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faiblesse veut s'autoriser par des maximes', où tant d'âmes insensées cherchent leur repos dans le naufrage de la foi, et ne font d'efforts contre elles-mêmes que pour vaincre, au lieu de leurs passions, les remords de leur conscience la princesse Palatine t'est donnée « comme un signe et un prodige : » in signum et in portentum.. Tu la verras au dernier jour, comme je t'en ai menacé, confondre ton impénitence et tes vaines excuses3. Tu la verras se joindre à ces saintes filles, et à toute la troupe des saints et qui pourra soutenir leurs redoutables clameurs? Mais que sera-ce quand Jésus-Christ paraîtra 6 lui-même à ces malheureux; quand ils verront celui qu'ils auront percé, comme dit le Prophètes; dont ils auront rouvert toutes les plaies; et qu'il leur dira d'une voix terrible « Pourquoi me déchirez-vous par vos blasphèmes, » nation impie? Me configitis, gens tota9. Ou si vous ne le faisiez pas par vos paroles, pourquoi le faisiez

1. Maximes. Cf. p. 21, n. 1. 2. Isaïe, vin, 18.

3. Bossuet a fait en 1660 un sermon (le premier pour le dimanche de la Passion) sur les Vaines excuses des pécheurs.

4. Soutenir ici« résister à quelque attaque, à quelque chose dont il est difficile de se défendre. Un criminel ne peut soutenir la présence de son juge.... Ne pouvoir soutenir un reproche,... la raillerie. » Dict. de l'Académie, 1694. « Les ennemis ne soutinrent point nos gens. » Racine, Lettres, VII, 49 (Grands écrivains). « Soutiendront-ils un vainqueur en furie?» Mithridate, v. 888. «... Quel cœur audacieux || Soutiendrait les éclairs qui partent de vos yeux?» Esther, v. 652. Cf. un sens différent, p. 357, 363.

5. Clameurs. Cf. le Sermon de 1665 sur le Jugement dernier, 2° p. « Nous lisons.... dans les saints Prophètes qu'il (Dieu) se rira d'eux

par des reproches mêlés de déri-
sion et de raillerie, et qu'... il les
immolera à la risée de tout l'uni-
vers.... [Les pécheurs publics et
scandaleux] boiront non seulement
le breuvage de houte éternelle
qui est préparé à tous les pécheurs,
mais encore ils avaleront, dit Ezé-
chiel, la coupe large et profonde
de dérision et de moquerie, et ils
seront accablés par les insultes
(sur le genre de ce mot, voy.
Serm. choisis, supra, p. 85, n. 1)
sanglants de toutes les crea-
tures. »

6. Parailra. Cf. p. 325, n. 1.

7. On trouverait peu d'exemples de percer employé absolument, sans complément déterminatif (de coups, de blessures, etc.). Bossuet traduit exactement les textes de Zacharie et de Malachie.

8. Zach., xn, 10: « Adspicient ad me quem confixerunt. »

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9. Malach., 1, 9: « El me vos configitis gens tota. »

vous par vos œuvres? Ou pourquoi avez-vous marché dans mes voies d'un pas incertain, comme si mon autorité était douteuse? Race infidèle, me connaissez-vous à cette fois ? Suis-je votre roi, suis-je votre juge, suis-je votre Dieu? Apprenez-le par votre supplice. Là commencera ce pleur éternel, là ce grincement de dents qui n'aura jamais de fin. Pendant que les orgueilleux seront confondus, vous, fidèles, « qui tremblez à sa parole », en quelque endroit que vous soyez de cet auditoire, peu connus des hommes et connus de Dieu, vous commencerez à lever la tête. Si, touchés des saints exemples que je vous proposes, vous laissez attendrir vos cœurs; si Dieu a béni le travail par lequel je tâche de vous enfanter en

1. Voies. Cf. p. 305, n. 2.

2. Connaissez-vous. Cf. supra, p. 299, n. 1.

3. A cette fois. Cf. p. 186, n. 8. 4. Pleur est « employé ici non dans le sens de lacrima, mais dans celui de ploratus ». Aubert. C'est l'acte de pleurer. « Autrefois on disait qu'il y avait un pleur dans une maison pour dire un grand deuil. »> Dict. de Furetière, 1690. « Hélas! il me fut trop meilleur Que je pusse finir mon pleur! Alain Chartier.

