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car la régularité, la constance des astres est vraiment admirable. Mais il n'y a aucune raison d'attribuer plutôt à l'intervention 'd'un Dieu qu'à l'opération de la nature tout ce qui a un cours régulier et constant. Ils devraient prendre bien garde, les stoïciens, qu'en soutenant que tout mouvement et tout ce qui suit un ordre certain et invariable doit être attribué à l'intervention divine, ils ne soient obligés de soutenir que la fièvre tierce et lạ fièvre quarte sont aussi des phénomènes divins : car rien n'est plus régulier ni plus constant que leur retour et leur cours. Ils sont bien drôles ces philosophes! ils voient d'admirables phénomènes dans le monde, et, ne sachant pas s'en rendre compte ni les expliquer, ils ont recours à l'intervention d'un Dieu, comme des malheureux poursuivis par la justice qui, ne sachant où se cacher, se réfugient dans les temples et auprès des autels (1). »

(1) « Non est igitur mundus Deus: et tamen nihil est eo me« lius, nihil est enim eo pulchrius, nihil nobis salutarius, nihil « ornatius adspectu motuque constantius. Quod si mundus uni« versus non est Deus, ne stellæ quidem, quas tu innumerabi« les in deorum numero reponebas. Quarum te cursus æqua«biles æternique delectabant : nec mehercule injuria. Sunt « enim admirabili incredibilique constantia. Sed non omnia, « Balbe, quæ cursus certos et constantes habent, ea Deo potius * tribuenda sunt quam naturæ.

« Vide, quæso, si omnis motus, omniaque quæ certis tem« poribus ordinem suum conservant, divina ducimus, ne tertia« nas quidem febres et quartanas divinas esse dicendum sit, « quarum reversione et motu quid potest esse constantius? Sed

15. C'est ainsi que les philosophes corpusculaires battaient en brèche le panthéisme, mais pour y substituer l'ATHEISME; car c'est en s'appuyant sur ces principes qu'Anaximandre dit : « Il n'y a qu'un seul INFINI, la matière (1). Elle ne formait au commencement qu'une sphère de feu, qui, s'étant cassée à l'un de ses flancs, en fit sortir le soleil, la lune, les étoiles, qui, à leur tour, par leur fécondité et par leurs révolutions perpétuelles, engendrèrent la terre et tous les êtres qu'on y rencontre, et l'homme lui-même.

Vous êtes dans l'erreur, lui dit Anaximène; tout ce que vous dites du feu, c'est de l'air que vous devriez le dire (2). Il n'y a que l'air qui soit Dieu infini dans son genre, mais défini, déterminé par ses propres qualités. Ce principe universel, l'AIR, de raréfié qu'il était, s'étant condensé par son propre mouvement éternel, n'a produit que la

« omnium talium rerum ratio reddenda est. Quod vos cum fa« cere non potestis, tamquam in aram, confugitis ad Deum (CICER., de Nat. Deor., lib. II). »

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(1) « Anaximander infinitatem naturæ dixit esse, a qua om« nia gignerentur (CIC., Acad., 1). » Voyez encore Eusèbe, à l'endroit cité plus haut.

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(2) << Anaximenes infinitum aera, sed ea quæ ex eo oriuntur definita; gigni autem terram, aquam, ignem, tum ex his omnia..... Ex æthere innumerabiles flammas siderum existunt « quorum est princeps sol, omnia clarissima luce collustrans,

« multis partibus major atque amplior quam terra universa;

« deinde reliqua sidera, magnitudinibus immensis (CICERO,

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« ibid., et lib. II, de Nat. Deor.). » Voyez aussi Eusèbe.

terre, sa fille bien-aimée; et c'est ensuite du sein. de la terre que se sont échappés le soleil, la lune et les astres, qui, en se lançant dans le vide, sont allés prendre place dans le ciel.

