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ALLOCUTION DE M. J. GAHIER

PRESIDENT ENTRANT.

Je vous remercie, mon cher Président, des trop aimables paroles dont vous venez de saluer mon avènement. Je vous remercie, mes chers collègues, du grand honneur que vous m'avez fait, en m'appelant, il y a un mois, à diriger vos travaux. J'étais entré depuis quelques jours dans votre Société, quand vous avez bien voulu me confier les délicates fonctions de secrétaire adjoint. Depuis, vos encouragements m'ont toujours suivi. Tour à tour secrétaire général et viceprésident, je dois à votre extrême bienveillance de succéder ce soir à notre excellent collègue, M. le Dr Gourraud.

La Société Académique, on l'a répété bien souvent, est autant un cercle d'études qu'un salon où l'on se rencontre, où l'on peut se créer d'agréables relations et de fortes amitiés. C'est ici, mon cher prédécesseur, que j'ai appris à vous connaître. Je savais qu'en vous l'homme de science n'avait d'égal que le fin lettré, le causeur spirituel et aimable; mais j'ignorais l'homme. Pendant vos deux années de viceprésidence et de présidence, j'ai pu vous apprécier et je garde, de ce temps vraiment trop court, un délicieux souvenir. Le collègue, le collaborateur est devenu l'ami un ami dont le dévouement m'a été plus d'une fois précieux

et dont je n'oublierai jamais la délicate courtoisie, la franche cordialité.

C'est aussi dans notre Société que je vous ai connu, mon cher Vice-Président. Nous avons même rempli, l'un à côté de l'autre, les fonctions de secrétaires dans un rapport étincelant de verve et d'esprit, vous analysiez les travaux de nos collègues, tandis que moi, timide débutant, je distribuais les récompenses, et aussi les critiques, aux lauréats de notre concours annuel. Ce m'est un vif plaisir de me retrouver, aujourd'hui encore, tout près de vous votre activité, votre bon vouloir me seront utiles et vous me permettrez d'avoir largement recours à l'un et à l'autre.

Quant à vous, mon cher Secrétaire général, je vous connais de longue date. Voilà presque vingt ans, nous nous livrions ensemble vous en souvient-il? - à d'interminables parties de marbres et de barres. Il nous aurait bien surpris, l'un et l'autre, celui qui serait venu nous dire que plus tard, bien plus tard, nous deviendrions, tous les deux, de graves académiciens; vous, mon aîné, je crois, secrétaire général, et moi président d'une Société dont alors nous ignorions certainement jusqu'au nom. La vie a de ces hasards, et c'en est un qui me permet de saluer, ce soir, notre nouveau secrétaire adjoint, M. Glotin. Ici, mes chers collègues, ma tâche devient terriblement délicate. M. Glotin m'est uni par des liens trop étroits, pour que j'essaie, en ce moment, de vous en esquisser l'éloge. Son beau livre sur les syndicats a attiré votre attention, et vous avez voulu attacher à votre bureau son jeune et savant auteur. Je ne crois pas m'avancer en vous assurant que votre confiance a été bien placée, et que M. Glotin sera pour nous un auxiliaire laborieux et sûr.

Nous entrons il ne faut pas se le dissimuler dans une période bien difficile et l'avenir me paraît gros de

menaces. Nous traversons une crise dont l'issue ne laisse pas d'être inquiétante. Nos finances sont loin d'être prospères, et c'est par des prodiges d'habileté - j'allais dire de jonglerie

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que notre incomparable trésorier est parvenu, cette année encore, à nous assurer la vie. Nos séances ne sont plus suivies ; nos sections, sauf la section de médecine, n'existent guère que sur le papier. Tout se ligue contre nous on nous reproche notre exclusivisme; on nous accuse d'être inutiles, comme si Coppée n'avait pas dit, dans le Passant:

L'inutile ici-bas, c'est le plus nécessaire ;

on soutient que nous vivons en dehors du siècle, que nous en ignorons les aspirations et les besoins. On nous oppose une foule d'œuvres utilitaires bibliothèques et conférences populaires, sociétés de secours mutuels qui, elles, se consacrent au culte de l'humanité souffrante et répandent sur les masses les trésors de l'instruction et de la charité.

