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y renoncer. Pour qu'une idée passe en acte, le temps est indispensable; il faut que les esprits s'y habituent; que les inconvénients de l'état actuel se fassent de plus en plus sentir; que les avantages à retirer de l'union soient mieux compris croyez-le bien, les efforts de MM. Andouard et Guillemet n'ont pas été vains; j'y ajouterai les miens, et si, ce qui est probable, je n'atteins pas le but, mon successeur, je l'espère, s'en trouvera plus rapproché.

Ai-je besoin, Messieurs, de dire en terminant que pour que je puisse m'acquitter, au mieux de l'intérêt de notre Société, de la tâche que vous m'avez confiée, j'ai, plus que tout autre, besoin de votre concours; je suis déjà assuré de trouver de précieux et dévoués auxiliaires chez les collaborateurs que vous m'avez donnés, mais cela ne suffit pas; c'est le concours de tous que je sollicite; sous quelque forme qu'il se produise, renseignements communiqués, idées suggérées, critiques surtout, il sera le bien venu et je vous en serai profondément reconnaissant.

ALLOCUTION DE M. LIVET

PRÉSIDENT ENTRANT.

MESSIEURS,

Appelé par vous à l'honneur de présider notre Société, j'éprouve une confusion qui n'a d'égale que ma reconnais

sance.

Depuis plus de quarante ans, que par une surprise de l'amitié fraternelle, j'ai été admis parmi vous, je n'ai rien écrit qui m'ait donné le moindre droit d'être placé à votre

tête.

En me faisant, malgré cela, un si grand honneur, vous voulez récompenser, j'en suis persuadé, les efforts que j'ai faits pendant un demi-siècle pour créer à Nantes, sans aucun appui, une école telle que je la rêvais depuis ma plus tendre jeunesse, une école d'enseignement professionnel et technique, où les jeunes gens pussent acquérir, sans l'étude du grec et du latin, les connaissances sérieuses, nécessaires pour se procurer les moyens de vivre honorablement, tout en se rendant utiles à leur pays.

Je puis vous assurer, Messieurs, qu'au milieu des difficultés sans nombre que j'ai rencontrées pour arriver à réalisation de mes rêves, je n'ai jamais perdu de vue, un seul instant, l'idée que je faisais partie de votre Société. Cette pensée a toujours soutenu mon courage. Si je n'avais ni le temps, ni

peut-être le talent d'écrire, j'avais à cœur qu'on ne me regardât pas comme un membre inutile. Votre confiance. semble me prouver que j'ai presque atteint mon but, puisque vous m'accordez aujourd'hui une si flatteuse distinction.

Comment vous exprimer les sentiments qui s'échappent de mon cœur reconnaissant?

Aujourd'hui que ma maison est édifiée, établie sur les bases solides de l'honnêteté et de l'utilité, je pourrai, mieux que par le passé, m'occuper de notre Société, en devenir un membre réellement actif.

Quelle belle tâche est la nôtre ! Quand on voit tant d'hommes, les yeux fixés sur la matière pour lui faire subir les transformations nécessaires à la vie matérielle du pays, à son commerce, à son industrie; il est bon de voir des hommes, amis du bien, élever leurs pensées et leurs cœurs, s'occuper de la culture intellectuelle et de la vie morale de leurs concitoyens.

Avec le bienveillant concours que vous m'avez promis pour vaincre des hésitations qui n'étaient que trop justifiées, nous ferons tous nos efforts pour assurer à notre Société le rang honorable qu'elle a acquis parmi les autres Sociétés littéraires et scientifiques de France.

Avril 1892.

LE THEATRE DE LABICHE

PAR JULIEN MERLAND,

Juge suppléant au Tribunal civil de Nantes,

Un de nos meilleurs collègues, M. Joseph Gabier, nous a entretenus, il y a quelques années, du théâtre d'Alexandre Dumas et de celui d'Emile Augier. Après lui, n'y a-t-il point quelques présomptions de ma part à venir vous parler du théâtre d'Eugène Labiche.

Eugène Labiche! Combien ce nom réveille en nous de joyeuses idées! Combien il nous rappelle d'agréables soirées, alors que nous allions applaudir ces inimitables comédies, où le bon goût s'allie toujours avec la franche gaieté. Nos pères nous ont souvent parlé du théâtre de Scribe. C'était pour eux un des bons souvenirs de leur jeunesse. La foule acclamait alors ces comédies, aujourd'hui, hélas! si dénigrées et si injustement délaissées.

Il est, en effet, de mode de nos jours de se railler de Scribe et, parmi ceux qui agissent ainsi, beaucoup, j'en suis sûr, n'ont même pas lu ses œuvres. Eh bien! si j'ai rarement vu représenter les comédies de Scribe, je les ai toutes lues et relues souvent et j'avoue que je ne comprends pas l'ostracisme dont elles sont maintenant frappées. Elles sont honnêtes et, à part quelques-unes, en très petit nombre, la

mère peut en permettre la lecture à sa fille. C'est peut-être là ce qui fait qu'elles sont peu goûtées actuellement. On leur préfère Zola avec ses peintures des bas fonds de la société ou ces auteurs dont les pochades incohérentes feraient rougir le public si aujourd'hui l'on savait rougir encore.

C'est là, j'en suis convaincu, une des causes du délaissement du théâtre de Scribe, et cependant quelles charmantes pièces que le Mariage de raison, le Verre d'eau, la • Camaraderie une pièce bien contemporaine celle-là

pourtant, la Calomnie, l'Ambitieux, Bataille de Dames, etc.! Quels charmants vaudevilles que Michel et Christine, une Nuit de la Garde nationale, l'Intérieur d'un Bureau, le Gastronome sans argent, etc.!

Le sort de Scribe est-il réservé à Labiche? Nos fils se souviendront-ils de ces pièces qui nous ont tant amusés ? Restera-t-il quelque chose de ce théâtre si volumineux?

Pendant bien des années, Labiche a défrayé les diverses scènes de Paris et de la province. Scribe avait inscrit sur la porte de son modeste chalet:

Le théâtre a payé cet asile champêtre;

Vous qui passez, merci je vous le dois peut-être.

Si tous ceux qui sont venus rire aux pièces de Labiche avaient, à la sortie, déposé pour l'auteur une petite pièce blanche, ce n'est pas un simple chalet, mais bien un véritable château qu'il eût pu faire construire.

M. Joseph Gabier, dans ses remarquables études, nous a apprécié le théâtre d'Alexandre Dumas et celui d'Augier pour ainsi dire pièce par pièce. Je ne pourrai procéder ainsi en ce qui concerne Labiche. Songez-donc que ses œuvres, et elles ne sont pas encore complètes, ne comptent pas moins de dix tomes renfermant cinquante-sept pièces. Puis ce n'est plus le même genre que Dumas et Augier. Ceux-ci, Augier

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