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En vain mille ennemis attaquent votre gloire,
Ces auteurs ténébreux passeront l'onde noire;
C'est vous qui tiendrez lieu de la postérité.
Si les écrits pervers, la noirceur, l'impudence,
Ont fermé votre temple aux hommes sans honneur ;
Les talens, le génie et la noble candeur

Ont toujours parmi vous trouvé leur récompense.
Le soin de célébrer le plus grand des mortels,
N'est pas, quoique constant, le seul qui vous anime;
Quelquefois des mortels d'un ordre moins sublime
On vu brûler pour eux l'encens sur vos autels.
Daignez donc soutenir le zèle qui m'inspire;
Pour chanter Fontenelle, il faut plus d'une voix.
Ranimez les accens d'un vieux chantre aux abois,
Ou du moins un moment prêtez-moi votre lyre.
Assidu parmi vous, dix lustres de travaux
Ont déja signalé sa brillante carrière ;

Mais ce ne fut pour vous qu'un instant de lumière;
Condamnez Fontenelle à dix lustres nouveaux.
Pour pénétrer le ciel et ses routes profondes,
Destin, accorde-lui des jours sains et nombreux.
Il en fallut beaucoup pour parcourir les mondes,
Il en faut encore plus pour contenter nos vœux.

LETTRE

LET TRE

De M. MATY, garde de la bibliothèque britannique,

à FONTENELLE, en lui envoyant le poëme de

Vauxhall.

AIMABLE

Et

BLE et sage

Fontenelle,

Toi, que dans le déclin des ans,
Orne une guirlande immortelle.
De fleurs que l'amour renouvelle,
Alétrir le temps;
que ne peut
Sage Platon, divin Orphée,
Que Minerve et que Cythérée
Empêchent même de vieillir,
Où pourrai-je te découvrir ?
Sera-ce au haut de l'empirée,
Où tu suis les célestes corps;
Dans cette profonde contrée
Où tu fais badiner les morts;
Ou sur les bords d'une fontaine,
Près de Corylas et d'Ismène,

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Reçois, avec ces foibles rimes,

Mon encens, mon cœur et mes vœux.

« Oui, c'est à vous,

c'est au peintre des graces » et à l'interprète de la sagesse, que j'offre des » essais dont l'exécution est peut-être plus imparfaite que l'entreprise ne fut téméraire. Mais l'une » et l'autre le fussent-elles davantage, elles me » fournissent du moins une occasion de m'adresser à l'homme qui, de toutes les beautés de la France, est celle que je regrette le plus de » n'avoir jamais vu. J'ai d'autant plus de plaisir » de vous rendre cet hommage, qu'il ne sera soupçonné de partialité par aucun de ceux qui » ont lu vos ouvrages ».

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دو

Vivez long-temps, vivez toujours aimable,

Entre la sagesse et les ris.

Vous seriez immortel, si le sort équitable

Vous permettoit de vivre autant que vos écrits.

Londres, le 9 Octobre 1741.

Tout le monde connoît le bel endroit du Temple du Goût de Voltaire sur Fontenelle. Après avoir parlé de Rousseau et de la Motte, et dit que Rousseau passeroit devant la Motte en qualité de versificateur, mais que la Motte auroit le pas toutes les fois qu'il s'agiroit d'esprit et de raison, Voltaire continue de la manière suivante :

« Ces deux hommes si différens n'avoient pas » fait quatre pas, que l'un pâlit de colère, et l'autre » tressaillit de joie, à l'aspect d'un homme qui » étoit depuis long-temps dans un temple, tantôt » à une place, tantôt à une autre ».

دو

C'étoit le discret Fontenelle (1),
Qui, par les beaux arts entouré,
Répandoit sur eux, à son gré,
Une clarté douce et nouvelle.
D'une planète, à tire d'aîle,
En ce moment il revenoit
Dans ces lieux où le goût tenoit
Le siége heureux de son empire.
Avec Quinaut il badinoit ;
Avec Mairan il raisonnoit ;
D'une main légère il prenoit
Le compas, la plume et la lyre.

STOLIUS, dans son livre intitulé: Introductio in Historiam litterariam, traduit en latin

par Langius, et imprimé à Iene en 1728, parle ainsi de Fontenelle › page 18.

Ratio ejus judicandi de rebus et acutè concludendi, tam et singularis, genus dicendi ita amanum, gitationes atque meditationes tam sunt omnis ingenii atque acuminis plena, ut ex antiquioribus quem huic meritò praferas invenias neminem.

(1) Dans la première édition du Temple du Goût, il y avoit sage au lieu de discret, dans le premier vers ; et pure au lieu de douce, dans le quatrième.

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ELEGIA

IN OBITUM

DE FON TE NELLE.

Lecta in consessu Acad. Roth. 26 Jan. 1757.

LUGET in Europâ quisquis non despicit artes;
Scriptorum scriptor maximus interiit.
Luget splendorem sibi Gallia nuper ademptum ;
Luget ROTHOMAGUS, concidit urbis honos.

FONTANELLA obiit lauris oneratus et annis ;
Nestor et Aonii gloria prima chori.
Vidit vivendo revoluti tempora sæcli,

parem.

Cui referent nullum sæcla postera Nominis ipse sui dudum splendore potitus, Nil indè ad tardam perdidit usque necem, Mors est visa diù pretiosæ parcere vitæ ; Visa diù sævam sustinuisse manum.

Ultima fata seni non attulit una senectus:
Ad senium accessit, plus nocuitque dolor.
Quis dolor? Ex ictu tremit Gallia: quanquam

quo

Salvo rege timor, mæror et omnis abest.

Mors illi, vulnus regis; regalis amoris

Victima succubuit: dulce ità, grande mori.

Nobilibus decoratus Avis avis, clárisque propinquis (1),

(1) Pierre et Thomas Corneille, oncles de Fontenelle,

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