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l'exportation comme représentant la consommation (p. 699). En rappelant que tout le monde est consommateur, il insiste sur l'influence économique de la femme, qui est très grande et très importante dans le ménage. (Plusieurs économistes allemands, MM. Lorenz von Stein, le statisticien E. Engel, et quelques autres ont consacré des monographies à la femme et son influence dans la vie économique). M. Lexis examine longuement l'influence des revenus et des consommations (riches et pauvres). Sur les excès de production M. Lexis professe les opinions que nous avons rencontrées chez les bons auteurs classiques, et il les présente avec clarté et avec les développements nécessaires.

Marlo, Organisation der Arbeit, 2e édit., t. III, p. 249, définit, comme tant d'autres, consommation par destruction. Il ajoute comme exemple: un morceau de viande est consommé quand il entre en pourriture ou quand on le mange, c'est dans ce dernier cas seulement qu'on dit qu'on en a fait usage. Marlo est peut-être le seul qui fait expressément cette distinction, dans tous les cas absurde. Peut-on employer le même mot pour exprimer des choses contraires: manger la viande. Jeter la viande gâtée? Jeter, c'est ne pas la manger (1). — Dans ce chapitre Marlo n'a du reste rien ajouté au fonds commun de la science.

Terminons par le livre de M. Schäffle: Das gesellschaftliche System der menschlichen Wirthschaft (Tubingue, Laupp, 1867, 2o édit.). Le titre de la division (p. 304) est: Théorie de la consommation privée ou de la destruction des biens (Güterzerstoerung) dans la société civile. Nous n'avons pas besoin de dire au lecteur que ce titre nous paraît suprêmement absurde, il nous est impossible de comprendre qu'un homme aussi distingué ait pu identifier purement et simplement la consommation avec la destruction. Il n'est donc pas étonnant que sa première subdivision (chap. xxш) s'applique aux assurances et traite des « destructions non voulues, en un mot des accidents. »

Le chapitre suivant traite de la destruction volontaire « qu'on

(1) Lors du siège de Paris j'avais acheté, comme approvisionnement, une certaine quantité de viande de boeuf que je fis saler à la maison. On mit beaucoup de sel, mais pas assez, au bout de quelques jours la cuisinière annonça que la viande était gâtée, et nous nous empressâmes de l'enterrer dans le jardin. N'avons-nous pas le droit de donner un démenti à celui qui dirait que nous avons consommé cette viande pendant le siège?

a l'habitude de nommer consommation (pflegt man consumtion zu nennen)! Toutefois M. Schäffle (p. 311) veut que la destruction ait lieu de la manière la moins destructive possible. »> L'idéal économique le plus élevé de la consommation serait atteint, si la destruction des biens, tout en satisfaisant complètement le besoin, était à peu près égale à zéro. « C'est-àdire, l'idéal serait que, quand vous avez faim, vous allez chez un boulanger, vous demandez un pain, vous en aspirez la bonne odeur, et vous le lui rendez intact avec vos remerciements, l'odeur ayant suffi pour apaiser votre faim. Hélas! M. Schäffle ajoute que cet idéal ne se réalisera jamais. Du reste, la page suivante soulèverait aussi bien des objections et il y a telle phrase devant laquelle on s'arrête, ne sachant pas bien si l'on a compris l'auteur, car il dit: toute consommation est improductive et toute production inconsommative (unconsumtiv). J'ai dû faire un nouveau mot pour traduire le nouveau mot fabriqué par M. Schäffle. Toute cette page manque de clarté, et vraiment il est douteux que la suite soit beaucoup meilleure, les phrases pompeuses alternant avec des abstractions nuageuses.

Passons en Italie. Nous y trouvons, entre autres bons livres, les Principj de M. A. Ciccone (Naples, 3o éd. 1882) où le tome III commence par la théorie de la consommation. Pourquoi cet excellent travail commence-t-il par déclarer que la consommation c'est la destruction, puisqu'en entrant dans des développements il arrive à reconnaître qu'en réalité consommer c'est faire usage (la consumazione non differisce punto dall' uso, et il ajoute que Mac Culloch trouve ces deux mots synonymes et que Senior insiste sur la nécessité pour la science économique d'améliorer sa langue (migliorata il suo linguaggio) et dire que consommer c'est faire usage ! Pour ma part, je n'ai jamais pu accepter ces définitions. Pourquoi d'ailleurs continuer les mêmes errements, quand on reconnaît que ces errements sont des erreurs? Même critique pour la confusion entre consommation et accident? Tout cela vient de ce que M. Ciccone n'admet l'emploi du mot consommation que pour la destruction de valeur, la destruction d'une chose utile sans valeur c'est « faire usage ». M. Ciccone accepte aussi la définition que J.-B. Say donne de la consommation improductive: satisfaire un besoin. Mais il faut distinguer: le morceau de pain que mange le pa

tron est consommé improductivement, mais le morceau de pain consommé par l'ouvrier l'est productivement, par la seule raison que le salaire a fait un moment partie du capital circulant. Il n'y a pas de socialisme là dedans, c'est simplement la conséquence d'une mauvaise définition. Il arrive à dire, p. 5, qu'une consommation indispensabile alla vita est improductive!

Il est regrettable que dans un bon travail, écrit avec une clarté lumineuse, nous ayons eu à relever ces petites taches. Nous reviendrons à ce livre dans un autre chapitre, et louerons en passant l'auteur d'avoir cité le passage du Cours de M. G. de Molinari qui développe cette pensée que l'intelligence et la morale doivent présider à la consommation.

