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LETTRES

DE M. DE VOLTAIRE

E T

DE M. D'ALEM BERT.

1746-1768.

Correfp. de d'Alembert, &c. Tome I. A

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DE M. DE VOLTAIRE

E T

DE M. D'ALEM BERT.

LETTRE PREMIER E.

DE M. DE VOLTAIRE.

Le 13 de décembre.

EN vous remerciant, Monfieur, de vos bontés et de votre ouvrage fur la cause générale des vents. Du 1746. temps de Voiture, on vous aurait dit que vous n'avez pas le vent contraire en allant à la gloire. Madame du Châtelet eft trop newtonienne pour vous dire de telles balivernes. Nous étudierons votre livre, nous vous applaudirons, nous vous entendrons même. Il n'y a point de maison où vous foyez plus estimé.

Partem aliquam venti divûm referatis ad aures.

J'ai l'honneur d'être, avec tous les fentimens d'eftime qui vous font dus,

Monfieur,

Votre très-humble et très-obéiffant

ferviteur, Voltaire.

1752.

LETTRE I I.

DE M. D'ALEM BERT.

A Paris, ce 24 d'augufte.

J'AI appris, Monfieur, tout ce que vous avez bien

voulu faire pour l'homme de mérite auquel je m'intéreffe, et qui eft à Potsdam depuis peu de temps (*). J'avais prié madame Denis de vouloir bien vous écrire en fa faveur, et on ne faurait être plus reconnaiffant que je le fuis des égards que vous avez eus à ma recommandation. Je me flatte qu'à préfent que vous connaissez la perfonne dont il s'agit, elle n'aura plus befoin que d'elle-même pour vous intéresser en fa faveur, et pour mériter vos bontés. Je fais par expérience que c'eft un ami sûr, un homme d'efprit, un philofophe digne de votre eftime et de votre amitié, par fes lumières et par fes fentimens. Vous ne fauriez croire à quel point il fe loue de vos procédés, et combien il eft étonné qu'agiffant et penfant comme vous faites, vous puiffiez avoir des ennemis. Il eft pourtant payé pour en être moins étonné qu'un autre; car il n'a que trop bien appris combien les hommes font méchans, injuftes et cruels. Mon collégue dans l'Encyclopédie fe joint à moi pour vous remercier de toutes vos bontés pour lui, et du bien que vous avez dit de l'ouvrage, à la fin de votre admirable Effai fur le fiècle de Louis XIV. Nous

(*) L'abbé de Prades.

connaiffons mieux que perfonne tout ce qui manque à cet ouvrage. Il ne pourrait être bien fait qu'à 1752. Berlin, fous les yeux et avec la protection et les lumières de votre prince philofophe; mais enfin nous commencerons, et on nous en faura peut-être à la fin quelque gré. Nous avons effuyé cet hiver une violente tempête : j'espère qu'enfin nous travaillerons en repos. Je me fuis bien douté qu'après nous avoir auffi maltraités qu'on a fait, on reviendrait nous prier de continuer, et cela n'a pas manqué. J'ai refufé pendant fix mois, j'ai crié comme le Mars d'Homère; et je puis dire que je ne me fuis rendu qu'à l'empreffement extraordinaire du public. J'efpère que cette résistance fi longue nous vaudra dans la fuite plus de tranquillité. Ainfi-foit-il!

J'ai lu trois fois confécutives, avec délices, votre Louis XIV: j'envie le fort de ceux qui ne l'ont pas encore lu; et je voudrais perdre la mémoire pour avoir le plaifir de le relire. Votre Duc de Foix m'a fait le plus grand plaifir du monde; la conduite m'en paraît excellente, les caractères bien foutenus, et la verfification admirable. Je ne vous parle pas de Lifois, qui eft fans contredit un des plus beaux rôles qu'il

y

ait au théâtre; mais je vous avouerai que le Duc de Foix m'enchante. Avec combien d'amour, de paffion et de naturel il revient toujours à fon objet, dans la fcène entre lui et Lifois, au troifième acte? En écoutant cette fcène et bien d'autres de la pièce, je difais à M. de Voltaire comme la prêtreffe de Delphes à Alexandre Ah! mon fils, on ne peut te refifter. On nous flatte de remettre Rome fauvée après la SaintMartin: vos amis et le public feront charmés de la

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