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RAPPORT

SUR LES

TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE

DE NANTES ET DE LA LOIRE-INFÉRIEURE.

ANNÉE 1893

MESSIEURS,

Les sévères principes de la rhétorique exigent que tout discours soit convenablement divisé, qu'il soit pourvu d'un exorde et d'une péroraison. Un exorde? Je veux croire — pour les besoins de ma cause qu'au temps où vous étiez écoliers, il vous arriva plus d'une fois de remettre à vos professeurs un discours auquel ne manquait.... que le commencement! Après l'avoir beaucoup et vainement cherché, ce commencement, vous y renonciez enfin pour traiter le sujet, comptant bien qu'au dernier instant l'exorde apparaîtrait de lui-même. Mais le dernier instant venait, le fâcheux exorde demeurait introuvable; il fallait rendre la copie et c'était une copie sans tête. Eh bien ! je le confesse non sans quelque confusion, je suis, ce soir, l'écolier de jadis. L'heure m'a surpris: pour mon discours je cherche encore les paroles de début. Je dois vous rendre une nouvelle copie

sans tête. Mais, prétend un vieux proverbe, « Faute avouée est demi pardonnée. » Mon aveu m'a donc gagné une moitié de pardon. Et, votre bonté, Messieurs, ne me laissera pas sans l'autre moitié.

J'ose d'autant mieux l'espérer que nos réunions publiques annuelles amènent autour de nous un auditoire d'amis.

Vous nous permettrez, Monsieur le Préfet, de vous placer au premier rang.

Nous nous souvenons de cette haute sympathie qui, depuis que vous sont confiés les intérêts supérieurs de ce département, chaque année, vous fait ici des nôtres; de cette haute sympathie que, hors d'ici, en toute occasion, la Société Académique a trouvée toujours prête et toujours sûre. Nous nous souvenons de cette exquise courtoisie que de derniers et rares contempteurs des temps présents imaginent être l'apanage des temps disparus.

De votre présence, Monsieur le Préfet, de la présence de M. le Maire de Nantes, de M. le général Fée, de M. le Procureur de la République et autrefois de la présence de quelqu'un qui nous en félicitons Mende et la Lozère, s'en est allé loin, lui aussi le galant homme le plus accompli et le plus fin causeur, notre Compagnic est fière et reconpaissante.

Après avoir salué nos amis, nous devons, Messieurs, selon un vieil usage, rappeler nos deuils, nous incliner une dernière fois devant la mémoire de ceux des nôtres pris par la mort.

Le même jour, les cloches de votre Cathédrale, le matin, joyeuses, à pleines volées, sonnaient pour fêter la Nativité du Christ; le soir, tristes et lentes, elles épandaient sur la ville un glas qui annonçait à tous la fatale nouvelle Mer Le Coq n'était plus. Dans les chaires catholiques, des voix autorisées ont dit la piété du Pontife et son dévouement

à l'Eglise. Nous, Messieurs, nous n'avons oublié ni le patriotisme de notre collègue, ni son talent d'écrivain.

L'écrivain? Vous connaissez tous ce style limpide, parfois délicatement imagé, parfois noblement sobre, toujours éloquent, ce style des Mandements où votre ancien Évêque tantôt plaidait près du riche la cause du pauvre, tantôt recommandait ces œuvres qui portent au loin avec la civilisation du christianisme l'influence française.

Le patriote? Je rappellerai seulement ce mot qui, prononcé en les mois terribles, par le Général commandant la place de Caen, est le plus bel éloge: « La parole du Curé de Saint-Jean vaut plus de dix mille hommes. »

Un poète de mon Anjou écrivait, au XVIe siècle, à un de ses confrères :

Laissons causer ces sots

Et ces petits galants qui ne sachant que dire
Disent, voyant Ronsard et Bellay s'entrescrire
Que ce sont deux mulets qui se grattent le dos.

De par nos règlements me voilà, Messieurs, un peu dans le cas de du Bellay je dois énumérer nos travaux de l'année. Au risque de passer pour un mulet flatteur du XVI® siècle, je vais à mon devoir.

