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tères; la justesse du dialogue, qui fait qu'on se parle et qu'on se répond, et que chaque chose se dit à sa place, beauté plus rare qu'on ne pense; la noblesse et l'élégance de la versification, cachées sous toutes les apparences nécessaires du style familier.

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yeux

De-là vient que vos pièces se lisent, et cette louange si simple n'est pourtant pas fort commune. Il s'en faut bien que tout ce qu'on a applaudi au théâtre, on le puisse lire. Combien de pièces fardées la représentation ont ébloui les par du spectateur; et dépouillées de cette parure étrangère, n'ont pu soutenir ceux du lecteur? Les ouvrages dramatiques ont deux tribunaux à essuyer, trèsdifférens, quoique composés des mêmes juges; tous deux également redoutables, l'un parce qu'il est trop tumultueux, l'autre parce qu'il est trop tranquille et un ouvrage n'est pleinement assuré de sa gloire, que quand le tribunal tranquille a confirmé le jugement favorable du tumultueux.

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La réputation que vous deviez aux Muses, Monsieur, vous a enlevé à elles pour quelque temps. Le public vous a vu avec regret passer à d'autres occupations plus élevées, à des affaires d'état dont il auroit volontiers chargé quelqu'autre moins nécessaire à ses plaisirs. Toute votre conduite en Angleterre, où les intérêts de la France vous étoient confiés, a bien vengé l'honneur du génie

poétique, qu'une opinion assez commune condamne à se renfermer dans la poésie. Et pourquoi veut-on que ce génie soit si frivole? Ses objets sont sans doute moins importans que des traités entre des couronnes: mais une pièce de théâtre, qui ne fera que l'amusement du public, demande peut-être des réflexions plus profondes, plus de connoissance des hommes et de leurs passions, plus d'art de combiner et de concilier des choses opposées, qu'un traité qui fera la destinée des Nations. Quelques gens de lettres sont incapables de ce qu'on appelle les affaires sérieuses ; j'en conviens : mais il y en a qui les fuient sans en être incapables, encore plus qui, sans les fuir et sans être incapables, ne se sont tournés du côté des lettres, que faute d'une autre matière à exercer leurs talens. Les lettres sont l'asyle d'une infinité de talens oisifs et abandonnés par la fortune; ils ne font guères alors que parer, qu'embellir la société mais on peut les obliger à la servir plus utilement, ces ornemens deviendront des appuis. C'est ainsi que pensoit le grand cardinal de Richelieu, notre fondateur: c'est ainsi qu'a pensé à votre sujet celui qui commençoit à le remplacer à la France, et que la France et l'Académie viennent de perdre.

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Venez parmi nous, Monsieur, libre des occupations politiques, et rendu à vos premiers goûts. Je suis en droit de vous dire, sans craindre aucun

reproche de présomption, que notre commerc vous sera utile. Les plus grands hommes ont été ici, et n'en sont devenus que plus grands. L'Académie a été en même temps une récompense de la gloire acquise, et un moyen de l'augmenter. Vous en devez être persuadé plús que personne, vous qui savez si bien quel est le pouvoir de la noble émulation.

RÉPONSE

DE FONTENELLE,

Doyen de l'Académie Françoise, et alors directeur, au discours de M. de CHALAMONT DE LA VISCLEDE, secrétaire perpétuel, et l'un des députés de l'Académie de Marseille, à la réception de messieurs les députés de cette Académie, au sujet de son adoption par l'Académie Françoise, le 19 septembre 1726.

MESSIEURS,

Si l'Académie Françoise avoit, par son choix, adopté l'Académie de Marseille pour sa fille, nous ne nous défendrions pas de la gloire qui nous reviendroit de cette adoption; nous recevrions avec plaisir les louanges que ce choix nous attireroit. Mais nous savons trop nous-mêmes que c'est votre Académie qui a choisi la nôtre pour sa mère : nous n'avons sur vous que les droits que vous nous donnez

volontairement; et à cet égard nous vous devons des remercîmens de notre supériorité.

Ce n'est pas que nous ne puissions nous flatter 'd'avoir quelque part à la naissance de votre compagnie. Un de ceux qui en ont eu la première idée celui qui s'en est donné les premiers mouvemens, qui y a mis toute cette ardeur nécessaire pour commencer un ouvrage, est un homme que nos jugemens solemnels avoient enflammé d'un amour pour les lettres, encore plus grand que celui qu'il tenoit de son heureux naturel. Nous l'avions couronné deux fois de suite, et d'une double couronne

chaque fois, honneur unique jusqu'à présent. Et combien un pareil honneur, aussi singulier en son espèce, eût-il eu d'éclat dans les jeux de l'Elide? Combien Pindare l'eût - il célébré ! Nos loix ne donnoient pas à ce vainqueur, comme celles des Grecs, des priviléges dans sa patrie: mais lui, il a voulu multiplier dans sa patrie, il a voulu y éterniser les talens qui l'avoient rendu vainqueur. D'un autre côté, le crédit qui vous a obtenu de l'autorité royale les graces nécessaires pour votre établissement, ç'a été celui d'un des membres de l'Académie Françoise. Sous une qualité si peu fastueuse et si simple, vous ne laissez pas de reconnoître le gouverneur de votre province, le général d'armée qui rendit à la France la supériorité des armes qu'elle avoit perdue; et qui ensuite, par

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