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bord son esprit. Un air du monde répandu » dans toute sa personne, rendoit aimables jusqu'à » ses moindres actions. Souvent les agrémens de l'esprit en excluent les parties essentielles : le

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sien, unique en son genre, renfermoit également » tout ce qui fait aimer et respecter. La probité, » la droiture, l'équité, composoient son caractère. » Son imagination vive et brillante, des tours fins » et délicats, et des expressions toujours heureuses, » en faisoient l'ornement. Son cœur fut toujours » pur, ses procédés nets, et sa conduite fut une application continuelle de ses principes; exigeant » peu, justifiant tout, saisissant toujours le bon, » et négligeant si fort le mauvais, qu'on pouvoit quelquefois douter qu'il l'eût apperçu. Difficile » à acquérir, mais plus difficile à perdre; exact » observateur des loix de l'amitié, l'honnête homme ›› chez lui n'étoit négligé nulle part. Il avoit tout ce qui peut retenir. Il étoit en même temps propre » au commerce le plus délicat, et aux sciences les plus abstraites. Modeste dans ses discours et simple » dans ses actions, la supériorité de son mérite se » montroit d'elle-même, mais il ne la faisoit jamais » sentir. De telles dispositions sont bien propres » à mettre le calme dans l'ame; aussi possédoit-il » la sienne si fort en paix, que toute la malignité » de l'envie n'a jamais eu le pouvoir de l'ébranler. » Il avoit le rare talent de la raillerie fine et dé

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licate, et le mérite encore plus rare de ne s'en point servir; ou s'il l'a quelquefois employé,

» ce n'a été qu'à l'oreille de ses amis : aussi disoit-il qu'il ne lui étoit jamais arrivé de jetter le moindre » ridicule sur la plus petite vertu. En un mot, il » étoit du petit nombre de ceux auxquels on ver» roit accorder sans jalousie le privilége de l'im» mortalité ».

Ce portrait ne laisse rien à desirer sur son caractère, et nous n'y ajouterons que quelques faits propres à confirmer la vérité.

dit,

Fontenelle avoit, comme nous l'avons déja , pour intime ami M. Brunel, procureur du Roi au bailliage de Rouen. Ce dernier sut qu'il avoit amassé, peu de temps après son arrivée à Paris, une somme de mille écus, et les lui demanda. Fontenelle répondit qu'il les avoit destinés à un autre usage. M. Brunel repliqua laconiquement : Envoyez-moi vos mille écus; et Fontenelle lui adressa sur le champ cette somme, qui faisoit alors toute sa fortune.

Un mathématicien (M. Beauzée), l'un des premiers professeurs en ce genre, et ensuite membre à l'Académie Françoise, qui vient de le perdre, se trouva en province dans une telle situation, qu'une somme de 600 liv. lui étoit absolument nécessaire. Il avoit eu autrefois occasion de donner quelques leà un homme de qualité, riche, et qui l'avoit

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quitté en l'accablant de protestations d'amitié et d'envie de l'obliger. Il crut pouvoir s'adresser à lui: mais en même temps, et par une espèce d'instinct, il s'adressa aussi à Fontenelle, dont il connois soit l'humeur bienfaisante plus que personne. Il leur écrivit à tous d'eux, et leur peignit sa situation. Les deux lettres firent l'effet qu'on pouvoit en attendre; le courtisan, qui n'avoit plus besoin du mathématicien, ne daigna pas lui faire réponse; et celle de Fontenelle, qui arriva l'ordinaire suivant, fut accompagnée d'une lettre-de-change de la somme demandée. La différence des deux procédés fut sentie par celui qui en étoit l'objet. C'est de lui-même que je tiens ce fait; c'est à sa prière que j'en fait part au public.

Jamais personne n'eut moins de peine que lui à pardonner; il sembloit ignorer jusqu'aux noms de vengeance et d'inimitié. Un homme qui croyoit l'avoir offensé, venant un jour lui en faire excuse, il eut quelque peine à se rappeller le fait, et avoua qu'il l'avoit totalement oublié.

Malgré tout ce qu'on a pu dire contre lui sur le chapitre de la religion, il n'a jamais donné de prise sur cet article. Il en pratiquoit les devoirs extérieurs avec exactitude. Dans la vie de Corneille, imprimée avec ses premiers ouvrages, il dit, en parlant de l'Imitation de J. C., traduite en vers par ce célèbre poëte : « Ce livre, le plus beau qui soit

» n'en est pas,

» sorti de la main des hommes, puisque l'évangile n'iroit pas, &c. ». Nous pourrions rapporter d'autres passages aussi formels de ses ouvrages. Enfin il n'a jamais négligé de relever ce genre de mérite dans les académiciens dont il a fait l'éloge; et s'il ne disoit pas toujours tout ce qu'il pensoit, on sait combien il étoit éloigné de dire ce qu'il ne pensoit pas.

Il avoit peu de patrimoine, mais il jouissoit d'assez grosses pensions. Il en avoit une entre autres sur la cassette du Roi, dont il a fait passer la moitié à M. le Bovier de Saint-Gervais, mousquetaire du Roi, son parent, et le seul héritier de son nom. Il a disposé du reste de sa fortune, qu'une longue et sage économie avoit rendue considérable, en faveur de madame de Montigny et des deux demoiselles de Marsilly, ses nièces, et de madame de Forgeville, qu'il a instituées ses héritières, chacune pour un quart.

Sa mort a été honorée des regrets de tous ceux qui l'ont connu, et elle a déja été célébrée par plusieurs ouvrages publics: mais quelques honneurs qu'on lui décerne, c'en sera toujours moins que n'en mérite la mémoire d'un homme qui, avec aussi peu de défauts, avoit autant de belles qualités, et qui a rendu de si grands services et fait tant d'honneur aux lettres, aux sciences et à la nation.

ARTICLE DE FONTENELLE

PAR L'ABBÉ TRUBLET,

Pouvant faire suite à cet éloge.

MALGRÉ ALGRÉ un tempérament peu robuste en apparence, Fontenelle, qui n'avoit jamais eu de maladie considérable, pas même la petite - vérole a joui d'une santé constante jusques vers la fin de sa vie. S'il avoit quelquefois la goutte, elle n'étoit pas douloureuse. Il n'eut donc de la vieillesse que des privations. A la surdité, succéda l'affoiblissement de la vue. Dans ses deux ou trois dernières années, il devint sujet à d'assez fréquentes foiblesses, et même à des évanouissemens; mais il en revenoit bientôt, et se portoit ensuite aussi bien qu'auparavant. Il en eut une le samedi matin 8 janvier 1757, n'en revint qu'imparfaitement, et mourut le lendemain sur les cinq heures du soir. Le samedi précédent, premier jour de l'an, sans se trouver plus mal qu'à l'ordinaire, il avoit demandé lui-même les sacremens, et les avoit reçus avec une parfaite connoissance.

Fontenelle dit à M. le curé de Saint-Roch, lorsqu'il s'approcha de son lit : « Monsieur, vous » m'entendrez mieux que je ne vous entendrois. » Je sais mon devoir et le vôtre dans la circons

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