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très-juste, il sera superflu d'ajouter que cette idée n'est ni obscure, ni confuse, ni incomplète; mais il est rare qu'il y ait tant de perfection dans nos idées; et, pour dire ce qui est, il nous faut d'ordinaire des expressions qui modifient ce que d'autres expressions ont de trop absolu.

Vous apprendrez à choisir entre ces expressions celle qui saisit le caractère fugitif de l'idée, celle qui peint le mieux ce caractère si vous lisez assidûment les bons écrivains de métaphysique. Vous l'apprendrez, si vous vous interrogez vous-même lorsque votre esprit est tout entier à une idée. Alors le mot propre se présentera de lui-même; rien ne sera laissé à l'arbitraire; et, dans votre langue, deux mots ne seront jamais entièrement synonymes.

.

C'est à ce qu'il y a de distinct ou de confus dans nos idées, que nous devons particulièrement nous arrêter. Le caractère propre et essentiel de l'idée est la distinction; et, si nous voulions nous énoncer avec une rigueur géométrique, nous refuserions le nom d'idée à l'idée confuse, et nous verrions en elle un simple sentiment, comme dans le sentiment distinct nous avons vu l'idée elle-même (leç. 1).

Mais il ne faut pas oublier que du simple sentiment que produit en nous la première im

pression d'un objet composé, à la connaissance parfaite de cet objet, il y a nécessairement un grand nombre de degrés. Dans cet intervalle se placent les idées plus ou moins distinctes, les sentimens plus ou moins confus.

Que si, venant à des applications, on cherchait à apprécier quelques-unes des idées que nous nous sommes faites jusqu'à ce moment; celles des facultés de l'áme, par exemple, ou celles de la méthode, ou des définitions, ou du jugement, ou de nos différentes manières de sentir, la chose ne serait pas très-difficile.

Pour ne parler que des facultés de l'âme, l'idée, ou plutôt les idées que nous en avons, les distinguent certainement de tout ce qui n'est pas elles. L'entendement est séparé de la volonté. Les facultés particulières de l'entendement et de la volonté ne peuvent plus se confondre. Nous dirons, sans balancer, que nous avons des facultés de l'âme une idée très-distincte.

Cette idée est-elle claire?

En vous occupant des facultés de l'âme, de ses différentes manières d'agir, sentez-vous la présence de quelque nuage qui vous dérobe une partie de l'objet? N'avez-vous pas été forcés de convenir que l'horloger le plus expérimenté ne

connaît pas mieux le mécanisme d'une montre, que vous ne connaissez tous les ressorts de la pensée? (t. 1, p. 177.)

Est-elle complète ?

Comment oser dire, comment oser penser, même du plus petit objet, qu'on en ait une connaissance qui ne laisse rien à désirer, à moins que cet objet ne soit de notre création? Cependant nous croyons avoir démontré qu'on ne peut, sans changer la nature de l'âme, rien ôter, rien ajouter à ses facultés, telles que nous les avons décrites ( t. 1, leç. 4, 6 et 14 ).

Est-elle vraie, est-elle copiée sur la nature? Ici, messieurs, je m'avise que nous changerions de rôle. C'est moi qui dois vous adresser une pareille question; et c'est de vous que j'en attends la réponse. Mais, avant de la faire, rappelez-vous, je vous prie, ce que nous avons dit dans la première partie (t. 1, p. 88 et 550).

Il n'y aurait donc rien à gagner; nous ferions au contraire une perte réelle, si nous consentions à supprimer des expressions consacrées par les meilleurs esprits; et nous continuerons, autant qu'il sera en nous, à nous faire des idées vraies, des idées bien claires, bien distinctes. Nous travaillerons à les rendre tous les jours plus complètes; surtout, nous tâche

rons de ne pas prendre des chimères réalités.

pour

des

Nous avons parlé ailleurs des idées absolues et des idées relatives, ainsi que des idées de choses et des idées de mots. Je n'ajouterai rien maintenant à ce que nous avons dit dans une des dernières leçons, et dans la première partie (t. 1, p. 339). Je me hâte d'arriver aux idées simples et aux idées composées, qui demandent quelques développemens. Je traiterai à leur suite des idées abstraites et des idées générales, qui en exigent davantage.

Une idée simple est une idée unique; on ne saurait la décomposer en plusieurs autres idées. L'idée composée est un agrégat d'idées, une réunion d'idées.

Sont simples, ou approchant de la simplicité, 1°. les idées que nous acquérons par l'action des sens isolés, les idées des couleurs, des sons, des saveurs, des odeurs, et de plusieurs qualités tactiles, comme le froid, le chaud, la solidité, etc.

A la vérité, chacun de nos sens nous fournit des sensations composées, qui peuvent donner lieu à plus d'une idée. Une odeur est souvent la réunion de plusieurs odeurs; un son, la réunion de plusieurs sons. Alors, si l'on décom

pose la sensation qu'on éprouve, chacune des sensations partielles fera naître une idée simple.

L'idée est encore simple, quoique occasionée par une sensation composée, lorsque nous ne décomposons pas cette sensation. L'idée du blanc est une idée simple, quoique provenant d'une sensation susceptible de se diviser en une multitude de sensations distinctes. Peut-être y a-t-il des êtres sensibles tellement organisés, que la couleur blanche n'existe pas pour eux et qui voient les couleurs variées du prisme, où nous ne voyons qu'une seule couleur, couleur simple par rapport à nous, mais composée en elle-même.

2o. Ne sont pas simples les idées des facultés de l'âme. La liberté, la préférence, le désir, sont des facultés qui en comprennent d'autres. Le raisonnement se compose de comparaisons; la comparaison résulte de deux actes simultanés d'attention. Les idées de l'entendement et de la volonté sont, à plus forte raison, des idées composées. L'idée de la seule attention est simple; elle ne se compose pas des idées de plusieurs facultés.

3o. Sont simples les idées morales qui sortent immédiatement de divers sentimens moraux. Comment décomposer les idées de la joie, de

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