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ce qui lui a été révélé, elle ne peut s'arrêter non plus à ce qu'elle a imaginé; et qu'en reniant Dieu, elle est obligée de se renier elle-même.

. C'est donc par euphémisme, c'est par antiphrase qu'on appelle rationalistes les philosophes modernes. Un rationaliste n'est en réalité qu'un homme qui ne raisonne pas, un homme qui a abjuré la raison. Le rationalisme n'est que la caricature de la raison, tout comme le philosophisme est la caricature de la philosophie; le pédantisme celle de la littérature, et le fanatisme celle de la religion.

Parmi les prétendus savants de nos jours, auxquels on attribue le plus d'esprit et de savoir, on n'en trouvera pas un scul en état de donner des idées nettes, précises sur Dieu, sur le monde et sur l'homme luimême. Ceux même, parmi eux, qui se vantent d'avoir fait le plus de progrès dans les voies du vrai, sont précisément ceux qui en sont le plus éloignés. C'est qu'on ne peut pas plus faire de la vraie philosophie sans la religion, qu'on ne peut faire de l'or véritable par l'alchimie. Les cabalistes modernes de la pensée ne sont pas plus heureux que les anciens cabalistes de la matière; et ils finiront, comme eux, dans le ridicule et dans l'oubli. Personne ne peut croire que la postérité réimprimera Kaut, Fichte, Schelling, Hegel et les philosophes français qui s'en sont faits les tristes échos; tandis qu'on réimprime, qu'on traduit même saint Thomas. De pareils adversaires ne sont donc pas à craindre pour la religion en général. D'autant plus qu'aujourd'hui comme toujours la vraie science, la science solide, la science véritable est au Catholicisme,

est catholique, ou peu s'en faut, mème parmi les protestants, même parmi ceux qui enrichissent de lumières toujours nouvelles les sciences naturelles: ces vrais savants sont des nôtres; nous les revendiquons comme de nobles esprits à nous, et nous rendant d'importants et véritables services sous le rapport religieux.

Mais si, en conséquence de tout cela, la vérité catholique ne peut pas périr, et régnera toujours, tant qu'il y aura des hommes sur la terre; il est arrivé et il arrive tous les jours que, selon le redoutable oracle de Jésus-CHRIST, son royaume, qui n'est que le royaume de Dieu sur la terre, change de place, et qu'enlevé à un peuple qui s'en est rendu indigne, il est transplanté au milieu d'autres peuples qui sauront mieux en profiter; Auferetur a vobis regnum Dei, et dabitur genti facienti fructus ejus (Matth., 21). Or, c'est à attirer sur notre vieille Europe cet horrible châtiment de la part de Dieu, qu'a travaillé depuis trois siècles, que travaille plus que jamais, bien plus que les gouvernements eux-mêmes, la fausse science moderne. A la conspiration des puissants vient de succéder la conspiration des savants contre le Seigneur, contre son Christ et contre son Église. C'est à qui trouvera le système le plus apte, le moyen le plus sûr et le plus expéditif de délivrer le monde du joug de la croyance en Dieu et des liens des lois chrétiennes. Pendant que certains hommes d'État crient tout haut « Que la loi doit être athée, certains philosophes crient encore plus haut, à leur tour, « Que la science aussi doit être athée (1). » Et les

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(1) La philosophie est la lumière des lumières, l'autorité « des autorités (Cours de 1828, pag. 29). » C'est vouloir, en

uns et les autres de faire les plus grands efforts afin de réaliser ces cris d'enfer, et de chasser Dieu de l'esprit et du cœur de l'homme, et de toutes les institutions sociales. Protestantisme, Rationalisme, Éclectisme, Communisme, Somnambulisme, ces lamentables écarts de la raison philosophique moderne, recelant tous au fond l'athéisme, paraissent s'être donné rendez-vous sur le terrain de la science, du progrès et de l'intérêt humanitaire, pour combattre Dieu; et, afin de mieux réussir à combattre le DIEU-DIEU, ils s'en prennent d'abord à l'HOMME-DIEU: car c'est l'HOMME-DIEU qui fait le mieux connaître le DIEU-DIEU, qui le prouve, l'explique, et le fait aimer.

On exalte l'Évangile, mais on en retranche les faits. On en célèbre la doctrine, mais on en repousse le dogme. On en loue le culte tout spirituel, mais on en rejette les sacrements. On étale les vertus de JÉSUSCHRIST, mais on lui conteste la toute-puissance. On a l'air de s'extasier pour sa personne, mais on en nie la divinité.

