Page images
PDF
EPUB

que

et de l'espoir de pouvoir exécuter mon dessein. Cela suffira pour répondre à quelques personnes bienveillantes, qui m'ac-' cusent de n'avoir pas su produire quelque fruit de la liberté et du loisir que m'a procurés l'exil. Etant ensuite venu en Belgique, où m'avait appelé un ami pour y enseigner dans un élablissement particulier, j'avais entièrement renoncé au projet d'écrire, parce que les notes et les extraits que j'avais avec moi, fruits de nombreuses lectures, étaient par eux seuls insuffisants pour entreprendre des travaux de quelque importance; en les recueillant avec cette brièveté et cette rapidité l'on met dans de pareils extraits, je n'avais pas prévu, en effet, que je me trouverais un jour absolument privé de livres. Je ne peux nier qu'il ne me fût pénible d'interrompre mes études les plus chères, d'être obligé de renoncer aux projets qui les avaient dirigées et soutenues si long-temps, de songer que je perdais le fruit de quinze années et plus de travaux, au moment où j'espérais les terminer, de voir ma vie à jamais privée d'un noble but; mais enfin il me fallait céder, et me résigner à une nécessité plus forte que ma volonté, quelque ferme qu'elle fût. — C'est alors que ma bonne fortune me fit connaître M. Adolphe Quételet, directeur de l'observatoire de Bruxelles; il s'offrit spontanément à me rendre, à moi étranger et inconnu, un service que je n'aurais osé espérer après ce que j'avais éprouvé. J'ai obtenu par ses soins, au commencement de la présente année, la faculté d'avoir à ma disposition les bibliothèques publiques; de sorte que la pensée m'est venue de reprendre mes études interrompues, et d'entreprendre le travail que je commence aujourd'hui à publier, pour prouver que si je n'ai pu en rien me rendre utile à ma patrie, j'ai du moins sincèrement et ardemment désiré le faire. Je ne fais point ici l'éloge de M. Quételet, regardant comme inutile et déplacé de recommander un homme qui jouit d'une 9

T. I.

réputation européenne et qui n'en est pas moins plein de modestie; mais, mettant au jour un ouvrage que je n'aurais pu exécuter sans sa bienveillante amitié, j'ai cru de mon devoir de lui rendre ce témoignage public et sincère de ma gratitude.

[merged small][graphic][ocr errors]

INTRODUCTION

A L'ÉTUDE

DE LA PHILOSOPHIE.

LIVRE PREMIER.

Des Doctrines.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA DÉCADENCE DES SCIENCES SPÉCULATIVES
EN GÉNÉRAL.

Si l'on veut connaître en quel état se trouve aujourd'hui la philosophie, on n'a qu'à la comparer aux sciences mathėmatiques et naturelles, qui sont florissantes dans toutes les parties du monde civilisé. Ces dernières sont cultivées avec une ardeur au-dessus de tout éloge par une foule d'esprits plus ou moins supérieurs; elles sont appréciées de ceux même qui n'y apportent pas une grande application, enviées de ceux qui, par la faute de la nature ou de la fortune, ne peuvent les étudier; favorisées par les princes et par les peuples; honorées et applaudies de tous ajoutez à cela le concours spontané des individus réunis en société, formant une république qui s'étend de Pétersbourg au cap de Bonne-Espérance,

« PreviousContinue »