Nous avons voulu, en partie, répondre à ces critiques, et nous avons pensé que la création de conférences publiques pourrait nous rendre un peu de cette bienveillance qui, depuis un an, semble s'éloigner de nous. Pour mener à bonne fin cette entreprise, je compte, mes chers collègues, sur votre bonne volonté. Les médecins nous entretiendront d'hygiène pratique, et j'en sais plus d'un qui n'en est pas à compter ses succès oratoires, et pour qui l'habitude de conférencier est devenue une seconde nature. Aux écrivains et aux poètes, nous demanderons des études critiques le champ de la littérature est vaste, et une causerie d'une heure sur un romancier à la mode ou sur une pièce nouvelle, n'est pas pour vous effrayer. Les savants nous apporteront le fruit de leurs recherches; les voyageurs nous décriront les paysages lointains, les peuples ignorés, et j'en connais un,

parmi vous, qui, certainement, ne refusera pas de nous transporter par delà les mers, dans les régions inexplorées de la Guyane et de la Nouvelle-Calédonie.

Varier autant que possible nos sujets de conférences ; agrémenter ces causeries d'un peu de musique; savoir, en même temps, nous rendre agréables et utiles, tel est, mes chers collègues, le but que nous devons nous proposer. Mais, pour atteindre ce but, il faut, de toute nécessité, que nos cadres s'élargissent. Tout à l'heure, votre Bureau vous exposera un projet qui doit, suivant lui, contribuer puissamment à la prospérité matérielle et morale de notre compagnie. Ce projet, l'initiative en revient à l'un de nos meilleurs confrères, à l'un de ceux qui portent le plus d'intérêt à notre Société, à notre sympathique bibliothécaire j'ai nommé M. Viard. Un des premiers, il avait, l'an dernier, supplié le Comité central de réduire le chiffre de la cotisation. L'idée a germé, et, aujourd'hui, elle vient d'éclore.

Nous avons besoin, en effet, de grossir nos rangs, d'appeler à nous tous ceux qui, jeunes et vieux, désirent travailler et s'entourer de bons conseils. L'abaissement de notre cotisation nous a paru un excellent stimulant: il faut que notre porte soit largement ouverte à toutes les activités, à tous les efforts. Beaucoup, qu'effrayaient l'austérité de nos réunions, viendront à nous, apprendront à nous connaître et nous resteront fidèles. Nous devons leur tendre la main.

Vous m'avez appelé, cette année, moi un de vos plus jeunes collègues, à l'honneur de vous présider. Ce choix, dont je vous suis reconnaissant, témoigne de votre hospitalité large et généreuse: il encouragera les jeunes gens à venir à nous; il leur montrera que nous ne sommes pas si terribles que le prétend la légende et que, loin de redouter la jeunesse, vous savez, au contraire, l'accueillir et la fêter.

NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR M. GUSTAVE CAILLÉ

PAR M. J. GAHIER.

MESSIEURS,

Le collègue dont je veux vous retracer l'éloge, n'appartenait que depuis quelques semaines à notre Société. Il fut, en effet, atteint de la terrible maladie qui allait l'emporter, le jour même où, réunis en assemblée générale, vous l'admettiez, le mois dernier, au nombre de vos membres. Son fils devait lui-même présenter le rapport sur sa candidature; mais, avant la séance, il venait s'excuser près de moi et me dire les cuisantes inquiétudes que lui inspirait le cher malade. Hélas! Messieurs, l'état s'est vite aggravé. On croyait, tout d'abord, à une attaque assez bénigne d'influenza; puis, peu à peu, les forces ont diminué, le corps s'est affaibli et toute espérance a vite disparu. M. Gustave Caillé s'est éteint le 15 février dernier, entouré de tous les siens, assuré contre les affres de la mort par sa foi chrétienne, et aussi par le souvenir d'une vie tout entière consacrée au devoir et au bien.

Né en 1824, M. Caillé, après de brillantes études au Lycée de Nantes, s'associa avec ses frères dans un commerce de bois. Son intelligence des affaires le plaça bientôt au premier rang. Elles sont de plus en plus rares, ces vieilles maisons sorte de patrimoine familial qui, il y a quelque trente ans, faisaient l'honneur de notre ville. Aujourd'hui, nos besoins

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