Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

»

>

éprouvée ne suffit pas à protéger notre dernière heure. Quelles qu'aient été notre vie et NOTRE FOI, si nous ne rétrac> tons pas toutes les maximes de l'Église gallicane, si nous ne renions pas notre attachement aux lois, notre fidélité à l'Etat, >> nos derniers moments peuvent être privés de ces saintes cérémonies qui assurent et adoucissent le passage à une au>> tre vie. Où en sommes-nous, Messieurs? Dans quel temps » vivons-nous (*). » Et nous aussi, nous pouvons dire, dans. quel temps vivons-nous, et où en sommes-nous, si un homme haut placé, qui fait profession de panthéisme et nie la révélation dans ses écrits, ose parler de cette manière du haut de la tribune française sans craindre de faire sourire ceux qui l'écoutent.

«

NOTE 18.

<< Il y a autant ou plus de sujet de se garder de ceux qui, >> par ambition le plus souvent, prétendent innover, que de se » défier des impressions anciennes, et après avoir assez mé>> dité sur l'ancien et sur le nouveau, j'ai trouvé que la plupart » des doctrines reçues peuvent souffrir un bon sens. De sorte » que je voudrais que les hommes d'esprit cherchassent de quoi satisfaire à leur ambition, en s'occupant plutôt à bâtir » et à avancer, qu'à reculer et à détruire. Et je souhai» terais qu'on ressemblât plutôt aux Romains, qui faisaient » de beaux ouvrages publics, qu'à ce roi vandale, à qui sa » mère recommanda que ne pouvant pas espérer la gloire d'égaler ces grands bâtiments, il en cherchât à les dé» truire (**).

[ocr errors]
[ocr errors]

NOTE 19.

Ce malheureux siècle est condamné par la Providence a être spectateur de toute espèce de folies, de honte et de scan

(*) Dise, sur la renaiss. de la dom. eccles., p. 12.

(**) Leibniz, nouv, ess, sur l'entend. kum., liv. 1, chap. 2.

[ocr errors]

dale. Il y a peu de temps que quelques évêques de la Lithuanie et de la Russie-Blanche ont renié la foi catholique professée dans ces pays depuis tant de siècles, et ont préféré à la noble et douce paternité du pontife de Rome et à la fraternité de l'Eglise universelle, le joug spirituel de l'oppressour de leur patrie, et la société impure de l'Eglise moscovite. Quiconque, en Europe, n'est pas Russe ou Barbare, et conserve quelque sentiment de générosité et de pudeur, a dû être étonné non pas de l'usurpation du bourreau de la Pologne, déjà connu pour un monstre infâme, mais de la conduite de ces pasteurs, qui ont livré à la gueule des loups leur propre troupeau, et ont vendu au tyran leur foi, leur ame et leur réputation.

NOTE 20.

Les oppositions logiques qui ont aidé la réforme des Protestants peuvent se réduire au tableau suivant :

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Ces oppositions ne justifient pas la réforme, mais elles l'expliquent.

NOTE 21.

La profession de bon catholique faite par Descartes dans plusieurs passages de ses ouvrages, peut facilement s'expliquer comme une mesure de prudence; mais si on la veut regarder comme sincère, il est difficile de la concilier avec les principes de sa doctrine. Ses lettres fournissent suffisamment la preuve qu'il n'était pas disposé à souffrir le martyre par amour de la vérité, et que, s'il avait, comme on le raconte, le courage du soldat, il ne possédait certainement pas celui du citoyen et du philosophe. Ecrivant au P. Mersenne, à propos de Galilée, il lui dit de ne chercher que le repos et la tranquillité de l'esprit (*). Lorsqu'un tribunal ecclésiastique eut condamné un point de la doctrine de ce grand homme, il fut tellement effrayé qu'il voulait brûler ses papiers et disait : « Je ne voudrais pour rien du monde qu'il sortît de moi un discours où il se trouvât le moindre > mot qui fût désapprouvé de l'Eglise (**). » Ne croyez pas qu'il fût le moins du monde poussé par un pieux sentiment de respect envers l'autorité qui l'avait condamné; car, dans ce cas,

>

(*) OEuvres. Paris, 1824, tom. v1, p. 251.

(**) OEuvres, tom. vi, p. 238,239.