Pour quelques-uns de nos prétendus savants, le Sauveur du monde n'est qu'un grand philosophe; pour d'autres, il n'est qu'un grand politique. Pour ceux-ci, c'est un grand magicien; pour ceux-là, c'est un grand magnétiseur. On le met sur la même ligne, non-seulement que Moïse, ce serait lui faire trop d'honneur, mais que Trismégiste et Zoroastre, Socrate et Confu

d'autres termes, isoler la philosophie des lumières, de l'autorité de la religion, et par là de Dieu, qui en est l'auteur : à moins qu'on ne veuille traduire ces mots par la pensée de vouloir assujettir la religion et Dieu même à la philosophie.

cius, Apollonius et Mahomet. On s'accorde à l'appeler un grand homme, mais afin de pouvoir dire plus hardiment qu'il n'est pas Dieu.

Mais cette tendance satanique de la fausse science moderne à isoler Dieu de l'homme et l'homme de Dieu, est bien ancienne. C'était la pensée sacrilége de Socrate. On a accusé Lactance d'avoir calomnié ce philosophe, en lui attribuant ce mot impie : « Ce qui est au-dessus de nous ne nous regarde pas; Quod supra nos, nihil ad nos. » Cependant le moyen de douter que c'était vraiment le mot et la pensée de Socrate, puisque le savant Varron, cité par Cicéron, et qui se connaissait un peu en philosophie grecque, nous atteste que pour Socrate les choses du ciel sont trop éloignées de nous pour que nous puissions les connaître; que lors même que nous arriverions à les comprendre, ce sont des notions inutiles, n'ayant aucun point de contact avec la science de bien vivre; et que, dans tous les cas, il ne vaut pas la peine de s'en occuper; Socrates cœlestia vel procul esse a nostra cogitatione censet; vel si maxime cognita sunt, nihil tamen ad bene vivendum (Varro apud Cicer., ACADEMIC., lib. I, c. 4)! C'est, comme on le voit, ce que Rousseau a répété, dans ces derniers temps, en d'autres termes, en disant : « Que a me parlez-vous de dogmes? La morale, la morale! « tout le reste est indifférent!!! » Or, depuis Rousseau, qui l'a rappelée, la pensée socratique n'a pas cessé un seul instant de faire le fond de la philosophie moderne, marchant en dehors du Christianisme.

Saint Paul, le premier, le vrai fondateur de la philosophie chrétienne, a, au contraire, établi cette science sur

cette maxime: « Que le vrai chrétien ne doit chercher, avant tout, que ce qui est au-dessus de lui; ne doit avoir de goût que pour les choses du ciel, et non pas pour les choses de la terre; Quæ sursum sunt quærite, quæ sursum sunt sapite, non quæ super terram (Coloss., c. 3). L'Église catholique, s'inspirant à son tour de cette belle maxime de l'écrivain inspiré, ne cesse de nous crier tous les jours à l'oreille : « Élevez vos cœurs en haut, élevez en haut vos cœurs; Sursum corda, sursum corda (Præf. Mis.). » Ainsi, la religion cherche à élever l'homme au ciel, à lui inspirer le goût, l'intérêt du ciel, à lui persuader de demander au ciel la règle de sa conduite, à le placer dans le ciel, à le faire devenir une chose toute céleste, ou la doublure de l'HOMMENOUVEAU, de l'HOMME-SECOND, JÉSUS-CHRIST, l'Homme du ciel, parce qu'il est homme et en même temps Dieu; Secundus homo de cœlo cælestis: qualis cœlestis tales et cœlestes (I Corinth., c. 15). Mais la philosophie moderne, au contraire, s'inspirant de la pensée toute païenne de la philosophie ancienne, cherche, par tous les moyens, à faire courber l'homme vers la terre, à l'attacher, à le clouer à la terre, à concentrer toutes ses pensées, ses sentiments, ses goûts sur la terre, à l'engager à demander à la terre la vérité de ses conceptions et la règle de ses devoirs. C'est-à-dire à le ravaler jusqu'à la brute, à l'enfoncer dans la boue, à le faire devenir une chose toute terrestre, à faire de l'homme chrétien, de l'homme régénéré, la doublure du premier homme, qui, en tant que déchu, en tant que dépravé, n'était que l'homme de la terre, l'homme - terre; Primus homo de terra terrenus. Qualis terrenus, tales et ter

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