Ce fut aussi, à quelques exceptions près, la doctrine à laquelle s'arrêta Xénophane dans ses variations d'opinion sur l'origine du monde. Ayant mis le vrai Dieu de côté, il dit : Toutes les choses ne sont qu'une seule et même chose immuable; cette chose n'est que le monde, qui n'est qu'un être ayant la figure d'un globe, et c'est ce monde qu'on appelle Dieu. Le monde seul est éternel, n'ayant pas eu de principe, et ne pouvant pas avoir de fin (1). Le soleil s'est formé, avec le temps, de certaines parcelles de feu qui, étant écloses on ne sait pas d'où, se sont rencontrées et réunies dans un endroit de l'espace où elles s'étaient donné rendez-vous, et ont formé ce grand astre. La terre est infinie, elle aussi, et tout être vivant est né de la végétation par la seule chaleur innée, par la seule énergie inépuisable de la terre.

Je partage tout à fait cette opinion, reprit Cléanthe; car qui ne sait, ajouta-t-il, combien est grande la force de la chaleur dans tout corps? Il n'y a pas d'aliment si dur et si solide qui ne soit

(1) « Xenophanes unum esse omnia, neque id esse mutabile, «<et id esse Deum, neque natura usquam et sempiterna, conglo<< bata figura (CIC., Acad., lib. II). » Voyez aussi Eusèbe, à l'endroit cité.

cuit et dissous par la chaleur dans une nuit et un jour. Les veines même et les artères ne saillissent sur la surface du corps qu'en vertu d'un mouvement enflammé. On a remarqué aussi que le cœur, récemment arraché à un animal, imite par ses palpitations le mouvement rapide du feu. Tout ce qui vit donc, soit animal, soit plante sortie de la terre, ne vit qu'en vertu de la chaleur qu'il renferme en lui-même. On peut déduire de tout cela que la force vitale que la nature a en ellemême, et qu'elle répand par tout le monde, n'est que dans la chaleur. Concluons donc que c'est par la chaleur que les différentes parties du monde se soutiennent, et que c'est tout à fait par le même moyen que le monde entier existe depuis si longtemps. Cela est d'autant plus nécessaire à admettre, qu'il est manifestement clair que cette chaleur ou ce feu répandu dans toute la nature, est ce qui possède la vertu de procréer, d'engendrer, et que c'est par lui que tous les êtres animés et toutes les plantes naissent, grandissent et se perfectionnent(1).

(1) « Quod quidem Cleanthes his etiam argumentis docet, « quanta vis insit caloris in omni corpore. Negat enim ullum ⚫ esse cibum tam gravem, quin is die et nocte concoquatur. « Jam vero venæ et arteriæ micare non desinunt, quasi quodam ⚫ igneo motu: animadversumque sæpe est, cur cor animantis « alicujus evulsum, ita mobiliter palpitaret, ut imitaretur « igneam celeritatem. Omne igitur, quod vivit, sive animal, sive « terra editum, id vivit propter inclusum in eo calorem. Ex

Que ce soit l'air qui ait engendré le feu, ou le feu qui ait produit l'air; que ce soit du soleil que soit née la terre, ou la terre qui soit accouchée du soleil, je n'en sais rien, disait Leucippe. Tout ce que je sais, ajoutait-il, tout ce qui pour moi est de la dernière évidence, c'est que l'univers n'est que le résultat des combinaisons fortuites des atomes ou des particules infiniment petites de la matière première. Les atomes sont coupés en angles aux pointes crochues. En mouvement perpétuel de toute éternité, et tourbillonnant toujours, un beau jour ils se sont rencontrés dans l'espace, se sont accrochés au hasard les uns aux autres, et ont formé ces concrétions différentes, ces agglomérations qu'on appelle les corps. Tous les corps célestes et terrestres se sont formés de cette même manière.

Vous avez parfaitement raison, repartit Démocrite. Les atomes sont tout, et tout ce qui existe doit sa formation et sa naissance au mouvement des atomes. Ainsi le monde n'a d'autre principe,

« quo intelligi debet, eam caloris naturam vim habere in se vi« talem per omnem mundum pertinentem.

«

« Ex quo concluditur, cum omnes mundi partes sustineantur «< calore, mundum etiam ipsum simili parique natura in tanta << diuturnitate servari eoque magis, quod intelligi debet, ca« lidum illud atque igneum ita in omni fusum esse natura, ut « in eo insit procreandi vis et causa gignendi, a quo et animan<«< tia omnia, et ea, quorum stirpes terra continentur, et nasci « sit necesse, et augescere (CIC., de Natur. Deor., lib. II). »

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