Page images
PDF
EPUB

,

mement mêlé de luthériens autorisés par des traités inviolables. M. le cardinal de Rohan avoit à sou tenir le double personnage, et de prince souverain, et d'évêque catholique. Prince, il gouverna ses sujets avec toute l'autorité, toute la fermeté de prince, et en même temps avec toute la bonté toute la douceur qu'un évêque doit à son troupeau; seulement il y joignit l'esprit de conquête si naturel aux princes, mais l'esprit de conquête chrétien. Il employa tous ses soins, mais ses soins uniquement, à ramener dans le sein de l'église ceux qui s'en étoient écartés : il étoit né avec de grands talens pour y réussir; et en effet le nombre des catholiques est sensiblement augmenté dans le diocèse de Strasbourg.

De cette augmentation, moins difficile à continuer qu'elle n'étoit à commencer, il en a laissé le soin à un neveu, son digne successeur, déja revêtu de ses plus hautes dignités. Quelle gloire pour nous, que le titre d'académicien n'ait pas été négligé dans une si noble et si brillante succession!

Après tout ce qui vient d'être dit, nous dédaignons presque de parler de la magnificence de cet illustre cardinal. La magnificence, considérée par rapport aux grands, est plutôt un grand défaut quand elle y manque, qu'un grand mérite quand elle s'y trouve. Son essence est d'être pompeuse et frappante; sa perfection seroit d'avoir quelque effet

utile et durable. Notre grand prélat l'a pratiquée de toutes les manières. Tantôt il a fait des présens rares à des souverains; tantôt il a répandu ses bienfaits dans les lieux de sa dépendance qui en avoient besoin; tantôt il a construit des palais superbes ; tantôt il a doté, pour tous les siècles à venir, un assez grand nombre de filles indigentes. Dans toutes les fêtes où pouvoient entrer la justesse et l'élégance du goût françois, il n'a pas manqué de faire briller aux yeux des étrangers cet avantage, qui, quoiqu'assez superficiel en lui-même, n'est nullement indigne d'être bien ménagé.

Je sens, Messieurs, que je vous fais un portrait, et fort étendu, et peut-être peu vraisemblable à force de rassembler trop de différentes perfections; on m'accusera de cet esprit de flatterie qu'on se plaît à nous reprocher. Je vous demande encore un moment d'attention, et j'espère que je serai justifié.

Le Roi a dit : « C'est une vraie perte que celle du cardinal de Rohan; il a bien servi l'état, il étoit "bon citoyen et grand seigneur; je n'ai jamais » été harangué par personne qui m'ait plu davan»tage ».

fait

Je crois n'avoir plus rien à dire sur le reproche de flatterie. J'ajouterai seulement que de cet éloge par le Roi, il en résulte un plus grand pour le Roi lui-même. Il sait connoître, il sait apprécier le mérite de ses sujets ; et combien toutes les vertus,

tous les talens doivent-ils s'animer dans toute l'étendue de sa domination! C'est-là ce qui nous intéresse le plus particulièrement : l'Europe entière retentit du reste de ses louanges; et ce qui est le plus glorieux, et en même temps le plus touchant pour lui, on compare déja son règne à celui de Louis XIV.

DIALOGUES

DES

MORTS ANCIENS

ET MODERNES.

« PreviousContinue »