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des anciens philosophes, qui ont voulu faire de la philosophie en dehors des traditions, tout en écrivant de belles et éloquentes pages sur le Dieu unique, cause première du mouvement, de l'ordre, de la beauté et des étonnantes harmonies de l'univers, ne soutinrent pas moins que ce Dieu unique n'avait fabriqué le monde qu'à l'aide d'une matière qu'il trouva toute prête autour de lui, tout comme un architecte bâtit une maison avec des matériaux qu'il a sous sa main.

8. Mais si la matière dont a été créé le monde n'a pas été créée elle-même; si elle a, de toute éternité, existé en compagnie de Dieu; elle est, disait Pythagore, un être par soi, aussi bien que

« autem quasi huic se præbens, ex qua efficeretur aliquid. In eo « quod efficeret vim esse censebant, in eo quod efficeretur mate« riam quamdam; in utroque tamen utrumque; neque enim « materiam ipsam cohærere potuisse si nulla vi contineretur, « neque VIM SINE ALIQUA MATERIA (CICERO, Academ., I). x

Ainsi, dans ces deux écoles philosophiques, les plus savantes de toute l'antiquité, celle des péripatéticiens et celle des académiciens, dont l'une avait eu Aristote et l'autre Platon pour chefs, on ne concevait pas la possibilité de la création du néant, et on trouvait également impossible, et que la matière eût pu devenir le monde sans Dieu, et que Dieu eût pu créer le monde sans la matière; et, ce qui est encore plus incroyable, ces deux écoles admettaient in utroque utrumque, c'est-à-dire qu'il y a de la matière en Dieu, et qu'il y a du Dieu dans la matière. Voilà ce que la raison philosophique la plus éclairée, chez les anciens, a su inspirer de plus raisonnable à des savants touchant Dieu et l'origine des choses.

Dieu, un être absolu, un être indépendant, un être éternel, en un mot, un être-Dieu autant que Dieu lui-même. Il y a donc deux Dieux dans l'univers, le Dieu-Dieu et le Dieu-matière.

Seulement il n'est pas nécessaire de reconnaître à ces deux Dieux l'égalité de la bonté, comme il est nécessaire de leur reconnaître l'égalité de l'aséité, de l'absolu, de l'indépendance, de l'éternité. Il est même évident pour ma raison à moi, disait toujours Pythagore, que l'un de ces Dieux est essentiellement bon, et l'autre essentiellement méchant; que l'un de ces Dieux est la source de tout le bien, et l'autre la cause de tout le mal; ce qui nous explique la coexistence du bien et du mal dans l'univers, coexistence qu'on ne peut pas attribuer à un seul et même principe sans tomber dans la contradiction.

Ainsi, pour Pythagore, c'est le Dieu-bon qui a créé la lumière, le repos et l'homme; et c'est au contraire le Dieu-méchant qui a engendré les ténebres, l'agitation et la femme (S. THOм., q. disp. de Creat.).

Femmes, défiez-vous toujours de la philosophie et des philosophes; ils ne se sont jamais occupés de vous que pour vous flétrir, pour vous dégrader. Lors même qu'ils ont eu l'air de s'intéresser à vous, ainsi que cela est arrivé dans ces derniers temps, ils n'ont fait que vous flatter, mais pour vous perdre. Vous savez ce que, dans une certaine secte,

est devenue la femme qu'on y avait proclamée libre. Rappelez-vous toujours, et ne l'oubliez jamais, que la vraie liberté civile, l'égalité des droits dont vous jouissez, la déférence, les égards, le respect qui vous environnent dans la famille et dans la société chrétienne, vous les devez au christianisme et à l'Église, qui sont venus au secours de votre faiblesse, ont relevé votre condition, ont vengé votre dignité, et vous ont faites ce que vous êtes parmi nous, ce que vous n'êtes pas et n'avez jamais été hors du christianisme et de l'Église, les compagnes de l'homme, le symbole vivant de la religion, de la. piété, de la grâce et du dévouement.

