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tudes de fainéantise, d'insubordination et d'intempérance s'y étaient implantées. Les ateliers nationaux de Genève ont été licenciés en 1877. »

Les ateliers nationaux répondent plutôt au droit au travail et en quelque sorte aux caisses de chômage; la garantie d'un minimum serait plutôt la défense intimée au patron d'offrir moins que ce minimum légal; il aimerait mieux ne rien offrir du tout.

APPENDICE AU CHAPITRE SALAIRE.

On dit si souvent que les capitalistes ont tout et les ouvriers rien, ou aussi qu'on ne donne pas leur part aux ouvriers, que nous croyons devoir reproduire ici quelques documents qui montreront que ce reproche est sans fondement et doit être sévèrement qualifié. Les matériaux qui existent et qui nous ont passé sous les yeux sont si nombreux qu'on en remplirait des volumes; nous ne prendrons donc que des pièces récentes, en ne citant que deux passages anciens pour prouver que la question, ou l'expérience, n'est pas nouvelle, et nous n'insisterons pas sur cette circonstance pourtant assez importante que les salaires sont fixes et certains.

1.-Dans Ansichten der Volkswirthschaft (édit. de 1861, p. 261), M. Roscher cite un travail de Godard, où ce dernier démontre que sur 100 entreprises tentées ou mises en train, 20 périssent avant d'avoir pu prendre racine, 50 à 60 végétent plus ou moins longtemps, en danger constant de tomber, et que 10 au plus réussissent. Le savant économiste de Leipzig confirme ces observations d'après sa propre expérience.

2.-M. Schmoller, qui est très bienveillant pour les ouvriers dans son Arbeilerfrage, cite le Calendrier des actionnaires (en allem.) de 1863, d'après lequel, parmi 57 compagnies industrielles (industries diverses) 24 n'ont payé ni intérêt ni dividende; parmi 130 compagnies de mines et usines 98; parmi 38 filatures et manufactures de tissage 9; parmi 24 compagnies de navigation à vapeur 6. M. Schmoller, en citant ce fait, montre que Lassalle a quelquefois raisonné avec une unehrlichen Dunkelheit (une obscurité déloyale, c'est-à-dire, il s'est servi d'un équivoque voulu).

3.- Dans les Annales parlementaires de Belgique, séance du 30 mars 1886 (salle du sénat), on lit p. 757 (c'est le ministre des finances qui parle):

« Les ouvriers se plaignent de l'insuffisance de leurs salaires et demandent en même temps la réduction des heures de travail.

<< Sans doute leur position est digne du plus vif intérêt.

« Mais n'est-elle pas le résultat inévitable d'une situation exceptionnellement difficile et dont la durée dépasse toutes les prévisions?

« Il s'agit surtout de l'industrie charbonnière. Eh bien, Messieurs, voici quelques chiffres qui en résument la situation. Ils ne comprennent malheureusement pas les résultats de 1885, qui n'ont pu être encore recueillis par

tout:

<< De 1876 à 1884, la moitié des charbonnages a donné un déficit de 73,471,000 fr. L'autre moitié a donné des bénéfices montant à 92,375,000 fr., soit, pour huit ans, un excédent d'une vingtaine de millions comme rémunération de l'énorme capital engagé.

«En 1884, le salaire moyen s'est abaissé de 3 fr. 35 c. à 3 fr. 5 c., salaire moyen de la journée de travail des hommes, des femmes et des enfants. Mais le prix de vente, qui était de 10 fr. 17 c., est tombé à 9 fr. 53 c. la tonne. Ainsi 64 centimes de réduction, dont le salaire n'a supporté que la moitié, alors que, d'autre part, le prix de toutes choses n'a jamais été aussi bas. » Le produit des mines s'est réparti ainsi qu'il suit pour la période 1876 à 1884:

Ouvriers...
Capital.
Frais..

56,61 p. 100.

1,26 42,13

Si l'on avait distribué aux ouvriers toute la part du capital, celui-ci étant ainsi fourni gratuitement, il y aurait eu 20 fr. 40 c. d'augmentation annuelle pour chaque ouvrier, soit 7 centimes de plus par jour de travail.

Ces chiffres ont assurément leur éloquence; mais je ne veux pas y insister aujourd'hui. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir.

4. S'appuyant sur ces faits, M. Pernolet, membre de la Chambre des députés (de France), faisait le raisonnement suivant :

Les 20,701 ouvriers des houillères du Nord ont dû faire, en 1881, à raison de 300 journées de travail par an et par ouvrier, 6,210,300 journées, qui ont été payées 20,529,406 francs : c'est-à-dire 3 fr. 306 en moyenne par journée des différentes catégories de travailleurs.

