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NOTE 2.

Au lieu de déduire la méthode des principes, les philosophes modernes veulent déduire les principes de la méthode. Mais comment trouver la vraie méthode philosophique, si l'on ne possède déjà les principes? Quand on manque de ces derniers, on marche au hasard, ou on introduit dans la philosophie un mode de procéder étranger à son caractère et qui appartient à d'autres sciences. C'est ce que fit en partie Descartes, quand il voulut appliquer aux sciences spéculatives la méthode propre aux sciences naturelles, c'est-à-dire l'observation, et créa le psychologisme. Une des erreurs fondamentales du système cartésien, c'est de placer la méthodologie au-dessus des principes de la science. M. Cousin l'avoue expressément, mais en louant ce défaut. « L'esprit qui..... distingue Descartes de tous ses devanciers c'est... l'esprit de » méthode. Il ne s'agit plus de poser des axiomes, des for>> mules logiques dont on n'a pas vérifié la légitimité, et de produire par leur combinaison une philosophie nominale, » une sorte d'algèbre, qui ne s'applique à aucune réalité. I! >> faut partir des réalités elles-mêmes. La première qui s'offre » à nous c'est notre pensée. On ne peut rien tirer, dit Descartes » de l'axiome célèbre dans l'école : impossibile est idem esse et non » esse, si l'on n'est pas d'abord en possession d'une existence quelcon» que; la proposition: je pense, donc je suis, n'est pas le résultat de » l'axiome général : tout ce qui pense existe; elle en est au contraire le » fondement. L'analyse de la pensée, telle est donc la méthode » cartésienne (*). » Et après avoir loué Descartes de ce procédé, il ajoute : « On peut distinguer deux époques dans l'ère » cartésienne : l'une où la méthode du maître, malgré sa nouveauté, est cependant méconnue; l'autre où l'on s'efforce.

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(*) Cousiș, cours de philos, de :818, publié par Garnier, Paris, 1836, P. 2, 3.

» de rentrer dans cette voie salutaire. A la première appar» tiennent Malebranche, Spinoza, Leibniz; à la seconde les philosophes du dix-huitième siècle (*). » Il répète plusieurs fois la même chose dans d'autres endroits de ses ouvrages (**), et déclare avoir suivi lui-même les traces des Cartésiens: « mes premiers soins furent donnés à la méthode. Un système n'est guère que le développement d'une méthode appliquée à certains objets. Rien n'est donc plus important. >> que de reconnaître d'abord et de déterminer la méthode que » l'on veut suivre (***). »

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»

Il suffit ici d'avoir indiqué une erreur qui règne dans presque toutes les écoles modernes, et qui sera amplement réfutée par l'ensemble de notre ouvrage.

NOTE 3.

M. Cousin a importé en France ce paradoxe de Hegel et l'a défendu d'une manière absolue dans ses nouveaux fragments philosophiques(****), et avec quelques réserves dans son Cours de philosophie (*****), où il parle cependant de la scholastique (******) dans les mêmes termes.

NOTE 4.

Capila ou Kapyla, philosophe indien. que l'on croit avoir vécu vers le onzième siècle, fut le fondateur d'une secte con nue aujourd'hui sous le nom de Sank'hia. Les partisans de cette

(*) Ibid. P. 3.

: (**) Introd. à l'hist. de la phil., leçon 2.

*(***) Fragm. phil, préf. de la prem. édit. tom. 1, p. 45.

(****) Paris, 1829, pag. 1-8,

(*****) Introd. à l'hist. de la phi'osophie, leçon 2. Hist. de la phil du xvin siècle, leçon 5.

(******) Hist. de la phi!. du xvm° siècle, leçon 2, 9.

secte, selon l'opinion commune, sont athées; mais le fait est qu'ils nient seulement la création, croyant, ainsi que presque toutes les sectes indiennes, à l'expansion et à la réabsorption du monde dans l'Etre infini. Ce que les doctrines de l'école Sank'hia ont de particulier, c'est la croyance de deux substances éternelles nommées l'une poroch ou le mâle, l'autre prakrati ou la nature. T.

NOTE 5.