9. Mais ce n'est pas seulement chez les Grecs que la raison philosophique déduisit cette affreuse doctrine du Dualisme, de l'ignorance ou de la négation du dogme de la création. Elle en fit de même chez les Chinois, chez les Indous, chez les Perses et chez les Égyptiens. De sorte que, sous e nom de manichéisme ou sous d'autres noms, cette doctrine de deux principes, de deux Dieux, l'un bon et l'autre méchant, a formé la base de la philosophie dans l'Orient païen, avant et après l'établissement de la religion chrétienne; et c'est cette doctrine, qu'on le sache bien, qui a encouragé et poussé les peuples païens à s'enfoncer toujours davantage dans la boue et dans le sacrilége de l'idolâtrie.

Cicéron reprochait aux stoïciens que leur philosophie, loin d'avoir délivré les peuples des horreurs de la superstition, les y avait confirmés et les y avait cloués; Hæc vestri non modo non tollunt, verum etiam confirmant. (De Nat. Deor.)

Jamais reproche n'a été ni plus juste ni plus. mérité. Zénon et son école, ayant fait de l'air, des étoiles, du soleil (1), des planètes, voire même de l'année, des saisons, des mois et des jours, une république de dieux, n'avaient fait que mettre les plus stupides superstitions populaires sous la protection de la philosophie. Mais cet horrible forfait des stoïciens contre la religion, stoicorum flagitium, comme on l'appelait (2), n'était pas au moins un péché contre la logique. En partant de l'erreur que Dieu n'avait créé le monde que d'une matière aussi éternelle que lui-même, et que la matière est entrée, en proportion égale avec Dieu, dans la formation et dans la conservation des êtres et de l'homme lui-même, rien de plus logique que la

(1) « Zenoni et reliquis stoicis æther videtur summus Deus. • Cleantes Zenonis auditor solem dominari, et rerum potiri « putat..... Stoicis est persuasum solem, lunam, stellas om« nes, terram, mare, deos esse, quod quædam animalis intelligentia per omnia ea permeat et transeat (CICERO, Aca« dem., I). »

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(2) « Utrum poetæ stoicos depravaverint, an stoici poetis de« derint auctoritatem, non facile dixerim. Portenta enim et • FLAGITIA ab utrisque dicuntur (CICERO, Acad., II). »

doctrine reconnaissant à la matière le droit de partager le culte des hommes, et d'en obtenir des hommages religieux comme Dieu même (1). Être divin, être créateur et conservateur autant que Dieu, la matière doit, elle aussi, être honorée en Dieu. La doctrine du dualisme était donc la déification, l'apothéose de la matière dans son ensemble et dans toutes ses parties. Et dès lors on comprend bien l'affreuse influence qu'elle a dû exercer sur l'esprit des peuples, qui s'étaient déjà égarés dans les voies de toutes les erreurs et de tous les vices, et combien elle a dû contribuer au développement et à l'affermissement de l'idolâtrie. On comprend que c'est encore à la suite des leçons et des exemples des philosophes, et sous la garantie et la sanction de la philosophie, que les peuples païens ont adoré les astres, le ciel, la terre, les hommes de toutes les conditions, même les scélerats; les animaux de toutes les espèces, même le chat et l'araignée; les plantes de toutes les familles, même les choux et les oignons; tous les éléments, toutes les forces de la nature, en un mot, tous les êtres matériels, car il n'y a aucun de ces êtres desquels le monde et l'homme lui-même ne reçoivent quelque

(1) « Sed tamen, his fabulis spretis ac repudiatis, Deus perti<< nens per naturam cujusque rei, per terras Ceres, per maria « Neptunus, alii per alia, poterunt intelligi, qui qualesque sint « quoque eos nomine consuetudo nuncupaverit, hos Deos et VE« NERARI ET COLERE DEBEMUS (De Natur. Deor.). »

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