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Est-il vrai que le Dieu de Jeanne
N'est plus le Dieu terrible et fort:
Que vois-je ? c'est une oriflamme
Qu'on plante au sommet du rempart ;
C'est l'ennemi, de toute part,

Qui fuit à l'aspect d'une femme !

Insondable est la voie où cheminent vos saints :
J'adore votre nom, je bénis vos desseins,
Vous qui purifiez, divine Providence,

Le corps par le travail, l'âme par la souffrance
Et versez comme un baume en nos cœurs l'espérance.
Nous marchons ici-bas, des larmes dans les yeux,
Et malgré l'injustice et la haine implacable,

Sans gémir nous portons le joug qui nous accable,
Les pieds sur cette terre et les regards aux cieux.
La liberté sans tache en ce monde est un rêve :
Il faut pour en jouir que le corps soit dompté,
Que la vertu commande au vice révolté,

Que la chair soit vaincue en ce combat sans trêve ;
Alors, comme l'encens, l'âme pure s'élève
Vers le séjour de gloire et d'immortalité
Où règnent le bonheur, la paix, la liberté.

AUTOUR

DU DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

PAR M. BOUCHET

RAPPORT DE M. TYRION

MESSIEURS,

Le Comité central m'ayant fait l'honneur de me charger du compte rendu d'un ouvrage intitulé: A propos du Dictionnaire de l'Académie Française, offert par son auteur, M. E. Bouchet, à la Société Académique, Société dont il fait partic, à titre de membre correspondant, je viens m'acquitter de ma tâche.

Tout dernièrement, je vous disais tout le bien que je pensais d'un travail du même auteur sur les Maximes et Proverbes tirés des Chansons de Geste, et dont M. E. Bouchet avait également fait don à notre Société, je dois aujourd'hui encore féliciter ce membre distingué de la Société d'Agriculture, Sciences, Belles-lettres et Arts d'Orléans, de sa nouvelle publication.

En effet, M. E. Bouchet, dans son petit opuscule, se montre partisan acharné des bonnes et saines traditions qui font qu'un peuple aime à conserver intacte la langue qui

lui a été transmise par ses ancêtres et peut, à bon droit, s'en montrer fier.

A propos de nouvelles réformes que certains philologues et M. Gréard, en particulier, proposent à l'Académie Française, portant sur la modification orthographique de beaucoup de mots, l'auteur nous donne un aperçu rapide des nombreuses tentatives faites à diverses époques pour modifier l'orthographe de notre langue.

Suivant l'auteur, au Moyen-Age, les écrivains français observaient un code de règles grammaticales, bien différent de notre grammaire actuelle, code plus simple, mais surtout plus voisin du latin. L'orthographe ne comptait guère à cette époque et chacun écrivait suivant la prononciation adoptée dans son pays. Le dialecte de l'Ile-de-France, qui était celui de la Cour, finit par avoir la prépondérance sur ceux des autres contrées.

Au XVIe siècle, des grammairiens comme Palsgrave et Tory, cherchèrent à exposer les règles de la langue française pour les enseigner aux étrangers. Ramus et Sylvius essayèrent de régulariser l'orthographe des mots. Meigret inventa un nouvel alphabet et, dans le Tretté de la grammère françoize, afficha nettement, dit notre auteur, la prétention de faire qadrer lé letres ao vos e a la prononciation sans avoir égart ao los sofistiques de derivezons et différences.» Ainsi que le constate M. E. Bouchet, Meigret, par peur du pédantisme, tombait en pleine barbarie.

C'est un peu ce qui arriverait si la fameuse note de M. Gréard à l'Académie Française était prise au sérieux, car les modifications qu'il propose ne tendraient à rien moins qu'à révolutionner le monde des linguistes. M. Gréard voudrait, lui aussi, que l'on orthographiât les mots tels qu'on les prononce; il voudrait que l'on écrivit beuf et seur. Il oublie, dit notre auteur, que c'est le peuple seul qui, peu

à peu, modifie l'orthographe d'une langue et que l'Académie Française ne fait en quelque sorte que consacrer la nouvelle manière d'écrire.

C'est Théodore de Bèze que M. Emile Bouchet charge de réfuter au XVIe siècle les propositions de M. Gréard, au XIX®.

Permettez-moi de citer le passage suivant de cet ancien auteur, il est absolument d'actualité :

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Ceux qui entreprennent de corriger notre orthographe » ne tendent à d'autre fin qu'à rapporter l'écriture à la prolation, et, par ce moyen, ils tachent d'en oster la superfluité et alusion qu'ils disent y être et en ce faisant, >> il faut que ce qu'ils veulent faire soit en faveur des » Français ou des étrangers ou bien peut-être de tous » deux.

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» S'ils le font en faveur des Français, il m'est avis qu'ils » ne leur font pas si grand plaisir qu'ils pensent car les

Français pour être de si longtemps accoutumez assurez » et confirmez en la mode d'écrire qu'ils tiennent de présent » se trouveront tous ébahis et penseront qu'on se veuille » moquer d'eux de la leur vouloir oster ainsi à coup, et non » sans raison.

» Tellement qu'au lieu de les gratifier, vous les mettez en peine de désapprendre une chose qu'ils trouvent » bonne et aisée pour apprendre une facheuse, longue et » difficile. »

Pelletier, du Mans, dans son Dialogue de l'orthographe et de la prononciation française, publié en 1555, emprunte des arguments à ce même Théodore de Bèze, pour réfuter les novateurs de son époque.

Certes, notre langue possède d'innombrables anomalies orthographiques, et peut-être serait-il bon de faire adopter par l'Académie quelques modifications de détail, mais changer

de fond en comble un dictionnaire dont chaque mot a son histoire nous paraît, ainsi qu'à M. E. Bouchet, un acte de vandalisme.

Dans une citation heureuse d'un passage d'une lettre de M. Psichari, insérée par M. Anatole France, rédacteur de la Vie littéraire du journal Le Temps, il nous donne une juste appréciation de la réforme proposée par M. Gréard.

D

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Voici ce passage:

« Nous nous sommes faits à l'orthographe: voilà son » grand avantage. Une belle page de prose ou de vers » nous ferait aujourd'hui l'effet d'un inintelligible grimoire avec une réforme rationnelle, c'est-à-dire radicale de l'orthographe. Nous avons si bien pris l'habitude de nous » identifier le sens du mot avec son aspect orthographique » qu'il nous faudrait désormais accomplir à la lecture un travail double, d'abord pour reconnaitre nos vieilles ⚫ connaissances du Dictionnaire sous leur nouveau travestissement, ensuite pour nous rendre compte da sens » que le mot considéré en lui-même présente dans la phrase.

D

Il n'est pas aisé de voir du premier coup-d'œil que » om veut dire homme, cette raison toute esthétique constitue pour moi le principal et même le seul inconvénient » d'une réforme intransigeante. »>

Permettez-moi cependant, Messieurs, de préférer à cette critique pourtant si juste celle de notre auteur lui-même.

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« Pour apprécier combien est vaine et difficilement appli» cable, la réforme proposée par M. Gréard, il suffit de se livrer à une expérience facile. Que l'on prenne au hasard parmi les œuvres classiques de la littérature française, » tel passage qu'il conviendra; que l'on s'empare d'un paragraphe quelconque, d'une oraison funèbre de Bossuet, d'un fragment des pensées de Pascal ou du Discours

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