une idée différente de ces deux idées. Je réponds en second lieu, que si la comparaison de la ligne avec le solide vous laisse voir dans le solide une sorte de composition, je le veux bien; mais souvenez-vous que cette prétendue composition n'est autre chose qu'un arrangement imaginé entre des lignes ou des longueurs.

6o. Enfin, nous devons compter parmi les idées plus ou moins simples, les idées partielles dont la réunion forme une idée composée. Ainsi l'idée de la pesanteur, de la ductilité et de la malléabilité de l'or, sont réputées simples; soit qu'en effet elles ne puissent, pas se diviser en d'autres idées; soit qu'on leur donne le nom de simples par opposition à l'idée de l'or, qui comprend un grand nombre d'idées.

Et comme, en voyant de l'or ou en y pensant, on ne peut s'occuper d'une manière spéciale de sa pesanteur, sans perdre de vue ses autres qualités, ni porter l'attention sur l'idée particulière de pesanteur, sans séparer dans

son esprit cette idée de pesanteur des autres idées avec lesquelles elle se trouve naturellement associée, on a dit que les qualités des objets considérées indépendamment des autres qualités avec lesquelles elles existent, et que les idées séparées des autres idées avec lesquelles elle sont associées, étaient des qualités abstraites et des idées abstraites, c'est-à-dire, des qualités et des idées séparées.

Les idées abstraites approchent d'autant plus de la simplicité parfaite, qu'elles ont été précédées d'un plus grand nombre d'abstractions successives.

De l'idée de corps ou de matière bornée en tout sens, retranchez les bornes, il vous restera lidée de matière, idée plus simple que celle de corps. De l'idée de matière, ou d'étendue impénétrable, retranchez l'idée d'impénétrabilité, vous aurez l'idée d'étendue, plus simple que celle de matière.

De même, si, de l'idée d'écarlate, ou de couleur rouge, vous séparez le rouge, vous aurez l'idée de couleur, idée plus simple que celle de couleur rouge. Maintenant que vous avez l'idée de couleur, ou de sensation visuelle, cessez de penser que vous la devez au sens de la vue; il vous restera l'idée de sensa

tion, plus simple que celle de sensation visuelle ou de couleur. Enfin, dans l'idée de sensation, ou de sentiment produit par une impres sion sur l'organe, négligez cette circonstance, qu'il est produit par une impression sur l'organe ; vous aurez l'idée de sentiment, idée plus simple que celle de sensation.

Ainsi, après les idées qui sortent des premiers développemens de nos quatres manières de sentir, et qui sont le commencement ou le principe de toutes nos connaissances, nous compterons parmi les idées simples, celles qui s'éloignent de leur source, celles qui s'en éloignent le plus, et que nous formons par l'abstraction, c'est-à-dire l'action de l'esprit, lorsque cette action se porte exclusivement sur une seule des idées dont la réunion forme cette foule d'idées composées qui, pour le plus grand nombre des esprits, sont une surcharge plutôt qu'une richesse réelle.

par

La simplicité des idées n'est donc souvent qu'une moindre composition; et je ne voudrais affirmer d'aucune des idées dont nous venons de parler, qu'elle soit réellement indivisible. Nous en userons comme les chimistes qui rangent provisoirement parmi les élémens sim

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