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laissé voir dans toute sa simplicité. Il se compose, il est vrai, de deux systèmes particuliers. D'un côté, c'est l'attention qui se concentre sur une seule idée, ou se partage entre deux, ou se porte sur quatre, en saisissant deux rapports à la fois. De l'autre, c'est le désir qui tend de toutes ses forces vers un seul objet, ou qui se modère pour faire un choix entre plusieurs, ou qui se suspend et s'éclaire pour mieux choisir encore, lorsqu'il aura tout examiné, tout pesé, tout balancé.

Ainsi, nous avons un entendement qui s'exerce par l'attention, par la comparaison, et par le raisonnement. L'auteur de notre être, en nous donnant ces facultés, nous a rendus capables de discerner la vérité; comme aussi, il nous a rendus capables d'aimer le bien, en nous donnant une volonté qui se manifeste par le désir, par la préférence et par la liberté.

Mais ces deux systèmes ne sont pas indépendans l'un de l'autre. La volonté est subordonnée à l'entendement; et l'unité de système n'est pas altérée.

Or, les facultés de l'entendement une fois connues, on n'a plus besoin de chercher la méthode. Elle se montre aussitôt; et, si elle est ignorée, c'est que les facultés dont elle

n'est que l'emploi régulier, sont elles-mêmes ignorées.

Des êtres dont l'entendement aurait une faculté de moins ou comprendrait une faculté de plus, seraient assujettis à une méthode différente, et ils concevraient les choses autrement que nous.

Privés du raisonnement, pourraient-ils conduire leur esprit comme nous conduisons le nôtre? Y aurait-il pour eux des principes et des conséquences?

Enrichis d'une quatrième faculté qui nous manque et que nous ne saurions imaginer, mais qu'il nous est permis de supposer, n'est-il pas à croire qu'ils feraient des combinaisons d'idées qui nous sont inaccessibles, et que leur intelligence s'élèverait au-dessus de l'intelligence de l'homme, autant que celle de l'homme s'élève au-dessus de celle des animaux?

La méthode que nous devons suivre n'est donc pas arbitraire. Elle est fondée sur les lois de notre existence. Se faire des idées exactes par l'attention, les rapprocher par la comparaison, les enchaîner par le raisonnement: voilà tout ce que nous pouvons faire, et ce que nous sommes obligés de faire, sciemment ou à notre insu, toutes les fois que nous

voulons acquérir la connaissance d'un objet.

Enfin, de l'analyse des facultés de l'âme et des règles sur la méthode, sont sorties des réflexions propres à nous aider de plus en plus dans nos études; et peut-être n'aurez-vous pas trouvé tout-à-fait inutiles, celles qui ont pour objet les définitions, leur usage, et surtout leur abus.

Telles sont les principales questions qui nous ont occupés jusqu'à présent.

Il me serait moins facile de vous présenter une exposition aussi rapide, et en même temps intelligible, des autres parties du cours de philosophie.

Vous connaissiez la nature des facultés de l'âme. Vous les aviez observées dans leur origine et dans leur génération. Vous aviez été frappés du rapport qui existe entre ces facultés et la méthode qui peut le mieux soulager notre faiblesse. Il a donc suffi de quelques mots pour vous rappeler ce que vous saviez déjà. Mais ici, vous êtes censés ignorer ce qui ne doit être exposé que dans la suite de nos discours. Puis-je me flatter que des énoncés sommaires, des énoncés qui résument, vous donneront des idées que vous n'avez pas, comme ils ont suffi

pour

réveiller des idées qui vous étaient devenues familières?

Je m'abstiendrai donc de vous présenter à l'avance une table de matières, propre, si l'on veut, à réfléchir une lumière empruntée, mais incapable d'éclairer par elle-même. J'indiquerai seulement les principales divisions; et je dirai ce que je me suis proposé d'offrir à votre curiosité, ou de livrer à votre examen.

L'âme unie au corps éprouve des sensations, des sentimens qui se succèdent, en se variant, tout le temps que cette union persiste. Or, l'âme ne peut pas sentir et être indifférente à ce qu'elle sent. Le plaisir et la douleur la forcent d'abord à sortir du repos. Elle ne peut pas sentir et ne pas agir.

Exister, de la part de l'âme, c'est donc agir, puisque exister c'est sentir. Exister, sentir, agir: ces trois mots expriment trois choses qui ne sont pas séparées, ou qui du moins sont rarement séparées.

Elles pourraient l'être, sans doute. Une ame réduite à la sensibilité et à la simple activité n'en existerait pas moins pour être privée de tout sentiment, et pour n'avoir jamais produit aucun acte. L'œil n'est pas anéanti, lorsqu'il cesse de voir ou de regarder.

Mais cette supposition n'est pas la nôtre. Nous sommes sensibles, et nous sentons. Nous sommes actifs, et nous agissons. Nous agissons parce que nous sentons. Nous agissons sur ce que nous sentons. L'entendement et la volonté, excités par les sensations et par d'autres sentimens, s'appliquent à ces sentimens et à ces sensations; la volonté, pour écarter ce qui nuit, ce qui déplaît, pour ne pas laisser échapper ce qui fait le bonheur ; l'entendement, pour étudier, démêler, distinguer des manières d'être qui nous intéressent si vivement, pour les connaître enfin, soit en elles-mêmes, soit dans leurs causes.

Le tableau des facultés de l'âme serait donc à peine ébauché, s'il ne montrait ces facultés que dans le calme et le repos. C'est dans leur action, c'est dans les effets qu'elles produisent, qu'il faut surtout les observer; car notre sort en dépend, les vraies ou les fausses lumières, le bonheur ou le malheur.

Ainsi l'étude des facultés de l'âme, considérées dans leur nature, commande l'étude de ces mêmes facultés considérées dans leurs effets. Ce nouveau travail, on le voit, comprend ce que nous devons à l'action de l'entendement, et ce que nous devons à l'action de la volonté,

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