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Il se divise en deux sections qui, par l'étendue et par la diversité de leur objet, constituent deux parties de la philosophie.

Celle qui a pour objet de nous apprendre ce qui résulte de l'application de l'entendement à nos différentes manières de sentir, ou de nous montrer comment se forment nos idées et nos connaissances, c'est la métaphysique.

Celle qui examine les produits de la volonté c'est la morale, la science des mœurs, la science ⚫ du juste et de l'honnête.

La métaphysique et la morale seraient des sciences mortes, ou tout-à-fait stériles, si un art, qui est le privilége de l'homme, ne venait les vivifier et les féconder.

Comme la main seule ne peut mouvoir les grands corps, et qu'elle est inhabile à donner à ses dessins l'exactitude des contours géométriques, tandis qu'à l'aide d'un instrument elle soulève les masses les plus énormes, ou trace des courbes parfaites; ainsi l'entendement, livré à lui-même, ne sentira que sa faiblesse, et chacun de ses efforts attestera son impuissance. Donnez-lui des secours; à ses moyens naturels ajoutez des moyens artificiels; ses ouvrages porteront l'empreinte de la force et de la régularité.

TOME II.

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Quel est donc l'artifice qui opère de tels pro diges, qui change, pour ainsi dire, la nature de l'esprit, qui donne à ses facultés tant d'énergie, tant de rectitude?

C'est ici qu'il importe de ne pas abandonner les inspirations toujours sûres du bon sens, pour les prestiges d'un art trompeur. Tout ce que nous aurions appelé à notre secours se tournerait contre nous; et, au lieu de nous sentir plus forts, à peine serions-nous capables d'agir.

Que l'expérience des autres, que notre propre expérience ne soient pas perdues. Nous nous sommes mépris sur le choix des moyens qui nous sont nécessaires; nous nous sommes égarés, parce que nos observations ont été mal faites. Observons mieux, et nous les découvrirons, ces moyens. La nature, il est vrai, ne les montre pas immédiatement; mais il suffit qu'elle les indique, pour que nous puissions nous en rendre les maîtres. Dès qu'ils seront à notre disposition, on verra de nouveaux effets se produire, se multiplier; et l'esprit s'étonnera de faire sans effort, ce qui semblait excéder ses forces.

La science qui nous donne ainsi le secret de notre puissance, c'est la logique.

Un cours complet de philosophie se divise

donc en quatre parties: 1. Des facultés de l'âme considérées dans leur nature, ou, ce qui revient au même, de la nature de l'entendement et de la nature de la volonté. 2°. Des produits de l'entendement, et particulièrement de ses premiers produits, ou de la métaphysique. 3°. Des produits de la volonté, ou de la morale. 4°. Des moyens d'augmenter les forces de l'esprit, de rendre ses opérations plus faciles, plus promptes et plus sûres, ou de la logique.

La première partie, celle qui nous fait connaître la nature de l'entendement et la nature de la volonté, n'a pas reçu de nom, et elle ne pouvait pas en recevoir, car elle n'avait pas encore été traitée : non que je veuille dire qu'on n'ait rien écrit sur les facultés de l'âme. Aristote, parmi les anciens, Volf, Bonnet et tant d'autres, parmi les modernes, m'accuseraient d'un grand oubli ou d'une grande injustice. Mais aucun auteur n'a jamais assez bien senti la nécessité de distinguer des choses essentiellement différentes, ce qui dans l'âme est actif et ce qui n'est pas actif, les actes et les produits de ces actes. Souvent même, vous le savez, les sensations, dont la cause est hors de nous, ont été rangées parmi les opérations dont nous portons le principe en nous-mêmes.

Les facultés n'ayant donc jamais été séparées ou des idées ou des sensations, on ne pouvait pas imaginer de faire à part un traité des facultés; on ne pouvait donc pas s'aviser de lui donner un nom.

Ce nom est-il nécessaire, et serons-nous obligés de créer un mot nouveau ?

Dans la langue que nous parlons, ou du moins que nous devons parler; dans une langue qui est, en même temps, française et philosophique; dans une langue qui, sous le premier de ces rapports, a atteint, franchi peutêtre les bornes de la perfection; et qui, sous le second, se trouve surchargée de beaucoup trop de mots, on doit être extrêmement sobre d'innovations. Elles ne pourraient trouver leur excuse que dans une indispensable nécessité.

Innovons dans les idées, si nous pouvons, pourvu qu'elles soient justes et utiles. Les mots ne nous manqueront pas ; ils sont là qui nous attendent, ils viendront même à nous. Une langue assez riche pour avoir suffi au génie innovateur de Descartes, de Pascal et de Mallebranche, doit nous faire éprouver l'embarras du luxe, plutôt que celui de la disette.

Innover en même temps dans les idées et

dans le langage, c'est appeler deux fois la critique. Sacrifions-lui le mot, peut-être elle nous laissera la chose.

Nous pouvons donc nous en tenir à la division ordinaire d'un cours de philosophie. Rien ne nous empêche de réunir, sous le titre de Métaphysique, la première et la seconde partie du cours dont nous venons de tracer le plan. Alors, la métaphysique comprendra les facultés de l'âme considérées en elles-mêmes, et l'entendement considéré dans ses effets; ou, en d'autres termes, elle comprendra l'origine et la génération, soit des facultés, soit des idées. Mais il faut bien se souvenir que, si l'on néglige l'étude des facultés de l'âme, on n'ignorera pas seulement la théorie de ces facultés, on ignorera encore la vraie théorie des idées : car on ne peut bien connaître les effets, quand leurs causes sont inconnues; et, dès lors, que sera la métaphysique?

Celui qui posséderait la métaphysique, la logique et la morale, saurait tout ce qu'enseigne la philosophie.

L'objet que je me suis proposé n'embrasse pas cette science entière. J'ai voulu principalement arrêter votre attention sur les facultés auxquelles nous devons toutes nos idées; dé

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