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la 6o. session; vous ne vous en souvenez plus; mais ayez patience, s'il vous plaît suivons le saint et ne le perdons pas de vue. Que voulez-vous qu'il fasse pendant le cours de sa vie? lui défendrons-nous la prière ? je n'en serais pas le maître, ni vous non plus; il s'abstiendrait aussitôt de croire en Dieu, que de le prier; il sait par mémoire tout l'Evangile et tout saint Paul; les livres divins ne lui parlent que de foi en Jésus-Christ, que de soumissions de l'entendement sous le joug de la foi, que de justifications par la foi; il a été alaité, il est nourri de ces maximes; il ne délibère point s'il croira ou s'il ne croira pas; il croit, et parce qu'il croit, il prie : la prière lui est marquée aussi souvent, aussi expressément que la foi : Veillez, priez, pour ne point entrer en tentation: Cherchez et vous trouverez, etc. Frappez et on vous ouvrira, etc. Bien plus, il trouve dans les livres saints une prière toute faite, l'oraison dominicale, le Pater noster, que JésusChrist a dictée et composée pour notre usage, pour nous être la formule ou le modèle de toute prière. Voulez-vous, ma sœur, tant qu'elle subsistera que mon saint la néglige pour l'oraison de simple regard? qu'il suive une motion extraordinaire, pour la prononcer dans son cœur? qu'il attende que Dieu lui dise formellement, dites mon oraison, ou ne la dites pas? priez-moi de la manière que mon fils vous a prescrite, ou n'ayez seulement qu'une vue confuse et indistincte de mon être, ou tout au plus de ma présence en tous lieux, comme l'enseignent les Quiétistes?

Il en est de même de l'aumône. Quel besoin d'inspiration extraordinaire pour la faire? Un pauvre la demande à notre saint; il la lui donne comme à Jésus-Christ : lui-même qui a dit qu'il réputerait ce que le chrétien aura fait pour le pauvre, comme s'il était fait à sa personne. Ailleurs il dit : J'avais faim, vous m'avez donné à manger ; j'avais soif, vous m'avez donné à boire. Venez, le royaume des cieux est à vous.

Quand Jésus-Christ pourra-t-il et voudra-t-il mieux s'expliquer plus nettement, dans l'oraison de simple regard?

Ç'aurait été sans mentir une action bien édifiante dans ces derniers temps de misère publique causée par la stérilité de la terre, de remettre un misérable qui mourait de faim, après la motion divine, de peur de le secourir par propriété et par activité, c'est-à-dire par des mouvemens de pure charité chrétienne. Ne voyez-vous pas, ma sœur, jusqu'à quel point de ridicule et d'absurdité vos principes vous peuvent conduire?

Revenons au saint homme. Il n'ignore pas, il est vrai, que yos directeurs vous insinuent que l'austérité réveille la concupiscence, qu'elle met les sens en vigueur loin de les amortir : mais il ignore encore moins que la vie de Jésus-Christ n'a été

qu'un tissu d'austérité, d'humiliations, de pauvreté, de jeûnes, de mortifications, de souffrances, qui s'est enfin terminé à une mort infâme et douloureuse qu'il doit y avoir au moins une grande conformité de la vie des membres à celle de leur chef, à moins de vouloir faire de la religion chrétienne, un tout informe, et un composé monstrueux de pièces tout-à-fait désassorties : que le précepte du législateur y est formel: Celui qui veut venir après moi, doit renoncer à soi-même, porter sa croix et me suivre : Et dans un autre endroit : Le royaume des cieux souffre de la violence; c'est-à-dire, comme il est expliqué ensuite, qu'il n'y a que ceux qui se font violence à eux-mêmes qui soient capables de l'emporter. Ces paroles seules, à votre avis, ne sontelles pas assez précises et assez claires, pour imposer au saint homme la loi du jeûne, de la haire, du cilice, des veilles, des austérités, pour le régler ensuite sans aucune motion divine dans toutes les actions de sa vie et dans la manière de sa mort? Je veux vous dire davantage : le saint qui se croit pécheur, n'ira-t-il point à confesse (1)? Je répondis, que cela lui était aussi permis qu'à un autre.

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DIRECT. Cela n'est pas, ma fille, tout-à-fait comme vous le dites, mais poursuivez.

PÉNIT. Il me dit, que non-seulement cela lui était permis, mais qu'il le devait faire. Oui, lui dis-je; si après avoir consulté Dieu dans l'oraison de vue confuse et indistincte, il en sort avec un mouvement extraordinaire d'aller se jeter aux pieds du prêtre.