Les Védas sont les livres sacrés des Hindous. William Jones fut le premier qui les fit connaître à l'Europe en tradui sant plusieurs curieux passages de l'un de ces livres ; ils ont été traduits depuis en entier. La société asiatique de Paris, aidée par les secours du gouvernement français, en a fait faire une copie dans l'Inde sur les manuscrits originaux. Le Vêda originel est considéré par les Hindous comme ayant été révélé à BRAHMA et comme ayant été conservé par la tradition jusqu'à ce qu'il fût arrangé dans son état actuel par un sage, qui obtint par là le surnom de Vra ́sa ou Véda-Vyása; c'est-à-dire, Compilateur des Védas. Il distribua l'Ecriture indienne en quatre parties, dont chacune porte la dénomination de Vêda. Chaque Véda consiste en deux parties, dénommées les Mantras et les Brahman'as, ou les Prières et les Préceptes. La collection complète des hymnes, prières et invocations, appartenant à chaque Véda, est intitulée sa Sanhitá. Chaque autre portion de l'Ecriture indienne est comprise sous le titre général de Divinité, - Brahman'a. Ce titre général comprend les préceptes qui inculquent les devoirs religieux, les maximes qui expliquent ces préceptes, et les arguments qui sont relatifs à la théologie. Mais, dans l'arrangement actuel des Védas, la portion qui contient des passages appelés Brahman'as en renferme plusieurs qui sont strictement des prières ou Mantras. La théologie de l'Ecriture indienne, comprenant la portion

argumentative intitulée Védánta, est contenue dans des traités nommés Oupanichads, dont quelques-uns sont des portions du Brahman'a proprement dit, et dont d'autres se trouvent seulement sous une forme détachée, et un seul fait partie de la Sanhitá elle-même.

T.

NOTE 6.

Un des plaisants usages qui ont cours aujourd'hui dans la république des lettres, chez les Français, c'est que les auteurs se célèbrent et s'exaltent réciproquement. Depuis le plus petit écrivailleur jusqu'à ceux qui, à raison ou à tort, sont regardés comme les premiers et les distributeurs solennels de la louange et de la renommée, l'encensoir passe de main en main, et la France entière est dans des nuages d'encens. L'usage grossier de s'apprécier et de se censurer avec la plume, les combats littéraires ou académiques, qui troublerent souvent le champ paisible de la science, tout cela n'est presque plus de mode en échange, chaque écrivain montre pour ses confrères une tendresse et une admiration inexprimables. Tout petit article. tout opuscule qui sort de la presse est un chef-d'œuvre, dont le mérite est bientôt annoncé de toutes parts par la trompette de la renommée, et à qui mille bouches promettent l'immortalité. Si un habitant de la lune descendait parmi nous et qu'il lût les louanges superbes que l'on distribue dans nos feuilles publiques, il serait sans doute étonné de notre fécondité incomparable dans tous les genres de grandeur; il croirait que, si les sages de la Grèce furent au nombre de sept, il n'y a pas aujourd'hui de province en Europe qui n'en ait des centaines (*). Il est vrai que l'amé

(*) Cette boutade de l'auteur n'a été que trop légitimée par la manic de la Camaraderie à laquelle les écrivains et les artistes ont souvent emprunté une gloire usurpée. Du reste, les Français n'ont pas manqué d'en faire justice eux

lioration peut paraître plus apparente que réelle. Les écrivains de nos jours se louent en face et la plume à la main; mais intérieurement et par derrière, ils sont jaloux les uns des autres et se déchirent comme autrefois. Cette manière d'agir est plus prudente; mais elle me paraît beaucoup moins généreuse et si la politesse s'en contente, je ne sais si la loyauté et la charité chrétienne peuvent en être satisfaites. Sans compter que, si c'est un devoir de ne pas dire d'injures, c'en est un aussi de ne pas flatter. Ces louanges fades et multipliées, dont les livres regorgent aujourd'hui, excitent l'indignation. Si l'arène littéraire n'est pas une lice pour le pugilat, elle n'est pas non plus une salle de bal; et celui qui écrit a mauvaise grâce à imiter les élégants qui complimentent des dames. S'il doit y avoir un peu d'excès de quelque côté, j'aimerais mieux que les hommes de lettres imitassent la fière et virile rudesse des lutteurs, que les entrechats, les manières affectées et délicates des jeunes efféminés. Les anciens ne louaient, ne parlaient pas de cette manière et je ne puis m'imaginer que Démosthène et Cicéron, Thucydide et Tacite, Dante et Michel-Ange fissent des compliments à la façon des modernes, comme je ne puis me les figurer avec des ajustements conformes à la mode qui règne en souveraine sur les bords de la Seine.

NOTE 7.

:

Comme bien loin de réfuter une foule d'écrivains modernes, qui pensent autrement que moi sur les points traités dans mon ouvrage, je n'en fais pas même mention, je dois expliquer mon silence à leur égard. Il vient quelquefois de mon igno

mêmes. Il y a à ce sujet une excellente scène dans la jolie et spirituelle comédie de M. Scribe, intitulée la Camaraderie. Les caricatures se sont aussi largement exercées sur ce sujet si fécond en épigrammes. Néanmoins, ni la satire, ni la comédie n'ont corrigé l'abus... C'est qu'il est profitable!..

T. I.

T.

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