5. Ibi erit fletus et stridor dentium.» Matth., vit, 12. 6. « Audite verbum Domini qui tremitis ad verbum ejus. » Is., LXVI, 5. Cf. supra, p. 207, n. 3 bis.

7. Luc., XXI, 28.

8. Propose, au sens latin fréquent chez Bossuet (cf. Serm. choisis, p. 331, n. 2) de mettre devant les yeux, sens qui permet à La Rochefoucauld d'écrire : « Je me propose une grande joie de vous embrasser, » III, 225 (Grands écrivains). Cf. Racine: « Les grands hommes de l'antiquité..., voilà les véritables spectateurs que nous devons nous proposer. » Britannicus, I préface. « Cherchant à proposer

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aux lecteurs des défauts à éviter. » La Bruyère, Préf. du Disc. à l'Académie. « Le sujet que l'Académie avait proposé pour le prix d'éloquence.... » Dict. de l'Académie, 1694. Cf. p. 19, n. 2.

9. Vous laissez attendrir et non vous laissez s'attendrir. Sur cette chute du pronom complément dans les verbes réfléchis construits avec faire, voir Brachet et Dussouchet, Gramm. française, cours superieur, p. 375. Cette construction est constante au XVI et au XVII siècle non seulement dans les locutions verbales où entrait le verbe faire (« Chaque vers qu'il entend le fait extasier », Boileau), mais dans celles où figuraient d'autres verbes : << Un nourricier prend plaisir de voir bien porter son nourrisson. » Malherbe, II, 393 (Grands écrivains). « Pour moi je suis d'avis que vous les laissiez battre. » Corneille, Illusion comique, v. 690. « Veux-tu que de sa mort je t'écoute vanter? » Corneille, Cid, v. 1720. « Mais je sens affaiblir ma force et mes esprits. »> Racine, Mithridate, v. 1693. Et l'usage s'en est conservé jusqu'au commencement du XIX siècle (voir Chassang, Gramm. française, cours supérieur, p. 319).

Jésus-Christ1; et que, trop indigne ministre 2 de ses conseils, je n'y aie pas été moi-même un obstacle, vous bénirez la bonté divine, qui vous aura conduits à la pompe funebre de cette pieuse princesse, où vous aurez peut-être trouvé le commencement de la véritable vie.

Et vous, Prince, qui l'avez tant honorée pendant qu'elle était au monde; qui, favorable interprète de ses moindres désirs, continuez votre protection et vos soins 5 à tout ce qui lui fut cher; et qui lui donnez les dernières marques de piété avec tant de magnificence et tant de zèle; vous, Princesse, qui gémissez en lui rendant ce triste devoir, et qui avez espéré de la voir revivre dans ce discours que vous dirai-je pour vous consoler? Comment pourrai-je, Madame, arrêter ce torrent de larmes, que le temps n'a pas épuisé, que tant de justes sujets de joie n'ont pas tari? Reconnaissez ici le monde; reconnaissez ses maux toujours plus réels que ses biens, et ses douleurs par conséquent plus vives et plus pénétrantes que ses joies. Vous avez perdu ces heureux moments où vous jouissiez des tendresses d'une mère qui n'eut jamais son égale9; vous avez perdu cette source inépui

1. Vous enfanter en JésusChrist. Bossuet explique (Elévations, xi, 13 et 14) comme l'homme « par la pureté et la simplicité de sa foi », par l'adhésion volontaire de son intelligence aux mystères peut « devenir enfant de Dieu ». Mais « quoique nous concourions» ainsi à cette « génération >> spirituelle, « dans le fond pourtant elle vient de Dieu, qui met en nous cette céleste semence de sa parole. » D'où il suit que le prédicateur, dont le rôle est de faire retentir aux oreilles cette parole qui est étouffée au fond des cœurs, peut être considéré comme collaborant à son tour à cet enfantement du chrétien.

2. Ministre. Cf. p. 464, n. 2. 3. Conseils. Cf. supra, p. 302, n. 2.

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sable de sages conseils; vous avez perdu ces consolations,. qui, par un charme1 secret, faisaient oublier les maux dont la vie humaine n'est jamais exempte 2. Mais il vous reste ce qu'il y a de plus précieux, l'espérance de la rejoindre dans le jour de l'éternité, et en attendant, sur la terre, le souvenir de ses instructions, l'image de ses vertus, et les exemples de sa vie.

tôt, et moins précisément : sa pareille.