[ocr errors]

quoiqu'il ne fût pas question du saint Siége, ni de l'Église, comme il le dit, mais d'une simple congrégation ecclésiastique, nous jugerions sa réserve hautement digne d'éloge. Mais par le contexte de la lettre, on voit qu'il n'était mu que par la crainte de compromettre la tranquillité de sa vie. Dans une autre lettre au même P. Mersenne, écrite un an après, c'està-dire en 1634, il le dit expressément : « Je sais bien qu'on pourrait dire, que tout ce que les inquisiteurs de Rome ont » décidé n'est pas incontinent article de foi pour cela, et qu'il » faut premièrement que le concile y ait passé; mais je ne suis > point si amoureux de mes pensées que de me vouloir servir » de telles exceptions pour avoir moyen de les maintenir; et » le désir que j'ai de vivre en repos, et de continuer la vie que j'ai commencée en prenant pour ma devise bene vixit qui bene » latuit, fait que je suis plus aise, etc., (*) » On voit quels furent le scrupule religieux et le stoïcisme philosophique de notre écrivain ; et que, si le bene latuit ne le sauva pas de la vanité, des brigues et des ambitions littéraires, qui furent le but principal de ses travaux et de sa vie, il le rendit au moins prudent envers cette gloire qui pouvait être difficile et périlleuse.

[ocr errors]

Le procédé méthodique et le doute absolu, dont Descartes fait précéder sa philosophie, ne peuvent en aucune façon s'accorder avec les principes catholiques. Selon lui, nous devons

[ocr errors]

douter une fois en notre vie de toutes les choses où nous » trouverons le moindre soupçon d'incertitude. Il sera même fort utile, que nous rejetions comme fausses toutes celles, » où nous pourrons imaginer le moindre doute (**). Il fait là dessus la revue des choses dont il faut douter. «Nous dou>> terons en premier lieu, si de toutes les choses qui sont tom» bées sous nos sens, ou que nous avons jamais imaginées, il » y en a quelques-unes qui soient véritablement dans le

(*) Ibid, p. 243.

(**) Princ. de la phil. part. I, œuv., tom. 111, p. 63, 64.

» monde... Nous douterons aussi de toutes les autres choses

[ocr errors]
[ocr errors]

P

qui nous ont semblé autrefois très certaines, même des » démonstrations de mathématique, et de ses principes, encore » que d'eux-mêmes ils soient assez manifestes, à cause qu'il y » a des hommes qui se sont mépris en raisonnant sur de telles » matières; mais principalement parce que nous avons ouï » dire, que Dieu qui nous a créés peut faire tout ce qu'il lui plaît, et que nous ne savons pas encore, si peut-être il n'a point voulu nous faire tels que nous soyons toujours trompés, même dans les choses que nous pensons le mieux con» naître (*). » ... «Nous supposons facilement qu'il n'y a point » de Dieu, ni de ciel, ni de terre, et que nous n'avons point de » corps (**). » Telle est pourtant la doctrine exposée dans les Méditations et dans la Méthode, quoique dans ce dernier ouvrage elle soit moins crûment enseignée. Antoine Arnauld, qui s'aperçut dans la suite, comme nous le verrons, du peu d'orthodoxie de Descartes, eut dans le principe la simplicité de croire que celui-ci entendait parler d'un doute simulé, d'un simple artifice de méthode, bon à employer pour arriver à la connaissance scientifique du vrai; et il se plaignit seulement que cela ne fût pas assez clairement indiqué dans les Méditations. « «Ve» rumtamen haud scio, an aliqua præfatiuncula hæc médita» tio præmuniri debeat, qua significetur de iis rebus serio non dubitari (***); >> et il conclut en disant : « Non dubito, quin

(*) Ibid., p. 64, 65.

(**) Descartes, Princ. de la phil. œuv. tom. 111. p. 66. Ainsi au moment où l'on doute de toutes les choses qui tombent sous nos sens, et même des démonstrations de mathématique, on allègue pour justifier le doute, qu'il y a des hommes qui se sont mépris, et on insiste principalement sur cette belle raison, que nous avons ouï dire, que Dieu qui nous a créés peut faire tout ce qui lui plaît: au moment où l'on nie l'existence du ciel, de la terre et des corps, on ajoute foi à ce que nous avons ouï dire, c'est-à-dire à la valeur des signes et de la parole: au moment où l'on suppose facilement, notez cet adverbe, qu'il n'y a point de Dieu, on interprète d'une manière absurde l'omnipotence divine pour en déduire le doute absolu. Le cerveau d'un insensé raisonne assurément d'une manière plus saine que celui de Descartes.

(***) Arnauld, œuvr. tom. xxxvin, p. 33.

« PreviousContinue »