Il s'échauffa un peu sur ma réponse, et me dit que je me moquais de lui et de toute la compagnie, de parler de la sorte: qu'à un homme éclairé dans les voies de Dieu, comme nous supposions lui et moi, qu'était le saint homme, le sentiment seul de sa conscience qui lui reprochait le moindre péché de vanité par exemple, et de complaisance sur son état, ou de relâchement dans ses exercices de piété, lui était une détermination, une raison pour s'en confesser : que faire dépendre cette démarche d'une inspiration extraordinaire, c'était s'exposer à n'user pas une seule fois en toute sa vie du sacrement de la pénitence. Et en élevant sa voix : Que serait-ce, me dit-il, des grands pécheurs, s'ils attendaient une inspiration pour aller à

(1) Si l'on dit à ces âmes abandonnées de se confesser, elles le font; car elles sont très-soumises; mais elles disent de bouche ce qu'on leur fait dire comme à un petit enfant, à qui l'on dirait : Il faut vous confesser de cela. Il le dit, sans connaître ce qu'il dit, sans savoir si cela est, ou non. Livre des Torrens. Ces âmes dont je parle, ne peuvent presque jamais se confesser. Ibid.

confesse? Sont-ils sûrs d'êtres inspirés à la mort, d'appeler leur confesseur? Et s'ils le font, ne sera-ce point par l'appréhension des jugemens de Dieu, que vous appelez une action de la créature, une vraie propriété et activité? Mais, poursuivit-il, ce n'est pas où j'en veux venir. Le pieux personnage que nous supposons, s'il songe à se confesser, il se préparera à une action si sainte par toutes les pratiques que sa piété lui pourra suggérer, il n'oubliera pas l'examen de sa conscience, qui est le plus nécessaire.

Dites, mon frère, le moins nécessaire et souvent même le plus préjudiciable à une bonne confession.

Bon, reprit-il, voilà où je voulais vous amener : Et en s'adressant à la compagnie : préparez-vous à entendre d'étranges choses, mais fort curieuses, et qui ont été oubliées dans vos formules de confession. A ce mot il se lève, et en me regardant de travers : Je ne puis, me dit-il, tenir davantage contre de telles sottises, je veux qu'on me berne, si votre extravagant de directeur, ne vous fait courir les rues avant qu'il soit deux mois, et après cette belle décision, il sortit.

Ma belle-mère demeura, et après m'avoir dit qu'il fallait être un turc ou un huguenot pour se confesser sans faire son examen; elle ajouta, qu'elle ne partirait point de là que son fils le docteur, qu'elle rappela, ne m'eût rendu muette comme une carpe,

Je continuai, et je dis, qu'il n'y avait point d'occasions dans toute la vie du chrétien, où il fût plus exposé à agir par propriété et activité, que dans celle de l'examen ; que ce n'était que contentions d'esprit, qu'efforts de mémoire pour se ressouvenir de l'espèce, du nombre, et des circonstances de ses péchés.

Dites, ma sœur, une torture, une bourrelerie de conscience. Pourquoi ne parliez-vous pas comme les Calvinistes? Vous avez déjà assez de choses communes avec eux.

Je lui dis, qu'il tenait de madame sa mère, quand il parlait ainsi.

Il se radoucit, et me dit agréablement, que l'examen était une chose aussi facile que nécessaire qu'on n'était obligé de rendre compte au prêtre dans le tribunal de la pénitence, que des péchés mortels : que ceux-là pesant sur la conscience, sautaient aux yeux dès qu'on pensait seulement à se confesser : et que pour ce qui est des péchés véniels; que les âmes pieuses éprouvaient dans l'habitude de la confession, qu'un médiocre soin suffisait pour en faire la revue, et les rappeler presque tous à la mémoire.

Je lui répondis du même ton, que pour les péchés grands et

petits, le meilleur, souvent, était de les oublier par deux raisons (1). La première, parce que cet oubli était une marque de la purification de sa faute. La seconde, parce que Dieu, quand il se faut confesser, ne manque point de faire voir à l'âme ses plus grandes fautes, et voulant bien alors le faire lui-même, il n'y aurait rien de mieux pour elle, que de s'abandonner à sa providence.

Si Dieu, ma sœur, s'en veut mêler tout seul, je conçois fort bien qu'une âme éclairée de la lumière divine, verra plus clair dans son intérieur, que par ses propres lumières. Vous voyez bien, mon frère ; et si, continua-t-il, Dieu voulait rendre présent à la mémoire d'un pénitent tous les péchés de sa vie passée, avec leur nombre et leurs circonstances, et lui mettre en même temps dans le cœur une contrition parfaite, ce serait bien de la peine épargnée, et je ne vois pas quel besoin il aurait d'effort, pour faire son examen, sans lequel assurément je trouverais sa confession fort bonne, et meilleure qu'il n'eût su en faire en toute sa vie.

