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produits : pendant près de quarante ans, M. Lechat l'a dirigée et, dans cette profession si nouvelle pour lui, il a fait montre d'une rare intelligence, d'une remarquable largeur de vue. Juge au Tribunal et membre de la Chambre de Commerce, il a su apporter, dans l'exercice de ces délicates fonctions, un jugement droit et ferme, un dévouement sans bornes, une connaissance profonde de nos intérêts commerciaux et maritimes.

Vers la fin de l'Empire, la politique l'attire, et, dès le 20 août 1870, nous le voyons adjoint au maire de Nantes, M. Waldeck-Rousseau. Au 24 septembre, il conserve ce poste et ne l'abandonne que le 26 février 1874, sous la mairie Cornulier-Lucinière. Le 14 décembre de la même année -M. de Cornulier n'était en effet resté que dix mois. au pouvoir M. Lechat est nommé maire de Nantes, et, par deux fois, le 13 mars 1878 et le 22 janvier 1881, la confiance des électeurs le maintient à cette dignité aussi peu aisée à conserver que difficile à conquérir.

L'administration Lechat marque dans l'histoire de notre cité. M. le Maire de Nantes l'a rappelé, l'autre jour, sur la tombe de son prédécesseur, et je ne puis mieux faire que de lui emprunter cette page éloquente et vraie: « Sous son énergique impulsion, des travaux importants et utiles ont été accomplis, et pour qui sait combien les affaires administratives demandent d'efforts et de persévérance pour être menées à bien, nous ne pouvons qu'admirer les qualités éminentes et l'ardeur au travail qu'a déployées Lechat dans le cours de son administration. Elle n'a certes pas perdu son temps et peut même prétendre à quelque gratitude de la part de nos concitoyens, l'Administration qui a su concevoir et exécuter des travaux aussi importants que la création de nos écoles communales, la construction de l'école professionnelle de garçons, du petit Lycée, de l'hôtel des postes et

télégraphes, des casernes d'infanterie, de cavalerie, du train des équipages, l'achèvement de la rue de Strasbourg et des voies d'accès à la cathédrale, la création du magnifique réseau de nos boulevards de ceinture, du champ de manœuvre et de ses voies d'accès, du boulevard Saint-Pern et du prolongement du boulevard Saint-Aignan, la construction des ponts de la Motte-Rouge et Haudaudine, la création des boulevards Victor Hugo et Babin-Chevaye, des rues Gambetta et de Coulmiers, l'amélioration du quartier de l'Hermitage, l'élargissement de la Grande-Rue, la création de notre première ligne de tramways. On voit que l'activité de Lechat ne s'est jamais ralentie, et l'ensemble des travaux accomplis sous son administration montre qu'il avait au plus haut degré l'esprit de suite, la volonté persévérante et la décision opiniâtre nécessaires pour diriger de haut les affaires d'une grande ville. »>

Vous savez, Messieurs, à la suite de quelles circonstances M. Lechat dut, en 1881, abandonner la mairie. M. Laisant se présentait à la députation et le Conseil municipal d'alors, dans une protestation demeurée célèbre, s'était engagé à démissionner si ce candidat l'emportait sur son concurrent, M. Lucas de Peslouan. M. Lechat, jugeant avec raison que le Maire de Nantes doit rester en dehors de ces petites rivalités politiques, avait refusé de signer la protestation. Les événements ou plutôt les électeurs- lui donnèrent raison, et M. Laisant fut élu. Tout le Conseil se retira, à l'exception de M. Lechat qui n'avait pas pris parti dans la lutte. M. Brissonneau fut nommé maire provisoire et l'on procéda à des élections municipales. Le parti de M. Lechat subit un échec : M. Colombel fut désigné comme maire, et son prédécesseur resta dans le Conseil jusqu'en 1884, un peu isolé, mais nullement amoindri par un insuccès qui laissait intacts son honneur et sa probité. Il se consacra de nouveau aux

questions industrielles et commerciales, prit une part active aux travaux de la Chambre de Commerce et employa les dernières années de sa vie à répandre autour de lui les trésors de son inépuisable charité. Sa santé s'affaiblit peu à peu; il perdit presque la vue, quitta la Chambre de Commerce et dut renoncer à présider l'Association polytechnique nantaise, qu'il avait contribué à fonder et à laquelle, toute sa vie, il était demeuré si profondément attaché. Il est mort à Nantes, le 18 mai dernier, laissant à ses enfants et à ses petits-enfants le souvenir d'un homme de bien, d'un citoyen intègre et d'un grand administrateur.

DISCOURS

PRONONCÉ PAR M. LE D' OLLIVE

SUR LA TOMBE DE M. LE Dr ROUXEAU

Ancien Président de la Société Académique.

MESSIEURS,

Devant cette tombe qui vient de s'ouvrir, la Société Académique de la Loire-Inférieure a tenu à se rappeler que le docteur Charles Rouxeau avait été un de ses membres les plus actifs et que, pendant une année, il avait été son président. Aussi m'a-t-elle chargé de la triste tâche de venir lui dire, en son nom, un dernier adieu.

Trop jeune pour avoir pu entendre les communications de notre collègue, pour avoir pu suivre les discussions auxquelles il prenait part, je n'ai eu qu'à ouvrir nos Annales pour voir avec quelle ardeur il a collaboré aux travaux de notre Société. Ce n'est pas seulement des choses de la médecine que M. le Dr Rouxeau aimait à s'occuper, mais son esprit cultivé n'ignorait rien des charmes de la littérature, et ses communications sont là pour prouver ce que sa conversation souvent si imagée, toujours attachante, m'avait déjà appris.

Le discours qu'il prononça à notre séance solennelle, en novembre 1866, a pour titre: De l'influence de la femme dans la société. Sujet délicat, difficile à traiter, et qui le fut avec un rare bonheur d'expression et une grande largeur de

uves.

Docteur en médecine depuis 1844, M. Rouxeau est resté sur la brèche presque jusqu'au dernier jour, se partageant entre ses fonctions de médecin de la prison et les soucis d'une clientèle, dans laquelle il ne comptait que des amis; cherchant, peut-être, dans le spectacle des tristesses des autres, des adoucissements et des consolations à sa propre tristesse. Le chagrin abat souvent plus vite et plus profondément les forces que ne pourraient les abattre les plus cruelles maladies..

Il y a deux ans, il voyait subitement enlevée à son affection celle qui avait été la compagne de ses années. Un an s'était à peine écoulé qu'un deuil, peut-être encore plus cruel, venait le frapper. Là-bas, tout près de notre frontière de l'Est, dans une de ces cités qui sont à la fois des postes de danger et des postes d'honneur, dans un de ces corps d'élite qui sont une des gloires de notre belle armée, était un jeune lieutenant, brillant officier, amoureux et fier de son métier. La maladie a, en quelques jours, terrassé ce jeune soldat qui donnait à tous les plus grandes espérances; et son frère, parti pour lui porter les témoignages de son affection et les secours éclairés de sa science, n'arrivait même pas pour recevoir son dernier soupir.

Le coup était trop dûr !

Mais si le docteur Ch. Rouxeau est enlevé à la grande famille médicale, s'il est enlevé à l'affection de ses amis, son nom restera vivant parmi nous, porté dignement par un collègue auquel j'adresse, au nom de la Société Académique et au mien, en même temps qu'un éternel adieu à son père, l'expression de nos sentiments de vive sympathie.

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