1. Charme. Cf. plus haut, p. 319, n. 3. Et comme ces résultats de la sorcellerie étaient surtout recherchés en cas de maladie, charme avait, à peu de chose près, le sens de remède efficace, de baume souverain. « O Reine qui pleine de charmes Pour toute sorte d'accidents As borné le flux de nos larmes.... » Malherbe, Ode à la Reine-mère. « Un grand cœur à ses maux applique d'autres charmes. » Corneille, Pompée, v. 1462. « Le repos de la paresse est un charme secret de l'âme qui suspend soudain les plus ardentes poursuites et les plus opiniâtres résolutions. >> La Rochefoucauld, 1,264 (Grands écrivains). « Ne vous informez point ce que je deviendrai || Que sais-je ? A ma douleur je chercherai des charmes. » Racine, Bajazet. « Les anciens médecins ont souvent employé les charmes et les remèdes superstitieux. » Le Clerc (dans le Dictionnaire de Furetière-Basnage). Et même quand charmes devint synonyme d'attraits physiques ou moraux produisant sur la sensibilité un effet ensorcelant, on fit toujours une différence entre

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charmes et appas, charmes restant réservé par les bons écrivains, dit Ménage, « aux beautés qui agissent par une vertu occulte et magique ». Observations sur la langue française, t. I, p. 566. C'est ainsi que Bossuet l'emploie dans l'Oraison funèbre d'Henriette de France:

Dieu avait préparé un charme innocent au roi d'Angleterre dans les agréments infinis de la reine son épouse. » Cf. p. 81, n. 9.

2. « Mme la princesse était la continuelle victime de son mari.... Elle était laide, bossue, un peu tortue et sans esprit, mais douée de beaucoup de vertu, de piété et de douceur, dont elle eut à faire un pénible et continuel usage, tant que son mariage dura, ce qui fut plus de quarante-cinq ans.... Sa piété, son attention infatigable, sa douceur, sa soumission de novice ne purent la garantir des injures fréquentes.... » Saint-Simon. Cf. p. 332, n. 5, et 333, n. 1.

3. Jour. Expression biblique: in die æternitatis, in die Domini. « Voici le jour de l'homme, mais le jour de Dieu viendra. » Racine, Hist. de Port-Royal. « Tremble, son jour approche et ton règne est passé. Esther, v. 1159.

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ÉCRIT

DE MADAME ANNE DE GONZAGUE DE CLÈVES, PRINCESSE PALATINE, OÙ ELLE REND COMPTE DE CE QUI A ÉTÉ L'OCCASION DE SA CON

VERSION.

J'avais tellement perdu toutes les lumières de la foi qu'à peine me restait-il le doute, que les personnes élevées dans une religion ont tant de peine à quitter; et j'étais tombée dans un tel aveuglement, que lorsqu'on parlait sérieusement devant moi des choses de la religion, je me sentais la même envie de rire qu'on sent ordinairement quand des personnes fort simples croient des choses ridicules et impossibles; et je disais souvent à quelques personnes de mes amis, que le plus grand de tous les miracles à mon égard serait celui de croire fermement le christianisme. J'étais néanmoins toujours persuadée qu'il y avait un premier Être. Dieu m'avait fait la grâce de n'en point douter et de lui demander souvent la connaissance de la vérité, et même un certain désir de la connaître pour lui plaire. J'aurais donné toutes choses pour trouver la religion véritable, et pour en être persuadée, si elle l'était; car j'avais une horreur étrange de passer ma vie dans des erreurs, des chimères, telles que me paraissaient alors les plus saints mystères de notre religion. J'étais dans ce malheureux état quand une nuit je songeai que, marchant seule dans une espèce de forêt, j'avais rencontré un aveugle dans une petite grotte. Je lui demandai s'il était aveugle de naissance, ou s'il l'était devenu? Il me répondit qu'il était né aveugle. « Vous ne savez «< donc pas, lui dis-je, ce que c'est que la lumière, qui est si « belle et si agréable, et le soleil, qui est si éclatant et si beau? ((- Non, me répondit-il, je n'en puis rien imaginer; car << n'ayant jamais vu, je ne puis m'en former aucune idée. Je << ne laisse pas de croire que c'est quelque chose de très beau « et de très agréable à voir. >>

<< Alors il me sembla que cet aveugle changea tout d'un coup de ton de voix, et me parlant avec une manière d'autorité, me dit : « Cela vous doit bien apprendre qu'il y a des choses très << excellentes et très admirables qui ne laissent pas d'être

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