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que la philosophie, en se détachant du christianisme, a voulu marcher seule. En passant par toutes les phases de la philosophie ancienne, elle en a renouvelé tous les systèmes, toutes les rèveries, toutes les erreurs, et n'a abouti qu'au même résultat.

L'on n'apprécie l'enseignement philosophique qu'autant qu'il renferme du vrai, comme l'on n'apprécie les œuvres d'art qu'autant qu'il y a du beau. Or il n'y a pas plus de vrai dans l'enseignement philosophique de nos jours, qu'il n'y a de beau dans les tableaux des Chinois, dans les bâtiments du sauvage. Les modernes systèmes philosophiques ne sont pas plus la vraie philosophie, que les hérésies ne sont la vraie religion. Si l'on sépare des livres de nos philosophes le peu qu'il y a d'idées chrétiennes, les débris du catéchisme qu'ils avaient appris dès leur enfance, ce qu'il y reste fait pitié. C'est le clinquant de l'imagination remplaçant l'or de la science; ce sont des doctrines vaporeuses, des principes sans cohérence, des mots sans signification; c'est l'absence de toute certitude, la disette de toute vérité. Depuis Bayle jusqu'à Jouffroy, toute la science de la philosophie moderne peut se résumer dans ces mots de Socrate « L'unique chose que je sais, c'est que je : << ne sais aucune chose. » Tout, dans cette philosophie, est hideux, informe, difforme; tout y est confusion et désordre, ignorance et ténèbres; tout n'y est qu'un véritable chaos, mais sans l'esprit de Dieu planant sur les eaux pour déblayer la surface de ce chaos, et le féconder. Cette prétendue philosophie n'est enfin que l'agonie de la science se débattant entre l'athéisme qui

en est la base, et le scepticisme qui en est le dernier mot, la dernière conséquence.

$8. Continuation du méme sujet. De grands esprits devenus petits, pour avoir voulu faire de la philosophie en dehors de la religion. M. Cousin et M. JOUFFROY. La seule philosophie religieuse fait les grands philosophes. Injustice du reproche adressé à l'auteur des Conférences, d'en vouloir à la raison.

Il est incontestable aussi que le Catholicisme est la seule religion ayant une valeur scientifique, les autres religions n'en ayant pas, n'en pouvant pas avoir. Et c'est là encore l'une des preuves qu'il est la seule RELIGION-VÉRITÉ. Dès lors il est certain aussi que lui seul peut donner à la science une base solide, la féconder, l'élever; et qu'en dehors de lui il n'y a pas de vraie science philosophique, parce qu'il n'y a pas de vérité clairement définie, certaine et immuable. La première condition donc, condition sine qua non, pour tout homme voulant faire des progrès véritables dans la philosophie, est de marcher dans les voies du Catholicisme, de s'inspirer de ses sublimes enseignements, de s'éclairer de ses lumières. Hors de là, toute philosophie ne progresse que comme l'écrevisse, à reculons, vers l'erreur ou vers le néant; et tout esprit philosophique, quelque grand qu'il soit, devient petit, et ne vaut plus rien.

Voyez M. Cousin : il y a de l'élévation, de la grandeur, du génie même dans cette intelligence. Malgré la manière plus qu'étrange dont il s'exprime souvent, par rapport à Dieu et à l'àme humaine, il est théiste

au fond, il est spiritualiste; le génie n'étant pas, ne pouvant pas être matérialiste ni athée. Oh! s'il avait donc dirigé ses nobles travaux à restaurer la philosophie catholique, au lieu d'essayer d'habiller à la française la philosophie protestante! oh! s'il s'était appliqué à remplir le vide que la philosophie des trois derniers siècles a laissé dans cette science, au lieu de venir le constater, ce vide, par son éclectisme, qui n'est, au fond, que le désespoir de toute vérité! oh! s'il avait traduit saint Thomas et voulu se faire son continuateur, au lieu de traduire les philosophes allemands et se faire leur écho! oh! qu'il serait grand! Avec ce noble instinct par lequel il devine, il sent de loin la vérité, et qui le ramène à la vérité lorsqu'il paraît faire des efforts pour s'en éloigner; avec cette facilité qui lui est propre, de pénétrer dans les profondeurs de la science et d'en découvrir ce qu'elles renferment de plus caché; avec cette force de logique par laquelle il oblige les principes à lui dévoiler les conséquences les plus secrètes et les plus éloignées; avec cette habileté de synthèse par laquelle il sait grouper ensemble les idées les plus disparates, les faits les plus solitaires, en faire un tout, et les subordonner au but qu'il se propose; avec cette puissance d'imagination à lui, qui sait donner aux fantômes qu'elle se crée le prestige et l'importance de la réalité; avec son merveilleux talent d'exposition, qui sait répandre la clarté sur les sujets les plus obscurs, et donner du concret à tout ce qu'il y a de plus abstrait; avec cette magie de style enfin, par laquelle il sait revêtir des formes les plus neuves et les plus agréables, même les pensées les plus banales,