N'est-il pas vrai, lui dis-je, que nous ne sommes pas l'un et l'autre si éloignés de sentimens?

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Vous le verrez me dit-il; mais pour vous faire une règle de conduite dans un sacrement le plus nécessaire au salut pour les pécheurs qu'il y ait dans l'Église, il faut conclure de ce principe-ci, que l'oubli des péchés est une marque qu'ils sont pardonnés, parce que Dieu lui-même en fera l'examen, ou que sa parole y soit engagée, ou que vous ayez droit de compter sur cette lumière divine, qui sans que vous vous en mettiez autrement en peine, vous découvrira vous-même à vous-même. Je vous demande donc sur quoi vous établissez ce droit? Qui vous a révélé que vous l'aviez? En quel endroit de l'Évangile Dieu vous a-t-il promis de suppléer à votre négligence les propres soins de sa providence et de sa charité infinie? Nommez-moi vos garans saint Pierre? saint Paul? dites, parlez. Si vous me demandez, ma sœur, pourquoi nous faisons notre examen, je ferai ici paraître mon filleul, votre fils, il n'a pas huit ans accomplis, vous lui avez appris les commandemens de Dieu et de l'Église, il les récitera devant vous, et entre autres articles celui-ci qui

(1) S'exposer devant Dieu, qui ne manquera pas de l'éclairer, et de lui faire connaître la nature de ses fautes. L'âme oubliera ses défauts, et aura peine à s'en souvenir, mais il ne faut pas qu'elle s'en fasse aucune peine, pour deux raisons. La première, parce que cet oubli est une marque de la purification de la faute, et que c'est le meilleur, dans ce degré, d'oublier tout ce qui nous concerne, pour ne se souvenir que de Dieu. La seconde raison est, que Dieu ne manque point, lorsqu'il se faut confesser, de faire voir à l'âme ses plus grandes fautes; car alors il fait lui-même son examen. Moyen court.

dit: Tous tes péchés confesseras, et le reste. Pour confesser ses péchés il faut s'en souvenir, pour s'en ressouvenir il faut les avoir sus, pour les savoir il faut faire une sérieuse recherche des actions de sa vie. Cette recherche est un examen, donc cet examen est nécessaire. Mais pour faire une confession de nos péchés qui les efface entièrement, et qui nous réconcilie avec Dieu, il faut qu'elle soit accompagnée et précédée d'une grande contrition : pour sentir cette douleur amère de nos fautes, il faut en avoir connu profondément et le nombre et l'énormité : cette connaissance a dû dépendre d'une exacte revue de ces mêmes fautes, une telle revue est l'examen de la conscience, donc un examen est nécessaire et préalable à la confession; nous raisonnons ainsi. Mais direz-vous, mon frère, qu'un chrétien qui au sortir de l'oraison de simple regard où Dieu lui aura fait connaître la grandeur de ses péchés, ira par une motion divine se jeter aux pieds d'un prêtre; s'il en oublie un considérable dans la confession; direz-vous que ce péché ne lui est pas pardonné?

Je dirai plus, ma sœur, me répondit-il, c'est que votre chrétien ajoute à son péché qui ne lui est point pardonné (parce qu'il ne l'a pas confessé) un autre péché très-grief, qui est celui d'une paresse criminelle dans un homme, dont la conscience chargée de crimes, ne l'excite point à examiner l'état de son âme avant que de l'exposer au ministre de Jésus-Christ.

Vous comptez donc pour rien le simple regard, mon frère ; au contraire, dit-il, je le compte pour beaucoup, pour une illusion grossière, et pour une ignorance très-coupable. Car que voulez-vous que je pense d'un chrétien, qui pour toutes précautions avant une confession qui sera peut-être suivie d'une communion, se contentant de regarder dans son oraison Dieu présent en tous lieux, présume par là assez de la sainteté de son état, pour attendre de Dieu, ou qu'il lui révèle tous les péchés qu'il a commis, ou qu'il lui pardonne ceux qu'il ne lui aura pas révélés? Si ce n'est pas là tenter Dieu, je ne sais plus ni quand ni comment on le peut tenter. Je reviens à mon saint, et je le fais avec votre permission, solenniser les mystères de Jésus-Christ tous les jours des fêtes qui lui sont consacrées.

Si cela se passe, lui dis-je, sans action vivante de sa part, sans activité et sans propriété, votre saint est le mien de tout mon cœur ; mais autrement il n'est pas mon saint, et ne le peut être de personne.

Vous parlez bien affirmativement, me dit-il, mais ma sœur, croyez-vous en Jésus-Christ?

Voilà une belle question!

Et en son Église?

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