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» tance présente. Je vous déclare donc que j'ai » vécu et veux mourir dans la foi de l'église catholique, apostolique et romaine ».

כן

M. le curé de Saint-Roch avoit été le voir quelques jours auparavant.

Depuis plusieurs années, Fontenelle voyoit souvent le père Bernard d'Arras, capucin, auteur de divers ouvrages de théologie et de piété.

Les facultés de son ame, à la mémoire près, s'étoient encore mieux soutenues que celles de son corps. Il y eut toujours de la finesse dans ses pensées, du tour dans ses expressions, de la vivacité dans ses reparties, de la justesse et même de la profondeur dans ses raisonnemens; et s'il paroissoit quelquefois affoibli et tombé, ce n'étoit que dans les occasions où l'esprit a besoin, pour opérer, du secours de la mémoire.

Son caractère, en faisant son bonheur, a sans doute beaucoup contribué à sa bonne santé et à sa longue vie. Il faut être heureux pour vivre sain et long-temps. Fontenelle joignoit la gaieté à la sagesse. Sa gaieté ajoutoit à ses plaisirs, et diminuoit les peines que sa sagesse n'avoit pu écarter. La fortune lui fut aussi favorable que la nature.

presque sans bien, il devint riche, pour un homme de lettres, par les bienfaits du Roi, et par une économie sans avarice.

Il plaisoit trop dans la société pour ne s'y pas

du

plaire. Il y portoit toutes les qualités aimables et agréables, de la douceur et de l'enjouement, et autant de politesse que d'esprit. Les personnes plus haut rang l'admettoient dans leur familiarité. Aucun homme de lettres n'a joui de plus de considération dans le monde; et il la devoit à la sagesse de sa conduite et à la décence de ses mœurs, autant qu'à la réputation que ses ouvrages lui avoient acquise.

Il fut encore heureux comme Auteur; car ces ouvrages, qui lui ont procuré une gloire si flatteuse et à laquelle il n'étoit pas insensible, ne lui avoient point coûté de pénibles efforts, de longues et laborieuses veilles. Il travailloit avec facilité, quoiqu'avec beaucoup de soin; et, grace à une santé très-égale, cette facilité étoit à-peu-près la même tous les jours. Delà naissoit l'égalité qui règne dans ses écrits, et qui fait un de leurs principaux caractères. On peut y trouver des défauts; mais on n'y trouve point d'endroits foibles par la foiblesse de l'Auteur, ou par sa négligence.

Autre source du bonheur de Fontenelle, et nouvelle preuve de sa sagesse; il n'avoit point été marié, et n'avoit jamais eu la plus légère envie de se marier.

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EXTRAIT

DU DICTIONNAIRE HISTORIQUE.

FONTENELLE (Bernard le Bovier de), naquit en

1657, à Rouen, d'un père avocat, et d'une mère sœur du grand Corneille. Cet enfant, destiné à vivre près d'un siècle (dit l'abbé Trublet), pensa mourir de foiblesse le jour même de sa naissance. Le jeune Fontenelle fit ses études à Rouen chez les Jésuites, qu'il a toujours aimés. En rhétorique à treize ans, il composa, pour le prix des Palinods, une pièce en vers latins, qui fut jugée digne d'être imprimée, mais non d'être couronnée. Fontenelle passoit dès-lors pour un jeune homme accompli : il l'étoit, et du côté du cœur, et du côté de l'esprit. Après sa physique, il fit son droit, fut reçu avocat, plaida une cause, la perdit, et promit de ne plus plaider. Il renonça au barreau pour la littérature et la philosophie, entre lesquelles il partagea sa vie. En 1674, à dix-sept ans, il vint à Paris; son nom, déja célèbre, l'y avoit précédé. Plusieurs pièces de vers, insérée dans le Mercure Galant, annoncerent à la France un poëte aussi délicat que Voiture mais plus châtié et plus pur. Fontenelle avoit à peine vingt ans, lorsqu'il fit une grande partie des opéra de Psyché et de Bellerophon, qui parurent en 1678 et 1679, sous le nom de Thomas Cor

neille son oncle. En 1681, il fit jouer sa Tragédie d'Aspar. Elle ne réussit point; il en jugea comme le public, et jetta son manuscrit au feu. Ses Dialogues des Morts, publiés en 1683, reçurent un accueil beaucoup plus favorable. Ils offrent de la littérature et de la philosophie, mais l'une et l'autre parées des charmes de l'esprit. La morale y est partout agréable, peut-être même trop, et le philosophe n'a pas assez écarté le bel-esprit. Cet ouvrage commença sa grande réputation; les ouvrages suivans la confirmèrent. On rapportera le titre des principaux, suivant l'ordre chronologique. I. Lettres du Chevalier d'Her.... 1685. Elles sont pleines d'esprit, mais non pas de celui qu'il faudroit dans des lettres. On sent trop qu'on a voulu y en mettre, et qu'elles sont le fruit d'une imagination froide et compassée. II. Entretiens sur la pluralité des Mondes, 1686. C'est l'ouvrage le plus célèbre de Fontenelle, et un de ceux qui méritent le plus de l'être. On l'y trouve tout entier : il y est tout ce qu'il étoit, philosophe clair et profond, bel-esprit fin, enjoué, galant, &c. Ce livre, dit l'auteur du Siècle de Louis XIV, fut le premier exemple de l'art délicat de répandre des graces jusques sur la philosophie: mais exemple dangereux, parce que la véritable parure de la philosophie est l'ordre, la clarté, et sur-tout la vérité, et que, depuis cet ouvrage ingénieux, on n'a que trop souvent cher

que

ché à y substituer les pointes, les saillies, les faux ornemens. Ce qui pourra empêcher que la postérité ne mette les Mondes au rang de nos livres classiques, c'est qu'ils sont fondés en partie sur les chimériques tourbillons de Descartes. III. Histoire des Oracles, 1687; livre instructif et agréable tiré de l'ennuyeuse compilation de Vandale sur le même sujet. Cet ouvrage précis, méthodique, trèsbien raisonné, et écrit avec moins de recherche les autres productions de Fontenelle, a réuni les suffrages des philosophes et des gens de goût. Il fut attaqué, en 1707, par le jésuite Baltus. Son livre a pour titre : Réponse à l'Histoire des Oracles. Fontenelle crut devoir, par prudence, laisser cette réponse sans réplique, quoique son sentiment fût celui du père Thomassin, homme aussi savant que religieux. On prétend que le père Tellier, confesseur de Louis XIV, ayant lu le livre de Fontenelle, peignit l'auteur à son pénitent comme un impie. Le marquis d'Argenson (depuis garde-dessceaux), écarta, dit-on, la persécution qui alloit éclater contre le philosophe. Le Jésuite auroit trouvé beaucoup plus à reprendre dans la Relation de l'isle de Borneo, dans le Traité sur la Liberté, et dans quelques autres écrits attribués à Fontenelle, et qui ne sont pas peut-être tous de lui. IV. Poésies pastorales, avec un Discours sur l'Eglogue, et une Digression sur les Anciens et les Modernes, 1688.

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