D'autre part, les 2,751,914 francs payés aux actionnaires comme rétribution du capital correspondant à 0 fr. 443 par journée d'ouvrier, c'est-à-dire que l'ensemble des exploitations houillères du Nord en 1881 peut être considéré comme ayant occupé 20,701 ouvriers de toutes sortes qui, touchant moyennement 3 fr. 75 par jour de travail, en auraient consacré 0,443 à la creation, à la réparation, à l'entretien, au renouvellement, à l'administration de tout ce qui constitue l'industrie dont il s'agit : toutes choses aléatoires au début, longtemps improductives, quelquefois ruineuses, mais toujours nécessaires pour assurer aux populations qui vivent de cette industrie la régularité et la sécu rité de leur existence.

J'ai même eu occasion autrefois de constater, pour le même département du Nord, qu'en considérant les résultats des exploitations houillères pour une longue suite d'années qui n'ont pas été toutes prospères les dividendes touchés par les actionnaires (c'est-à-dire la part des capitaux engagés dans

res entreprises) ne représentaient guère que la valeur d'un bock de bière par journée d'ouvrier.

Voilà à quoi se réduit la part du sacrifice fait par l'ouvrier travaillant aux mines du Nord, pour créer et entretenir ces exploitations qui assurent l'existence paisible de sa famille!

Voilà ce qu'est, en chiffres exacts, l'usurpation des fruits du travail par l'oisif qui vit dans l'opulence; voilà ce que les colporteurs de la bonne parole appellent la tyrannie du capital, les vols des bourgeois!

Il est à désirer que les ouvriers comprennent qu'un capital bien employé l'est habituellement à leur profit, et que si certains capitaux sont si peu dignes de considération de la part des populations laborieuses, ce ne sont pas ceux qui sont consacrés à l'exploitation des mines. (Cité par l'Econ. franç. du 3 avril 1886.) Voy. plus loin le n° 10.

5. Nous avons annoncé dernièrement, lisons-nous dans le Temps du 22 avril 1886, qu'une certaine agitation s'était fait remarquer parmi les ouvriers des forges de Commentry-Fourchambault (Nièvre).

Le calme est aujourd'hui revenu aux forges.

L'agitation récente donne un certain intérêt au compte rendu de la derniere assemblée générale des actionnaires de cette Société.

Le rapport constate que l'exercice 1884-1885 a été particulièrement mauvais ; la crise économique a atteint, plus qu'aucune autre, l'industrie métallurgique ; tandis que la production de la houille avait été, en 1883-1884, de 7,505,000 hect., elle a été, en 1884-1885, de 5,893,000 hect. seulement; la production de la fonte est tombée de 22,000 tonnes, en 1884, à 12,000, en 1885; les fers et aciers sont tombés de 16,000 tonnes à 11,000; les mouleries, de 21,000 à 19,000. Cette mauvaise situation a nécessité le renvoi d'un certain nombre d'ouvriers. Les bénéfices nets se sont élevés à 160,195 fr. seulement et n'ont permis de répartir aucun revenu.

Le rapport reconnaît d'ailleurs, en terminant, que la Société a dû renouveler son outillage pour lutter centre la concurrence: elle a dû dépenser deux millions pour créer de nouvelles installations, justifiées par la nécessité d'améliorer les conditions du travail. (Temps, 22 avril 1886.)

6. On lit dans le Staats. u. R. Anzeiger (Journ. off. de Prusse et d'Allem.) du 18 mai 1886, que 103 sociétés par actions, ayant ensemble un capital de 314,225,841 marks (1 fr. 25), ont obtenu en 1879 un produit net total de 8,592,304 m., soit 2,29 p. 100, et en 1885, le capital d'alors étant de 364, 125,084 m., elles ont eu un excédent total de 19,301,085, soit 5,30 p. 100 (intérêts et bénéfices de l'entrepreneur). Le journal allemand attribue ce progrès aux droits

protecteurs introduits dans l'intervalle... nous nous abstenons de toute réflexion sur ce point, nous constatons seulement que les bénéfices ne sont pas excessifs.

7.- The Economist, de Londres, du 20 avril 1887, ayant analysé 327 comptes rendus de compagnies industrielles allemandes, a trouvé les résultat suivants pour l'année 1886 :

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8.

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Le Temps du 14 décembre 1888 extrait du Journal de Bruxelles (sans indiquer de date) un travail, dont nous reproduisons le passage suivant. Il s'agit des résultats de l'année 1887.

