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n'en crois pas quatre d'avérées avant la fin du treizième fiècle, et je ne fuis pas affez favant pour concilier les 1756. deux généalogies abfolument différentes de notre divin Sauveur.

A l'égard des Guerres littéraires, je crois que cet article, confacré au ridicule, ferait peut-être un mauvais effet à côté de l'horreur des véritables guerres. Il conviendrait mieux au mot Littéraire, fous le nom de Difputes littéraires; car en ce cas le mot guerre eft impropre, et n'est qu'une plaifanterie.

Je me fuis preffé de vous envoyer les autres articles, afin que vous euffiez le temps de commander Généalogie à quelqu'un de vos ouvriers. On a encore mis ce maudit article Femme dans la Gazette littéraire de Genève, et on l'a tourné en ridicule tant qu'on a pu. Au nom de Dieu, empêchez vos garçons de faire ainfi les mauvais plaifans: croyez que cela fait grand tort à l'ouvrage. On se plaint généralement de la longueur des differtations; on veut de la méthode, des vérités, des définitions, des exemples: on fouhaiterait que chaque article fût traité comme ceux qui ont été maniés par vous et par M. Diderot.

Ce qui regarde les belles-lettres et la morale, eft d'autant plus difficile à faire que tout le monde en eft juge, et que les matières paraiffent plus aifées; c'eft-là furtout que la prolixité dégoûte le lecteur.

Voudra-t-on lire dans un dictionnaire ce qu'on ne lirait pas dans une brochure détachée ? J'ai fait ce que j'ai pu pour n'être point long; mais je vous répète que je crains toujours de faire mal, quand je fonge que c'est pour vous que je travaille. J'ai tâché d'être vrai; c'eft-là le point principal.

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1756.

Je vous prie de me renvoyer l'article Hifloire dont je ne fuis point content, et que je veux refondre, puisque j'en ai le temps. Vous pourriez me faire tenir ce paquet, contre-figné chancelier, à la première occafion.

Vous ou M. Diderot, vous ferez fans doute Idée et Imagination; fi vous n'y travaillez pas, et que la place foit vacante, je fuis à vos ordres. Je ne pourrai guère travailler à beaucoup d'articles, d'ici à fix ou fept mois; j'ai une tâche un peu différente à remplir; mais je voudrais employer le refte de ma vie à être votre garçon encyclopédifte. La calomnie vient de Paris, par la pofte, me perfécuter au pied des Alpes. J'apprends qu'on a fait des vers fanglans contre le roi de Pruffe, qu'on a la charité de m'imputer. Je n'ai pas fujet de me louer du roi de Prufse; mais, indépendamment du respect que j'ai pour lui, je me refpecte affez moi-même pour ne pas écrire contre un prince à qui j'ai appartenu. On dit que la Beaumelle a fait imprimer une Pucelle de fa façon, où tous ceux qui m'honorent de leur amitié font outragés; cela eft digne du fiècle. Il y aura un bel article de Siècle à faire, mais je ne vivrai pas jufque-là. Je me meurs; je vous aime de tout mon cœur, et autant que je vous eftime. Madame Denis vous en dit autant.

LETTRE

XIII.

1756.

DE M. D'ALEM BERT.

A Paris, ce 13 de décembre.

Vous avez, mon cher et illuftre maître, très-grande

raison fur l'article Femme et autres; mais ces articles ne font pas de mon bail; ils n'entrent point dans la partie mathématique dont je fuis chargé ; et je dois d'ailleurs à mon collégue la juftice de dire qu'il n'eft pas toujours le maître ni de rejeter ni d'élaguer les articles qu'on lui préfente. Cependant le cri public nous autorise à nous rendre févères, et à paffer dorénavant par-dessus toute autre confidération; et je crois pouvoir vous promettre que le feptième volume n'aura pas de pareils reproches à effuyer.

J'ai reçu les articles que vous m'avez envoyés, dont je vous remercie de tout mon cœur. Je vous ferai parvenir inceffamment l'article Hiftoire contrefigné. Nos libraires vous prient de vouloir bien leur adreffer dorénavant vos paquets, fous l'enveloppe de M. de Malesherbes, afin de leur en épargner le port qui eft affez confidérable. Quelqu'un s'est chargé du mot Idée. Nous vous demandons l'article Imagination. Qui peut mieux s'en acquitter que vous ? Vous pouvez dire comme M. Guillaume: Je le prouve par mon drap. Le roi tient actuellement fon lit de juftice pour cette belle affaire du parlement et du clergé,

Et l'Eglife triomphe ou fuit en ce moment.

1756.

Tout Paris eft dans l'attente de ce grand événement qui me paraît à moi bien petit en comparaison des grandes affaires de l'Europe. Les prêtres et les robins aux prifes pour les facremens vis-à-vis les grands intérêts qui vont fe traiter au parlement d'Angleterre, vis-à-vis la guerre de Bohême et de Saxe, tout cela me paraît des coqs qui fe battent vis-à-vis des armées en présence.

Perfonne ne croit ici que les vers contre le roi de Pruffe foient votre ouvrage, excepté les gens qui ont abfolument réfolu de croire que ces vers font de vous, quand même ils feraient d'eux. J'ai vu auffi cette petite édition de la Pucelle; on prétend qu'elle eft de l'auteur du Teftament politique d'Alberoni; mais comme on fait que cet auteur est votre ennemi, il me paraît que cela ne fait pas grand effet. D'ailleurs les exemplaires en font fort rares ici; et cela mourra, felon toutes les apparences, en naiffant. Je vous exhorte cependant là-déssus au défaveu le plus authentique, et je crois que le meilleur eft de donner enfin vous-même une édition de la Pucelle, que vous puiffiez avouer. Adieu, mon cher et illuftre maître; nous vous demandons toujours pour notre ouvrage vos fecours et votre indulgence.

Mon collégue vous fait un million de complimens. Permettez que madame Denis trouve ici les affurances de mon respect. Vous recevrez au commencement de l'année prochaine l'Encyclopédie : quelques circonftances qui ont obligé à réimprimer une partie du troisième volume, font caufe que vous ne l'avez pas dès à préfent. Iterum vale et nos ama.

LETTRE XIV.

DE M. DE

VOLTAIRE.

Aux Délices, où l'on vous regrette, 22 de décembre.

Mon cher maître, mon aimable philosophe, vous

me raffurez fur l'article Femme, vous m'encouragez à vous représenter en général qu'on fe plaint de la longueur des differtations vagues et fans méthode que plufieurs perfonnes vous fourniffent pour fe faire valoir; il faut fonger à l'ouvrage et non à foi. Pourquoi n'avez-vous pas recommandé une espèce de protocole à ceux qui vous fervent, étymologies, définitions, exemples, raifons, clarté et brièveté? Je n'ai vu qu'une douzaine d'articles, mais je n'y ai rien trouvé de tout cela. On vous feconde mal; il y a de mauvais foldats dans l'armée d'un grand général. Je fuis du nombre; mais j'aime le général de tout

mon cœur.

Si j'étais à Paris, je pafferais ma vie dans la bibliothéque du roi, pour mettre quelques pierres à votre grand et immortel édifice. Je m'y intéresse pour l'honneur de ma patrie, pour le vôtre, pour l'utilité du genre-humain. Si j'avais eu l'honneur de voir M. Duclos quand il vous donna l'article Etiquette, je l'aurais détrompé de l'idée vague où l'on eft que Charles-Quint établit, dans fes autres Etats, l'étiquette de la maifon de Bourgogne. Celles de Vienne et de Madrid n'y ont aucun rapport. Mais surtout, fi je

1756.

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