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temps en temps. Mais quand vous voudrez la réédifier, vous vous apercevrez que cette société avait des défauts inhérents à la nature de ces matériaux, que ces matériaux sont inévitables et ces matériaux sont les matériaux humains. Ce sera toujours avec des hommes que vous ferez des réunions d'hommes. Or, aucun animal n'est plus sociable ni moins sociable que l'homme. Vous apprendrai-je que deux hommes, quelles que soient leur intimité, leur vie commune et leur confiance réciproque, ont toujours au moins autant d'intérêts contraires que d'intérêts communs? Ouvrez le Code. Il s'est efforcé de tout prévoir ou tout au moins de ne rien oublier; car le législateur n'est pas un prophète discernant l'avenir, c'est un sage expérimenté qui n'a que le mérite de comprendre que les crimes ou les délits d'autrefois seront les crimes ou les délits de demain. Le Code n'a pas tout prévu! Mais à quoi n'a-t-il pas pensé. Epoux contre épouse. Mère contre enfant. Enfant contre père. Pupille contre tuteur. Partout c'est l'homme qui se défend contre l'homme; qu'aucun sentiment ne rassure: tous se sont vus profaner; qu'aucun droit ne protège, la force les a tous primés. Mais que d'horreurs échappent encore à la loi et lui échapperont toujours. Eh bien! Monsieur, voilà les matériaux avec lesquels il faut construire l'édifice, voilà l'unité sociale, voilà l'élément humain ! Et quand vous voyez la guerre entre les hommes, entre les amis, entre les familles ; quand vous voyez la discorde assez habile pour se dresser entre les enfants et les mères, au lieu d'en gémir en philosophe, vous vous en étonnez en naïf, vous vous en plaignez en enfant, vous en déclamez en rêveur, vous cherchez dans l'humanité la trace d'une aspiration à l'unité universelle !

Et l'humanité vous répond: Liens du sang, liens de l'amour, liens de la reconnaissance et de l'amitié la plus sainte, l'homme brise tout, déchire tout, méconnaît tout.

Serment, foi jurée, que signifie souvent tout cela pour l'homme quand la force publique n'est plus là pour le lui rappeler ?

Les grandes races semblent s'unir. C'est le fait dominant de l'histoire contemporaine. Mais dans cette union apparente où les dispositions géographiques sont plus écoutées que les affinités des peuples, que de sujets de haine, que de germes d'envie, que d'éléments de discorde! Attendons! l'Europe s'agite et tremble. Grandes nations! que deviendront-elles? Le Portugal se ruine, l'Espagne s'affaiblit. Que sont devenus la Suède et le Danemark? Dans quelle agitation inutile s'éteint la Grèce ? Et dans quelle torpeur s'effondre la Turquie ?

Un nouveau groupement des peuples s'est formé, appelé par les intérêts ou par la violence plutôt que par les sympathies. Au lieu de ces divisions multiples où chaque intérêt local trouvait sa satisfaction dans la conformité des lois et des mœurs, au lieu de ces petits peuples, de ces provinces qui reproduisaient une famille à force de s'en rapprocher par le nombre, d'immenses agglomérations se sont produites, ennemies jurées les unes des autres, se ruinant dans la préparation de guerres où l'on combattra jusqu'à la disparition du vaincu.

Alors ce sera épouvantable. Sous la mitraille, que de nationalités disparaîtront! Deuils, terreurs, ruines, on verra toutes les désolations se déverser sur l'humanité corrompue. Le sang lavera tout, emportera tout. L'immense souillure humaine en sera peut-être pour quelque temps effacée. Quel sera le plus coupable, quel sera le plus meurtri? Où Dieu portera-t-il ses coups? Horreurs ! Comment le vainqueur survivra-t-il lui-même à son triomphe? Verronsnous résister le grand corps social, ou, au contraire, dessoudé dans ses luttes, le verrons-nous se démembrer en ses unités primitives?

N'évoquons pas ces spectacles. Ne pensons à cet avenir que pour le reculer! Mais dites-vous que, quoi qu'il arrive, deux sentiments survivront à la lassitude et à la terreur européennes avec la haine et le mépris pour le lâche qui aura fui la lutte l'amour sombre du vaincu pour sa patrie écrasée, l'amour radieux du vainqueur pour son pays triomphant.

Nous sommes du même avis. Ne discutons plus.

LE FERMENT DE L'AMERTUME DU CIDRE

PAR A. ANDOUARD.

J'ai trouvé, au commencement de 1894, dans du cidre fabriqué depuis un an et doué d'une amertume très prononcée, un ferment auquel je crois pouvoir attribuer l'altération de ce produit. Ce ferment affectait la forme de bâtonnets courts, isolés, tantôt droits, tantôt plus ou moins coudés. Il ressemblait assez exactement à celui que M. Pasteur a extrait des vins de Bourgogne deveaus amers, à cela près qu'il avait des dimensions un peu plus grandes dans tous les sens.

Avec ce ferment, j'ai communiqué une amertume intense à du cidre dont la fermentation était presque achevée. Malheureusement, je n'ai pas pu réussir à le cultiver une seconde fois. Les essais nombreux que j'ai tentés à cet effet, dans des conditions variées, ne m'ont donné aucun résultat; le ferment avait cessé de vivre, sans que je puisse m'expliquer pourquoi.

N'ayant pu multiplier les expériences à son sujet, de manière à le caractériser complètement, je n'ai pas la certitude d'avoir eu en main la cause de la maladie en question. Cependant, le fait d'avoir été retiré d'un cidre doué d'une forte amertume et celui d'avoir manifesté nette

ment la faculté de rendre

amer, un cidre normal, sans dehors des levures habituelles,

qu'aucun autre ferment, en ait pu être observé à ses côtés, me donnent tout lieu de croire que c'est bien à lui qu'il fallait imputer l'altération deux fois constatée.

La figure ci-dessous indique l'aspect et les dimensions que présentait ce ferment, à un grossissement de 380 diamètres.

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