Ces 100,739 ouvriers ont donné un produit total de 18,378,624 tonnes en 1887, représentant une valeur de 147,674,000 francs. Le prix moyen de la tonne a continué à décroître. Il a été de 8 fr. 04, soit 0 fr. 21 de moins qu'en 1886. Le montant des salaires distribués aux ouvriers des charbonnages a été de 82,100,000 francs, donnant par ouvrier une moyenne de 815 francs, en hausse de 37 francs sur 1886. On peut évaluer à 1 fr. 80 pour les femmes, 1 fr. 45 pour les garçons et 1 fr. 25 pour les filles la moyenne du salaire quotidien, ce qui fait ressortir à 3 fr. 26 le salaire moyen de l'ouvrier adulte du fond. Le nombre réel des jours de travail a été de 289, soit 76 jours de chômage. Dans une famille de cinq personnes, en supposant le père et deux enfants occupés à la mine, on arrive à trouver un revenu total de 2,445 francs. Si la femme travaille également, le total est de 3,260. On est loin de l'âge d'or de 1872 à 1876, alors que la moyenne du salaire annuel, calculé sur le pied de 289 journées de travail, était de 1,047 francs en 1872, de 1,353 en 1873, de 1,184 en 1874, de 1,163 en 1875, de 1,031 en 1876. A cette époque, une famille placée dans les conditions de notre hypothèse aurait eu, en 1873, ou 4,059 fr. ou 5,412 francs.

Déduction faite des charges financières, le produit des charbonnages a ete réparti en 1887 comme suit: salaires, 82,100,000 francs; frais d'exploitation, 56,833,000 francs. Le prix de revient moyen de la tonne a donc été de 7 fr. 56. Le bénéfice à la tonne, égal au prix de vente, moins le prix de revient, c'est-adire à 8 fr. 04, moins 7 fr. 56, a été de 0 fr. 48. Sur le total de la production, le bénéfice général a donc été de 8,741,000 francs.

Il résulte de ces chiffres que, si le capital cessait de percevoir sa part sous forme de bénéfice et qu'elle fût intégralement attribuée aux ouvriers, la situation de ceux-ci ne serait pas fondamentalement changée, et l'Eldorado de leurs rêves serait aussi loin que jamais de sa réalisation; en effet, 8,741,000 francs partagés entre 100,739 ouvriers donneraient un supplément de 86 francs par tête qui, joint aux 815 francs du salaire moyen, formerait un total de 901 francs. Tels sont les renseignements généraux sur l'état de l'industrie minière en Belgique.

9. Voy. aussi, dans mon Annuaire de l'écon. pol. de 1888 (Paris, Guillaumin), p. 492 et 493, la liste officielle des compagnies des mines de France qui sont en gain ou en perte.

10. Le Journal off. du 26 novembre 1889, que nous venons de recevoir. montre qu'il n'y a pire aveugle que ceux qui refusent de voir. Lisez la demande soumise à la Chambre de donner 150,000 francs aux grévistes du Nord, et la réponse du ministre des travaux publics (M. Yves Guyot).

CHAPITRE XXIX

LES INTÉRÊTS DU CAPITAL

Le capital est un agent de production, et sa part dans la répartition des produits s'appelle généralement intérêts. On désigne assez souvent ces derniers, et non sans raison, comme le loyer du capital; J.-B. Say et Cherbuliez, par exemple, se sont servis de cette expression dans leurs Traités.

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Si l'on admet que le capital contribue à la production, il est difficile moralement impossible -- de lui contester son droit à une rétribution. Nier les fonctions du capital, c'est prétendre qu'on fait la traversée de la Manche aussi commodément à la nage qu'en bateau à vapeur, ou qu'on aplatit l'acier aussi aisément à la main qu'avec un marteau-pilon, ou encore qu'on peut tisser de la toile sans fil et sans métier. Nier la rétribution, c'est prétendre aussi qu'on a le droit de se servir des biens d'autrui sans l'assentiment du propriétaire, que chacun est tenu de mettre à la disposition du premier venu ses bateaux, ses voitures, sa maison, ses animaux, son argent et le reste, sans autre condition que celle de se faire rendre intacte et avant de mourir les objets empruntés. Nous n'avons encore rencontré personne qui se soumettrait à une pareille loi, et si elle existait, chacun s'empresserait de cesser toute épargne et se mettrait à consommer le capital acquis.

On a cependant soutenu et naturellement sans bonnes

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