même les paradoxes les plus monstrueux; avec tant de qualités éminentes qu'il est si rare de trouver réunies dans un même esprit, en marchant dans les voies de la science catholique, il aurait été philosophe, et grand philosophe. Saint Augustin aurait eu en lui un imitateur, saint Thomas un interprète, Fénelon un rival, la philosophie un restaurateur, la vérité un apologiste, l'Église un défenseur, la jeunesse un maître, le dix-neuvième siècle un savant de plus, la France une nouvelle gloire. Non-seulement son génie n'aurait rien perdu de son élévation, ni son style de son éclat, ni son nom de sa célébrité; mais il aurait occupé la première place parmi les philosophes du jour. L'histoire lui aurait décerné le titre de restaurateur de la philosophie au dix-neuvième siècle; ses livres seraient devenus les livres indispensables, les livres classiques des écoles chrétiennes, et son nom serait passé à la postérité, rayonnant de la double auréole du philosophe et de l'apologiste. Est-ce que ce rôle n'était pas beau, noble, grand, magnifique?

Mais, hélas ! nous le répétons ici avec un profond regret, M. Cousin ne s'est pas assez connu, ne s'est pas assez estimé lui-même, n'a pas été assez fier de lui-même ni des qualités de son esprit, ni de la valeur de sa personne. Pouvant être original en s'associant aux grands génies du christianisme, il s'est fait imitateur, il s'est mis à la remorque des modernes pédants de la philosophie païenne. Pouvant prétendre au rang de maitre, il s'est fait écolier. Pouvant enrichir sa patrie d'une philosophie véritable, ayant le christianisme pour base et la raison pour appui, il n'a fait que transporter

dans une des plus belles langues chrétiennes, les systèmes absurdes, creux, inintelligibles, funestes de l'Allemagne, formulés dans un style barbare, et qui ne sont, au fond, que le scepticisme dans toute sa rigueur et l'athéisme dans toute son impiété.

Dès lors qu'est devenu M. Cousin? Tout le monde sait que sa philosophie, bâtie sur le terrain mouvant des opinions, lorsqu'elle n'est pas l'erreur, n'est que le néant. Son auteur y a survécu déjà. Quel dommage donc qu'un si beau talent et tant de rudes et longs travaux soient restés stériles, et qu'ils n'aient abouti qu'à l'oubli! Cet oubli, à un pareil prix, a été, il faut en convenir, acheté trop cher.

Il en a été de même du plus sérieux de ses disciples, de cette belle intelligence, de M. Jouffroy. Chrétien, il aurait été Pascal; philosophe, il n'a été que Pyrrhon.

Voyez, au contraire, saint Augustin! Tant qu'il a été manichéen, philosophe, ne sachant pas, ne voulant pas, comme il nous l'a dit lui-même, abaisser son front devant l'humble sublimité de la Révélation chrétienne, il n'a rien su, rien compris à Dieu, à l'homme, à l'univers; il a été pauvre, petit, obscur, stérile; il n'a rien écrit, rien fait de vraiment grand, de vraiment utile. Les traits de son génie n'étaient pas reconnaissables, et disparaissaient comme des éclairs au milieu des ténèbres. Mais à peine, en devenant chrétien, il commença à s'éclairer au flambeau de la foi, que sa raison grandit, s'éleva aux plus sublimes hauteurs de la philosophie et de la théologie. Son génie apparut dans toute sa grandeur, dans toute sa prodigieuse fécondité, enrichissant des plus importants développements

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