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Cette doctrine peut paraître un paradoxe; cependant rien n'est plus logique, n'est plus rationnel que cette doctrine, particulièrement lorsqu'il s'agit de l'autorité de la vraie religion. Son témoignage est si grand, si solide, si uniforme, si imposant, si magnifique et si lumineux, que, si on le renie, on ne peut plus, sans tomber dans la contradiction et l'inconséquence, admettre d'autre témoignage, quelles que soient son évidence et sa fidélité.

Cela vous explique, mes frères, pourquoi le protestantisme véritable, qui n'est que le système de n'admettre, en matière de religion, aucune au

gnage des morts ressuscités : Si Moysen et prophetas non audiunt, neque si quis ex mortuis resurget credent.

Voilà donc l'admirable dessein de Dieu par rapport au dogme important du châtiment des méchants dans l'autre vie. On entend toujours certains hommes répéter: « Personne n'est jamais revenu de l'autre monde nous dire ce qui s'y passe. »> Ainsi, d'après ces fortes têtes, Dieu devait faire dépendre la croyance au dogme de l'existence de l'enfer, du témoignage des revenants, qui, admis en un temps et en un lieu, aurait pu être oublié, ou méconnu, ou rejeté et même tourné en ridicule en un autre lieu et en un autre temps : à moins que Dieu ne prît un autre parti, celui de changer ce monde en lanterne magique, faisant répéter ces réapparitions des morts en tous les temps et en tous les lieux, et cela pour l'édification des philosophes et l'amusement des incrédules, qui n'auraient pas manqué, particulièrement de nos jours, de regarder ces phénomènes comme une affaire de somnambulisme. Au lieu de cela, Dieu a, dès l'origine du monde, révélé lui-même, avec les autres dogmes de la religion, ce dogme de l'enfer, renfermant la sanc

torité, a fini de nos jours par le rationalisme, qui n'est au fond que le système de n'admettre aucune raison.

Et c'est aussi l'histoire de l'esprit humain touchant le dogme de la création. Dès que la raison philosophique a répudié, par rapport à ce dogme, l'autorité de la révélation divine, elle a fini par répudier aussi tous les raisonnements humains; elle a fini par tout nier, par se renier elle-même, et elle est tombée dans l'abîme du doute universel, du scepticisme absolu.

C'est ce que nous avons vu dans notre dernière

tion de toute morale, et en a fait l'un de ces articles de croyance constante et universelle de l'humanité, qui, répandus dans le monde par le langage et la tradition, ont pu y être altérés, corrompus, mais non pas tout à fait détruits: la Providence l'y ayant toujours maintenu, en dépit des efforts de l'incrédulité et des passions, pour les effacer entièrement du cœur et de l'esprit de l'homme. A cette révélation parlée il a fait succéder la révélation écrite des mêmes dogmes, par l'organe des écrivains sacrés, qu'il a lui-même inspirés; et il en a confié le dépôt à une société chargée de les garder dans toute leur pureté, dans toute leur vérité, à la Synagogue d'abord, et ensuite à l'Église; en sorte que de longues études, de laborieuses recherches ne sont pas nécessaires pour les connaître; mais un peu d'humilité, un peu de docilité à l'imposant témoignage de l'Église suffit pour cela. Et comme par ce moyen on croit facilement, on croit fermement tout ce qu'il faut croire; de même, hors de ce moyen, tout autre témoignage n'a aucune force, aucune efficacité, et l'on finit par ne plus rien croire : Si Moysen et prophetas non audiunt, neque si quis ex mortuis resurgeret, credent.

conférence, l'histoire de la raison philosophique ancienne à la main; c'est ce que nous continuerons à voir aujourd'hui, en suivant dans ses différentes phases la raison philosophique moderne, afin de nous pénétrer davantage de l'importance du dogme capital de la création en particulier, et en général de tous les dogmes divins enseignés par l'Église; afin de nous convaincre encore davantage de la vérité de ce grand oracle de l'Évangile : qu'en méconnaissant l'autorité de l'Église, on est entraîné à méconnaître, à repousser toute autre autorité, et à ne croire plus rien: Si Moysen et prophetas non audiunt, neque si quis ex mortuis resurget, credent.

Implorons la lumière d'en haut, par l'intercession de Marie, afin de tirer profit de cette précieuse leçon. Ave Maria.

2.

L

PREMIÈRE PARTIE.

'UN des faits les plus étonnants, les plus merveilleux de l'histoire des premiers siècles du christianisme, dont le paganisme ébahi, la raison philosophique consternée ne savaient pas se rendre compte, et qu'ils ne cessaient de combattre sans pouvoir le nier, est, sans contredit, le fait des chrétiens, non-seulement pratiquant toute vertu au milieu du débordement de tous les vices

de l'idolâtrie, mais possédant aussi toute vérité au milieu du chaos de toutes les erreurs de la philosophie.

Mais l'Aigle des évangélistes, le disciple bienaimé, l'apôtre saint Jean, avait expliqué d'avance ce double prodige, en disant : « Le Verbe divin << s'est fait homme, a habité avec l'homme, plein « de grâce et de vérité. Verbum caro factum est, a et habitavit in nobis... plenum gratiæ et ve« ritatis (Joan., I). » Car c'était nous dire que, comme de la semence divine de la grace du Verbe, déposée au sein de l'humanité, germa au milieu des hommes toute vertu et toute grâce; de même, de la semence divine de la vérité du Verbe, répandue sur la terre, sortit de cette terre, ainsi qu'il avait été prédit, toute lumière et toute vérité : Veritas de terra orta est (Psal. 84). Ainsi, dit saint Augustin, ce divin Verbe, qui depuis le commencement du monde avait éclairé tout homme venant dans ce monde, rétablit l'autorité de sa révélation primitive, de sa vérité divine, sur les ruines qu'avait amoncelées la raison humaine; et puisque l'homme s'était perdu par l'excès de l'orgueil de la raison, il le sauva par le grand remède de la foi: Magno fidei remedio.

Mais tous les nouveaux convertis n'eurent pas la même force d'esprit, la même grandeur d'âme, et surtout la même droiture, la même docilité de

cœur nécessaires pour croire. En entrant corporellement dans le giron de l'Église, beaucoup d'entre eux continuèrent à séjourner, par leur esprit, au Portique et à l'Académie, hors de l'Église. En embrassant le Christianisme, ils n'eurent garde, contre le précepte de saint Paul, de renoncer tout à fait aux systèmes de l'ancienne philosophie. En devenant les disciples de JÉSUS-CHRIST, ils ne cessèrent pas d'être les disciples de Platon. En partant du principe de ce philosophe Que la raison ne doit admettre comme vrai que ce qui parait vrai à la raison; au lieu de prendre la révélation nouvelle pour base et pour règle de la raison, ils continuèrent à faire de la raison la base et la règle de la révélation nouvelle; en sorte que la prétendue raison catholique de ces nouveaux chrétiens ne fut au fond que la raison philosophique des anciens philosophes, émigrant du terrain de la révélation primitive conservée par l'humanité, sur le terrain de la révélation chrétienne déposée dans l'Église et gardée par l'Église.

Ce fut là la véritable cause des hérésies qui, dès les premiers temps, se mirent dans l'Église à déchirer l'Église, et qui l'auraient tuée au berceau, si l'œuvre de Dieu pouvait périr par la main de l'homme. Le grand Tertullien, ce profond observateur de la marche de l'esprit humain au premier âge du christianisme, en a fait souvent la remar

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