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reni (ibid.). Il n'en faut donc pas davantage à l'homme, jaloux de sa dignité, de sa grandeur, pour passer condamnation sur cette philosophie, qui, à force d'être humaine, est profondément terrestre, et par cela même essentiellement bourbeuse.

Il est vrai que, depuis quelque temps, cette fausse science, à quelques exceptions près, est plus circonspecte et plus réservée. Il est vrai qu'elle n'ose plus se prononcer tout haut, et attrister l'oreille chrétienne par ses plats blasphèmes contre toute religion, contre Dieu. C'est peut-être l'effet de certaines circonstances dont elle a l'air de s'indigner, de frémir, quoique à tort, bien à tort, de sa part. Car ces circonstances ne sont que les conséquences logiques de son enseignement; ce sont les ravages causés par cet enseignement qui les ont rendues nécessaires; l'état politique actuel est son œuvre. Mais il n'en est pas moins vrai que les événements ne l'ont pas désillusionnée, corrigée, guérie; qu'elle n'a rien rabattu de sa suffisance, de son orgueil, en présence de l'état déplorable du peuple qu'elle a égaré, corrompu par ses leçons et ses exemples, tendant à affaiblir, à briser tout lien moral et toute vérité religieuse, à réhabiliter la chair, à diviniser l'argent, à inspirer le désir effréné des jouissances matérielles, et la fureur des places. Il n'en est pas moins vrai qu'elle conserve la même opposition, la même haine satanique contre le Catholicisme, la même prétention sacrilége de le chasser pour s'y substituer; et que sa constante pensée, son incessant travail n'est dirigé, par rapport à cette religion, qu'à la réalisation de ce mot si connu : « Ote-toi de là que je m'y mette.

Seulement, au lieu de prêcher, elle conspire. Ne pouvant pas se faire entendre dans les chaires, elle travaille dans les salons. Ne pouvant pas débaucher à son aise les jeunes gens, elle s'en prend aux femmes; et, « Imbéciles que vous êtes, leur répète-t-elle tous les jours, comment ne voulez-vous pas comprendre que, sous le nom de religion, on abuse de votre ignorance, on exploite votre crédulité, en vous proposant des pratiques contre nature comme des lois naturelles, des dogmes absurdes comme des révélations divines? Oh! si vous étiez instruites comme nous le sommes, si vous saviez ce que nous savons, de combien de préjugés vous vous débarrasseriez! Combien de violences vous épargneriez à votre cœur, et de privations à votre nature ! Vous sauriez que la création du monde du néant est impossible, que la chute originelle n'est qu'une fable, le Christ un mythe, la Bible une mythologie, le surnaturel une niaiserie, la confession un espionnage, le culte une escroquerie; vous sauriez que les martyrs ne sont que des fanatiques, les théologiens des ignorants, les prédicateurs des jongleurs, les prêtres des imposteurs, les catholiques un troupeau d'animaux stupides, ennemis de toute civilisation, de tout progrès; vous sauriez enfin que la raison est tout, et que la religion n'est rien.» On cite, à l'appui de pareilles leçons, des écrivains qu'on appelle grands, des philosophes qu'on dit profonds. On entasse des citations, on fait des raisonnements, on donne à lire des livres ; et il est désolant de penser à l'horrible succès avec lequel on parvient, par ces moyens, à détruire tout ce qu'il y a d'idées vraies dans les esprits, de sentiments justes

dans les consciences, de nobles instincts dans les cœurs; à faire passer, par une espèce de magnétisme intellectuel, l'esprit d'incrédulité dans des esprits croyants; à leur administrer de cet horrible poison dont on ne peut soupçonner la malignité que par la mort spirituelle qu'il produit ; à leur ravir les espérances, le bonheur et les consolations de la foi! Il est affreux de voir le nombre de victimes, d'apostats de la religion, de transfuges de l'Église, que, par ces procédés, la fausse science fait tous les jours dans la jeunesse, dans le sexe, dans le peuple, dont elle veut vraiment tromper la bonne foi, abuser l'ignorance, exploiter la crédulité!

