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Tertullien a dit que « changer, c'est périr à un état précédent; Mutari perire est pristino statui (Contr. Hermog.). » A force donc de changer, de se transformer, les modernes hérésies n'ont fait que périr successivement à toutes leurs formes, à toutes leurs couleurs ; jusqu'à la dernière forme, à la dernière couleur qu'il leur a été possible de prendre : en sorte qu'à présent elles ne sont plus rien; et l'Histoire des VARIATIONS des Églises protestantes n'est que l'histoire de leur mort lente et successive, l'histoire de leur destruction.

Voyez, au contraire, le Catholicisme. Seul debout au milieu de toutes ces destructions, comme la colonne de Phocas au milieu des ruines du forum romain; seul, comme le Dieu qui en est l'auteur, toujours ancien et toujours nouveau, toujours fort, toujours intact, toujours lui-même, dans ses doctrines, dans son culte, dans ses institutions, il est la seule religion à laquelle on vient de tous côtés, particulièrement de l'Angleterre et de l'Allemagne, ces pays classiques du protestantisme, et qui attire à elle tout ce qu'il y a de nobles âmes, de hautes intelligences, de vrai savoir parmi les protestants; tandis que le protestantisme lui-même ne recrute que parmi ce qu'il y a de plus ignorant, de plus superficiel et de plus corrompu dans l'Église catholique : c'est la chiffonnerie ne remplissant ses coffres que dans les immondices des rues; sans que ces trouvailles, ces conquêtes, dont les protestants rougissent euxmêmes (1), puissent empêcher le protestantisme de périr.

(1) L'ignoble apostat qui a osé attaquer le plus grand savant

C'est que toute erreur porte en elle-mème, en naissant, la raison secrète de sa mort, comme tout corps le principe de sa destruetion, et qu'au contraire la vérité est ESPRIT et VIE; Verba quæ loquor vobis spiritus et vita sunt (Joan., VI); et l'esprit ne peut pas se corrompre, et la vie ne peut pas mourir. La vérité, dit aussi l'Écriture sainte, est semblable à l'or, qui ne s'altère jamais; est semblable à une montagne, que rien ne peut ébranler. C'est le granit des pyramides, qui triomphera des siècles futurs comme il a triomphé des siècles passés. Tout ce qui est né hier mourra demain. Aucune erreur ne peut survivre à elle-même. La vérité seule, qui a présidé à l'origine du monde, en verra la fin, et survivra à la destruction du monde pour régner avec Dieu dans l'éternité; Et veritas Domini manet in æternum.

Depuis bientôt soixante ans, on répète à chaque instant: « L'Église est vieille, est usée; le Catholicisme est mort. » Mais comment se fait-il que cette vieille femme est toujours belle, et que ce mort parle toujours avec puissance, et qu'on lui obéit avec docilité? Defunctus adhuc loquitur (Hebr., c. 11). Si le Catholicisme est mort, pourquoi ne le laissez-vous donc pas dormir en paix là où vous croyez l'avoir enterré? Pourquoi ne voulezvous pas permettre que la terre lui soit légère? Pourquoi vous acharnez-vous contre son cadavre, et que, mort, vous le craignez, vous vous en effrayez, et vous vous obstinez à le persécuter partout où vous pouvez le

de l'Angleterre, le docteur Newman, devenu catholique', vient d'être désavoué par l'Église anglicane.

faire, comme s'il était vivant? Cela n'est pas généreux de votre part. Vous êtes donc des barbares de la pire espèce, ne respectant pas même les morts, ou des enfants qui ont peur des revenants.