Lors de notre dernière séance publique, vos secrétaires vous ont lu les rapports d'usage et, avant eux, M. Livet vous a parlé de l'Education. Comment il en parlait? Avec quelle compétence il abordait un pareil sujet? Pour le dire, Messieurs, ce n'est pas un jeune homme qu'il fallait à ma place; c'était quelqu'un qui, comme votre ancien Président, eût donné quarante ou cinquante ans de service à son pays, et ce quelqu'un vous n'aviez qu'à le prendre au hasard parmi vos doyens. Tout ce que je puis faire, c'est dire la modestie d'un homme qui seul ignore l'œuvre de sa vie.

Permettez-moi un souvenir. C'était une demi-heure avant notre séance générale de décembre 1892. N'étaient encore arrivés que quatre ou cinq d'entre nous. Nous causions quand, au cours de la conversation, de cet accent calme et sincère qui lui est habituel, M. Livet dit : « Deux choses m'ont étonné, cette année, m'étonnent encore; deux choses auxquelles je n'eusse jamais pu songer: que deux de mes élèves m'aient demandé, à moi, d'attacher la croix d'honneur sur leur poitrine et que j'aie été, moi, votre Président. » Qu'ajouter à cela, Messieurs? Peut-on être à la fois plus noble et plus modeste ?

Ah! certes, vous m'en voudrez longtemps, toujours peutêtre, des paroles de ce soir, mon cher ancien Président. Mais il faut que vous le sachiez bien: quand un groupe d'individus vous met à sa tête, l'honneur ne va pas à l'élu, il va à ceux qui vous ont choisi. Il est bon aujourd'hui que les larges esprits, les grands cœurs et les âmes désintéressées ne s'ignorent pas.

Je ne me pardonnerais pas d'oublier ceux qui, si gracieusement, nous apportent le charme de leur talent. Mme LavilleFerminet et M. Bourgeois ont laissé dans cette salle de tels souvenirs que les nommer c'est les applaudir encore. Et nous fûmes entraînés aux plus exquises régions de l'art par Mme Bentz et Mlle Baudry, par MM. Morin et Busson. A tous un merci cordial, et un merci double à MM. Morin et Busson, qui veulent bien nous revenir ce soir.

Vous vous réunissiez, Messieurs, au lendemain de votre séance publique, pour procéder à l'élection de votre bureau. A l'unanimité, vous acclamiez M. le Dr Gourraud comme président, et M. Joseph Gabier comme vice-président. Vos statuts, qui vous permettaient de maintenir à leurs postes M. Viard, votre distingué bibliothécaire, et M. Delteil, votre trésorier, dont le dévouement vous était plus acquis encore en

des heures plus difficiles, vos statuts vous jouaient ce mauvais tour de vous contraindre à laisser s'éloigner votre Secrétaire général. Vous perdiez en lui le secrétaire le plus courtois, de l'abord le plus aimable, de l'esprit le plus charmant et le meilleur, un savant et un lettré. Et si, pour le remplacer, je le dis avec conviction, --vous n'eûtes pas la main heureuse, vous l'eûtes du moins pour retrouver toutes les qualités de M. le Dr Sanson, en votre nouveau secrétaire adjoint, M. le Dr Landois.

Messieurs, nous avons eu des joies, cette année, et nous les conterons tout de suite:

Pour la seconde fois, M. Dominique Caillé a obtenu une médaille d'honneur pour ses poésies, de la Société nationale d'encouragement au bien;

M. Joseph Gahier a soutenu, avec un succès qui nous honore tous, sa thèse de doctorat devant la Faculté de Droit de Rennes ;

M. le Dr Chachereau a été nommé chimiste en chef des douanes à Nantes;

Et nous avons tous battu des mains quand les palmes d'officier de l'Instruction publique ont été apportées à M. le Dr Malherbe, et quand la croix de la Légion-d'Honneur fut remise à M. le Dr Laënnec, juste hommage rendu à la science et au dévouement du vaillant Directeur de notre Ecole de Médecine. Puisse-t-il, un jour, voir rempli le souhait que forment, en pensant à son Ecole et à lui, ses confrères, ses collègues, ses amis, Nantes et le dépar

tement !

Plusieurs fois, Messieurs, on est venu frapper à votre porte et vos votes ont accueilli des membres correspondants. et des membres titulaires.

Au rang des membres correspondants: M. l'abbé Marbeuf,

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