Nous sommes bien loin de supposer des intentions aussi perverses chez tous les philosophes qui se parent des titres de rationalistes ou d'éclectiques. Nous sommes bien loin de penser que tous ceux qui font de la philosophie à l'aide de ces titres, en veuillent vraiment à la religion.

Nous aimons à croire même que ce n'est que par vanité, par faiblesse, et pour faire leur cour à l'esprit de mode, que quelques-uns d'eux ont répété en France ce qu'ils avaient puisé aux écoles allemandes, sans aucun dessein coupable et sans en connaître toute la portée.

Nous nous souvenons d'avoir lu, dans notre jeunesse, un petit poëme français très-joli, mais très-méchant, intitulé VER-VERT. Dans ce poëme, il est question d'un perroquet qui, ayant appris, sur un bateau, par les matelots, des mots obscènes, des blasphèmes et des jurons, alla les répéter rondement dans une

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maison religieuse où il avait été envoyé, et en scandalisa toute la sainte communauté. Voilà l'impression que nous font certains savants qui, ayant appris en Allemagne, ou dans les ouvrages publiés dans cette contrée, la philosophie creuse, stupide, obscure, blasphématoire, que le protestantisme y a produite et développée, véritables VER-VERTS, l'ont répétée en France, la terre classique du Catholicisme, et ont scandalisé ce peuple si spirituel et si chrétien, sans se douter des énormités qu'ils articulaient, ni du mal qu'ils faisaient.

§ 3. L'erreur du jour. But et plan de l'ouvrage :

LA RAISON PHilosophique eT LA RAISON CATHOLIQUE. Conférences sur LA CRÉATION.

Mais il n'en est pas moins vrai que l'athéisme déguisé sous les noms de rationalisme et d'éclectisme, est l'erreur du jour, est l'erreur dominante, l'erreur mère de toutes les erreurs, et que cette erreur, à des exceptions près, fait le fond, fait les frais de la moderne philosophie; et par conséquent que, comme nous l'avons dit dans notre première conférence, c'est cette erreur qui doit avant tout, et à l'exclusion de tout, appeler l'attention, intéresser le zèle de ceux qui sont chargés d'enseigner, de développer, de défendre la religion. Lorsque le dogme est entamé dans sa base, ce n'est pas le temps de s'occuper d'opinions dont la discussion n'est nullement édifiante pour les fidèles, nullement redoutable, il s'en faut, pour les incrédules, nullement utile à l'Église. Est-ce qu'on doit se soucier des avant

postes lorsque l'ennemi, ayant renversé toutes les tranchées, en est aux derniers abords de la place?

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C'est pour cela qu'à notre arrivée (en février 1851) dans cette métropole de la France, que l'on peut mème dire « du monde, » à cause de l'influence puissante qu'elle exerce dans le monde, — dans le cours des conférences que nous avons été appelé à prêcher, nous ne nous sommes préoccupés que du rationalisme, de cette science menteuse de nos jours, qu'on appelle « philosophie, dans ses rapports avec la religion. Sous le titre de: La raison philosophique et la raison catholique, nous avons d'abord tracé l'histoire de ces deux raisons; nous avons exposé leurs principes, leurs progrès et leurs résultats généraux (Conférences 1o, 2o et 3o); et, à l'appui de faits incontestables, nous avons démasqué la misère, la bassesse, la petitesse, la stérilité, l'impuissance de la raison philosophique ancienne et moderne, ayant voulu marcher toute seule à la conquête de la vérité; et en même temps nous avons indiqué la richesse, l'élévation, la grandeur, la fécondité, la force de la raison catholique ayant pris de la foi son point de départ, et s'inspirant et s'aidant des lumières et des certitudes de la religion. Nous avons démontré que la raison philosophique, loin d'avoir jamais trouvé par ses moyens une seule vérité qu'elle ne connaissait pas, a perdu toutes les vérités qu'elle connaissait déjà sur la foi de l'enseignement religieux et des traditions, et est allée s'abimer dans le gouffre du scepticisme; tandis qu'au contraire la raison catholique, tout en conservant les vérités de foi, s'est élevée à la plus grande hauteur dans la connaissance de la vérité même dans l'ordre

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