Non, non, il n'est rien de tout cela; mais c'est que ceux qui proclament plus haut la mort du Catholicisme, sont ceux qui y croient le moins. Leur langage n'exprime que leur désir. «Que le Catholicisme meure, » et non pas leur conviction: « Que le Catholicisme soit vraiment mort. » Ils savent trop bien, au contraire, que le Catholicisme est tout vivant, et bien vivant. Ils en ont les preuves les plus frappantes dans la résistance invincible qu'il leur oppose, dans les adeptes qu'il leur enlève, dans l'effroi qu'il leur cause. Du reste, ces cris sataniques, ces vœux d'enfer, sont bien anciens. Dès le temps où l'arianisme, trònant au palais des Césars et au siége de Constantinople, avait envahi et dominait le monde, on disait, on croyait ou l'on faisait semblant de croire la même chose. Luther aussi, dix siècles plus tard, renouvela le même cri, et prononça le même arrêt. Pour ce patriarche des hérétiques et des incrédules modernes, la papauté, blessée à mort de sa main d'apostat, allait expirer, et l'Église et le Catholicisme avec elle. Il y a tout juste trois cent trente-six ans de cela, et la papauté respire encore, et l'Église et le Catholicisme gagnent dans le nouveau monde bien plus qu'ils n'ont perdu dans l'ancien. Ils ne sont donc pas morts et bien morts encore. Il en sera tout de même des vanteries sacriléges de l'incrédulité de nos jours. Ce Catholicisme, qu'elle se plaît à proclamer mort, lui survivra pour l'enterrer; et l'Église, dont

l'arche de Noé fut la figure, surnagera sur les eaux de l'horrible cataclysme qui se prépare; et ce sera elle, et ce ne sera qu'elle qui conservera la vérité et la grâce, ce dépôt précieux où est l'espérance et le salut du genre humain.

En attendant, cette même Église n'a que de la compassion pour ces aveugles, pour ces insensés. Ce sont de pauvres mourants à l'état de délire, repoussant, blasphémant la seule main charitable qui pourrait les soulager, souhaitant la mort de l'unique médecin qui pourrait les guérir!

§ 2. Misère de la philosophie moderne. La vraie science est catholique. Guerre que la philosophie moderne fait à la religion.

La Révélation avait donné au monde les idées les plus justes, les plus précises, les plus certaines, les plus solides et même les plus raisonnables sur Dieu, l'homme et le monde. La raison philosophique n'a pas voulu de ces idées; elle les a combattues, a voulu au moins les rendre suspectes, douteuses, et s'est proposé comme des problèmes, encore à résoudre, les vérités fondamentales de la religion. Eh bien, comment a-t-elle résolu ces problèmes? Pour s'expliquer l'existence du monde, elle n'a su faire autre chose que restaurer le DUALISME, le PANTHÉISME, le MATÉRIALISME, trois systèmes qui, comme on va le voir dans le cours des Conférences que nous publions ici, se valent tous les trois par l'autorité de leurs prétendus inventeurs, par l'absurdité de leurs principes, par l'horreur de leurs conséquences. On n'a donc pu raisonnablement s'arrêter

à aucun d'eux. On a dû les repousser tous; et, en ne voulant pas se hâter d'en revenir à l'enseignement de la foi, on a été obligé de conclure qu'on ne sait rien par rapport à la CAUSE PREMIÈRE. Mais ne rien savoir par rapport à la Cause première, c'est ne rien savoir non plus par rapport aux causes secondes; c'est ne rien savoir du tout: c'est le scepticisme.

Il en est de même par rapport aux autres problèmes de l'ordre intellectuel. Il n'y en a pas un seul dont on puisse dire qu'il ait été résolu, d'une manière définitive, par la philosophie moderne. Je défie le plus intrépide, le plus engoué des adeptes de cette philosophie d'oser dire sérieusement et sans rougir, en présence des aveux de M. Jouffroy, qu'on va lire tout à l'heure : « Grâce aux travaux des modernes philosophes et aux lumières de la philosophie, nous savons enfin à quoi nous en tenir par rapport à Dieu, à l'homme, à sa destinée et à ses devoirs. Les travaux des philosophes, les lumières de la philosophie n'ont fait que substituer des doctrines toutes négatives qui n'expliquent rien, à une doctrine solidement positive qui expliquait tout; ces travaux n'ont fait que remplacer le réel par le chimérique, le sublime par le niais, le savoir par l'ignorance, la certitude par le doute, la raison par le délire, les plus grandes vérités par des erreurs pitoyables et funestes. Ces travaux n'ont fait qu'ajouter une démonstration nouvelle à ce que l'expérience de trente siècles avait déjà démontré, à savoir : Que telle est la destinée de la raison humaine, que, placée entre la foi aux révélations divines et le scepticisme, en cessant de croire, elle ne peut plus raisonner; qu'en rejetant

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