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ment, qui se séparent dans la perception, pour se réunir, mais sans se confondre, dans l'affirmation. L'enfant à la mamelle n'éprouve d'abord qu'un sentiment résultant de la douceur du lait; bientôt il acquerra les deux idées de lait et de douceur; enfin il les réunira sans les confondre, en disant : Le lait est doux.

pas

L'idée que nous nous faisons d'un objet ne consiste dans le sentiment, ou dans la perception, ou dans la réunion d'un sujet et de sa qualité; elle ne consiste pas dans le résultat de la comparaison d'un sujet et d'une qualité ou de plusieurs qualités considérées comme une seule. Le nombre des termes qui entrent dans le second membre du rapport constitutif de l'idée n'est pas déterminé. Il peut n'y en avoir qu'un seul, il peut y en avoir mille; car l'objet dont on cherche à se faire une idée, peut être en présence de tous les objets de la nature, et l'idée sera d'autant plus exacte, plus complète, qu'elle sera le résultat d'un plus grand nombre de rapports partiels. Vous avez l'idée d'un agneau que vous voyez dans la prairie; vous le distinguez d'un chevreau, et à plus forte raison d'un cheval, d'un arbre, mais le berger est en état de le distinguer de tous les autres agneaux, ce que vous ne sau

etc.;

riez faire. L'idée qu'il a est donc plus sûre que la vôtre. Vous n'avez idée de l'agneau qu'autant que vous le comparez à des objets très-différens. Le berger en a idée en le comparant à ceux qui lui ressemblent le plus, à ceux qui pour vous lui ressemblent entièrement.

Nos idées s'approchent donc ou s'éloignent de la perfection, à mesure que les objets qu'elles nous font connaître se distinguent d'un plus grand ou d'un plus petit nombre d'objets; et cette proposition est évidente, car elle signifie que nos idées sont d'autant plus parfaites qu'elles nous montrent un plus grand nombre de qualités dans les êtres. N'est-ce pas en effet par leurs qualités que les êtres se distinguent? et le mot qualité lui-même, que signifie-t-il, sinon ce qui distingue, ce qui nous sert à distinguer?

Nous avons appris à ne pas confondre les facultés de l'entendement avec les sensations; nous en avons acquis une première idée. Nous les avons séparées des facultés de la volonté ; l'idée a reçu un nouveau degré de lumière (t. I, lec. 4).

Nous avons distingué la liberté morale de la simple volonté ou de la préférence; nous l'avons distinguée de l'activité, de la spontanéité ; nous l'avons distinguée de la liberté naturelle,

de la liberté politique. Nous nous sommes fait, de la liberté morale, une idée plus exacte que celle que nous en avions (t. 1, leç. 7).

Nous ne nous étions pas avisés qu'on peut définir les choses de deux manières, ou par le genre et la différence, ou en montrant leur origine. Nous n'avions pas considéré les définitions en elles-mêmes, et dans leur rapport à nos connaissances acquises. Ces distinctions que nous avons faites ont porté un jour nouveau dans nos esprits. Nous avons eu sur les définitions des idées plus vraies, plus utiles (t. 1, lec. 11, 12, 15).

I,

Nous étions étonnés des difficultés sans cesse renaissantes qui se rencontraient dans la solution du problème de l'origine de nos connaissances. Nous nous obstinions à vouloir les faire sortir toutes de la sensation, sans nous demander ce que c'était que sentir. Nous nous sommes fait cette question; et bientôt nous avons reconnu que, loin de nous borner aux seules sensations, la nature avait placé en nous quatre sentimens, comme autant de sources de lumière pour éclairer l'intelligence (leç. 2).

L'idee, tout nous l'assure, consiste donc dans la distinction que nous faisons, ou que nous sommes en état de faire de tout ce qui s'offre à

notre esprit, substances, modes, réalités, abstractions, points de vue, choses et mots, pour tout dire. Elle est un rapport de distinction, un jugement, mais un jugement d'une espèce particulière, un jugement préalable à tout autre jugement, un jugement que supposent tous les autres jugemens.

Avant de juger que Paul est médecin, il faut que j'aie l'idée de Paul, et l'idée de médecin; c'est-à-dire, qu'il faut que je distingue, ou que je puisse distinguer Paul, de tout ce qui n'est pas lui; et il faut aussi que je sache distinguer la profession de médecin de toutes les autres professions. J'ai en effet l'idée de Paul, du moment que je puis le reconnaître parmi tous. les hommes. Je me suis fait une idée de la profession de médecin, lorsque je suis en état de la distinguer de toutes les autres professions, et principalement de celles qui s'en rapprochent le plus, comme la chirurgie, la pharmacie.

Le rapport de distinction entre Paul et tous les autres hommes, entre la profession de médecin et toutes les autres professions, est donc un préalable nécessaire pour porter le jugement que Paul est médecin. Or, on a donné le nom d'idée et refusé celui de jugement à ce rapport préalable, à ce rapport antérieur à tous les

rapports qui se trouvent entre un sujet et un attribut; soit que ces derniers rapports, n'étant que sentis, n'aient pas reçu de nom, soit qu'étant perçus et affirmés, ils aient reçu le nom de jugement.

Voilà ma réponse, ou mes réponses aux objections qui m'ont été proposées. Si vous les adoptez, vous resterez convaincus sans doute, qu'il y a des idées-images, des idées-souvenirs, et que toutes sont des rapports ou des jugemens. Mais vous ne direz plus que toute idée est image, ni que l'idée et le souvenir sont une même chose; et, en vous rappelant toujours que l'idée est un jugement, vous lui laisserez toujours son nom d'idée.

Je sens que cette leçon commence à se prolonger au delà des bornes que nous nous prescrivons ordinairement; il est temps de la terminer. J'ai regret, en finissant, de n'avoir pas mieux développé quelques-unes des choses qu'elle renferme; mais votre méditation achèvera un travail imparfait.

Vous vous direz que, si l'homme met quelque prix à son intelligence, il doit, tous les jours, rendre grâces à l'auteur de la nature de lui avoir donné la faculté de parler, puisque c'est par la parole qu'il affirme la vérité, et

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