M. G. Boccardo, Economia politica (Turin, 7° éd., 1885), t. I, p. 348 et s., évite la définition criticable en disant: il consume, civè l'utilizzazione, est la fin (le but) de la production. Il parle bien, un peu plus loin, de la destruction de l'objet, car en consommant souvent en effet on détruit, mais la destruction est ici l'accessoire, ce n'est pas le BUT de la consommation, le but est l'utilisation. Aussi dans le deuxième alinéa de 110, la compenso devrait recevoir le n° 1 et la distruzione le no 2 (je voudrais bien savoir si on détruit le fil dont on fait un tissu, le cuir dont on fait des souliers, les planches dont on fait une caisse, etc.) (1). On les transforme, et loin de les détruire, on leur donne une valeur plus grande. M. Boccardo distingue la consommation immédiate de la consommation médiate, nous nommons la première personnelle et la seconde industrielle. Il n'admet pas que la satisfaction de nos besoins soit une consommation improductive; si encore, dit-il, il s'agissait du paresseux ou de l'oisif; mais ce que consomme un homme laborieux est toujours productif. Très bien !

Plus loin (p. 360) l'auteur s'élève contre l'opinion de Sismondi qui traite la consommation comme une quantité fixe, M. Boccardo montre avec raison qu'elle est élastique. << Les populations actuelles les moins aisées, dit-il, jouissent de nombre d'objets que les seigneurs (principi) grecs et romains de l'antiquité et les plus puissants châtelains du moyen âge ne pouvaient se procurer en aucune façon. La liberté et la

(1) M. Boccardo, p. 350, no 111, cite parmi les consommations immédiates : le transport d'une personne d'un endroit à un autre; où est là la destruction?

sécurité des citoyens se sont étendues, l'immense extension donnée aux travaux de toutes sortes permet à chacun de trouver plus facilement l'emploi de ses forces. L'instruction, la moralité, qui sont ce qu'il y a de plus précieux parmi les richesses et de plus noble et de plus utile parmi les consommations, sont devenues accessibles à la grande majorité, et la valeur sociale (comme disait le bon Romagnosi) s'en est répandue, propagée (è diffuso) dans le peuple... » Et l'auteur énumère tous les progrès (dans la santé, dans les aliments, les vêtements, les travaux, etc., etc.), dont les classes inférieures profitent comme tout le monde. Il compare la société à une pyramide, la base en est formée par les plus pauvres, c'est le groupe le plus nombreux; en remontant, selon les classes de fortunes, on trouve des groupes de plus en plus petits; la pointe est formée par les plus riches, quelques unités. Or quand les progrès ont fait baisser le prix d'un objet, qui est ainsi devenu accessible à des groupes de plus en plus inférieurs, il est tombé à la disposition de nombres de plus en plus grands. Un des exemples cités est celui du port des lettres : la réforme de sir Robert Hill a porté les 76 millions de lettres de 1839 aux 967 millions de 1874 (et aux 1,512 millions de 1888).

M. Luigi Cossa, Primi elementi di ec. pol. (Milan, 8o éd. 1888), p. 155, dit très bien : « Par consommation de la richesse on entend l'emploi que l'homme en fait en vue d'obtenir la satisfaction directe ou indirecte de ses besoins. » Mais comment le même auteur peut-il dire un peu plus loin / consumi IMPRODUTTIVI sono le scopo ultimo della produzione, imperocche l'uomo produce per vivere e non viva per produrra. (Les consommations improductives sont le but final de la production puisque l'homine produit pour vivre et ne vit pas pour produire.) Tirons la dernière conséquence de la doctrine que nous combattons et disons (dépenser étant synonyme de consommer): voici 20 francs, si je les donne pour une allumette, j'en fais un usage productif, puisque l'allumette vaut un quart de centime productif, mais peu lucratif; mais si je donne ces 20 francs, pour donner la vie à l'illustre professeur Luigi Cossa (ou pour sauver ma propre vie), j'en fais un usage improductif (c'est lui qui le dit implicitement et non pas moi).

CHAPITRE XXXIV

CONSOMMATION PUBLIQUE

Les hommes, comprenant les individus et leurs familles, n'ont pas que pas que des besoins particuliers ou privés; comme êtres politiques et sociaux, ils out aussi des besoins communs à tous les citoyens d'un État, à tous les membres d'une société. L'organisation politique appelée État est chargée en première ligne de la satisfaction de ces biens communs, mais au-dessous ou dans le sein de l'État il y a encore les provinces, départements, arrondissements, communes, même certaines corporations comme les églises, ou de grands établissements publics ou d'utilité publique, qui sont chargés d'intérêts communs. Le soin de ces intérêts est différemment réparti entre les divers organes des hommes vivant en société, mais le mode de répartition des fonctions a une importance politique et administrative plutôt qu'économique, nous ne nous y arrêterons donc pas.

Les besoins communs sont dits aussi besoins généraux ou publics, et comme la satisfaction des besoins humains. a le plus souvent lieu au moyen d'une consommation, on parle de consommations publiques. Ce sont les citoyens qui sont les consommateurs, puisque ce sont leurs besoins que l'on satisfait, et c'est l'État (sans parler des provinces, communes, etc.) qui est le producteur. Seulement, nous ne pouvons pas dire qu'il est le producteur des objets de consommation, car ses produits sont pour la plupart imma

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