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Rapport de M. S. MICHEL

Messieurs et chers Collègues,

Votre Commission, chargée des inventions industrielles soumises à votre appréciation, m'a fait l'honneur de me confier le soin de vous présenter le rapport sur le perfectionnement que M. Gouilloud, de Montbrison, a apporté dans le mécanisme du ressort qui régularise le débit de la trame qui sert à tisser le ruban.

Actuellement, le ressort est placé sur le côté gauche du talon de la navette; la lame du ressort appuie la boucle qui, placée au côté droit, est en contact avec la cannette et régularise le développement de la trame.

Avec ce système, le trépidement du métier en mouvement fait bien souvent déplacer, lever le ressort, qui, dans ce cas, occasionne des dégâts à la chaîne, dégâts qui se résument par une imperfection du tissu, et inflige une perte de temps à l'ouvrier pour remettre les fils en état.

L'invention que M. Gouilloud nous a soumise remédie à l'imperfection du système actuel; les accidents signalés ne sont plus possibles. L'ouvrier peut, à son gré, accélérer le mouvement de son métier, sans avoir la moindre préoccupation.

Par une ingénieuse combinaison et une entente parfaite de son sujet, il a résolu victorieusement son idée. Ce perfectionnement est très simple: il réunit la lame du ressort à la boucle par un œillet. Cette adhérence permet de le fixer au talon du côté droit de la navette par une vis qui ne gêne en rien le mouvement nécessaire au fonctionnement du mécanisme, et dont le tout forme ressort, avec cette différence que la lame appuie sur le talon de la navette pour y prendre son point de résistance.

Voilà, Messieurs, dans toute sa simplicité en quoi consiste le perfectionnement de M. Gouilloud.

Votre Commission constate avec satisfaction que ce système rendra des services à l'industrie des textiles; elle vous propose, à l'unanimité, d'accorder une médaille d'argent avec diplôme à l'inventeur.

Le Rapporteur,

S. MICHEL.

Eugène MULLER

Par M. J. BIRON, secrétaire général,

I

Eugène Muller est né le 31 juillet 1826, à Vernaison (Rhône) où son père était dessinateur dans une fabrique d'indienne. Mais il s'est toujours considéré comme Forézien et Stéphanois, car il avait à peine deux ans lorsque sa mère, devenue veuve, vint s'établir à Saint-Etienne où elle tenait, dans la rue Saint-Jacques, un commerce en gros de fichus imprimés de Provence, et il dit volontiers, aujourd'hui, en parlant de Saint-Etienne, dans mon pays ou chez nous.

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Après avoir passé quelques années au petit Collège communal de Saint-Etienne où il se lie d'amitié avec des Stéphanois de son âge, pour lesquels son affection ne s'est pas démentie, les nécessités de l'existence le font aller travailler comme dessinateur et graveur dans des fabriques d'étoffes imprimées, à Serezin et à Valence. Les souvenirs de cette partie de sa jeunesse sont retracés dans la première partie de l'une de ses œuvres: Le Père Victor, où se trouvent des scènes réellement vécues. L'on sent en lisant ces pages combien Eugène Muller aimait la profession qu'il exerçait alors et, le prestige de son récit aidant, il montre comme il est facile, pour l'ouvrier épris de son travail, de s'élever, par l'application et la volonté, à la hauteur de l'art.

En 1844, il vient établir, avec sa mère, une imprimerie d'indienne à Saint-Just-sur-Loire. C'est une des époques heureuses de sa vie et le charme des souvenirs d'alors sera toujours vivant en lui. Peut-on lire sans attendrissement les quelques pages d'introduction à sa Mionette, dans lesquelles il dépeint son village, qui « demeurera avec les belles choses « qu'il a... J'en pourrai dire les histoires que je sais ; <«<et j'aurai l'aise d'y en aller chercher encore d'autres

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<< quand j'aurai conté toutes celles de mes souvenirs; et à «< chaque fois que je l'irai revoir, il y aura fête dans mon « âme, parce que c'est là où j'ai été bien heureux et où j'ai << bien souffert; - parce que c'est là où j'ai été enfant << insoucieux; parce que c'est là où j'ai voulu aimer et où << j'ai aimé ».

La plupart des scènes de la Mionette se passent dans les environs si pittoresques et si riants de Saint-Just; il les a dépeints de main de maître. Suivant la promesse qu'il avait faite, après avoir conté les souvenirs qui lui en étaient restés, il y est revenu quelquefois chercher des sujets ou des impressions qu'il retrace dans quelques-uns de ses livres et principalement dans les Contes ou Récits champêtres, Madame Claude, Nizelle et dans Les Enfants de GrandPierre, dont le Mémorial vient de commencer la publication.

Tout en continuant à travailler lui-même à son instruction, Eugène Muller dessine et grave pour les fichus imprimés très en vogue à cette époque et que la petite fabrique écoulait facilement, surtout en Auvergne et en Provence. Mais, comme toutes les modes, celle des foulards imprimés passe aussi; puis arrive la Révolution de 1848 qui jette la perturbation dans les affaires; leur petite industrie est ruinée.

**

La mère d'Eugène Muller était une femme courageuse, à l'âme fortement trempée, portant haut le cœur et ne se laissant point abattre par l'adversité. Nous comprenons l'affection ardente de son fils pour elle, qui lui a légué, en même temps qu'une grande bonté d'âme, une dose de courage peu ordinaire.

La fabrique d'indiennes imprimées étant fermée, il fallut, comme on dit, se retourner. Le daguerréotype apparaissait à ce moment; c'est une autre ressource qui vient s'offrir, et l'on va tenter fortune de ce côté. On en fait l'apprentissage à Lyon, puis, une fois en possession de cette nouvelle industrie, qui n'était en quelque sorte que le prélude de la photographie, on fait des tournées dans les villes de la région. Annonay, Vienne, Valence, Bourg, etc., sont visitées; puis l'on va en Suisse et jusqu'en Italie.

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