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sonnes). L'esclavage' n'a sans doute remplacé les massacres qu'après les premiers défrichements, car on ne pouvait nourrir l'esclave qu'au moyen de l'agriculture.

En Italie, M. Achille Loria nous offre La Rendita fondiaria e la sua elisione naturale (Milan, U. Hopli, 1880). L'auteur se propose d'indiquer comment on peut se débarrasser de la rente foncière. Si nous ne nous trompons, l'auteur pense que la petite culture par le propriétaire éliminera la rente. La preuve ne m'a pas semblé avoir été faite. Au fond, si l'on ne pense qu'à la rente abstraite, telle que Ricardo la conçoit, il est impossible de l'éliminer, car elle n'a aucune existence réelle, c'est une abstraction. Telle part de ce que le petit propriétairecultivateur (sans ouvriers) a récolté, doit scientifiquement être qualifiée de r (rente); telle autre de s (salaire); telle autre de i (intérêts); telle autre de b (bénéfice): de sorte la totalité de la récolte fait r+s+i+b=R (revenu ou récolte). Si, en parlant de rente, on a pensé au fermage, en attaquant ce dernier on dénie au propriétaire la rémunération de ses avances : défrichement, desséchement, nivellement, construction de bâtiments et de chemins, etc.; c'est du travail très matériel cela. Hier cela suffisait pour justifier la possession, le travail était proclamé sacré, les fruits du travail étaient tabou; aujourd'hui chacun semble dire mon travail est seul sacré. C'est un peu à cette hauteur que je trouve cette proposition que Dieu ayant créé la terre, l'homme n'en pouvait pas s'approprier la moindre parcelle. Cela veut dire : Ne bâtissez pas de maisons, couchez sous la tente. Un instant: la tente? Mais où vous posez votre tente on n'en peut pas placer une autre, vous accaparez donc le sol; ôtez-vous de là que j'y mette ma tente! Et où vous pieds, un autre ne peut pas mettre les siens ! Vous trouverez peut-être qu'il n'y a pas lieu de faire intervenir Dieu en cette matière, et aussi, que ce que l'on donne à l'un, on ne peut pas le donner en même temps à l'autre, et vous accorderez de l'espace pour bâtir une maison; et pourquoi ne donneriez-vous pas aussi un champ pour la nourriture, etc.? Je suis sûr que Vous ne vous gênerez pas d'en prendre pour vous, selon vos besoins, car enfin, charité bien entendue commence par soimême. Et quand vous serez vieux ou infirme, ne laisserez-vous pas cultiver votre champ à moitié fruit par un autre, si Vous trouvez un homme qui y consente? La propriété privée est

mettez vos

dans la nature humaine; néanmoins c'est la doctrine à la mode d'attaquer la propriété foncière (des autres); c'est une mode qui passera, et la preuve que ce n'est qu'une mode, c'est que tous les demi-socialistes, professeurs ou non, qui trouvent à redire à la propriété foncière, après avoir accumulé les objections connues, finissent toujours par dire: Oui, tout cela milite contre la propriété, mais on ne peut pas s'en passer; même Rodbertus lui accorde encore cinq siècles de vie..... Une science qui est influencée par la mode n'est pas bien solide.

Quant au livre de M. Loria, il est plein d'érudition. L'auteur a très bien réfuté certaines erreurs, mais je ne garantirais pas que quelques autres ne se soient pas glissées dans ses propres opinions.

CHAPITRE XXVIII

LES SALAIRES

Les matières traitées dans ce chapitre sont si importantes que nous avons cru devoir y introduire des subdivisions, savoir : 1o définition, formes, taux, valeur, mesure des salaires; 2° le fonds des salaires ; 3° la loi d'airain; 4o causes des conflits avec les patrons, organisation de la défense; 5° l'intervention de l'État ; 6° appendice.

SECTION I

DÉFINITION, FORME, TAUX, VALeur, MESURE.

Le salaire est la rémunération du travail; il vaut peutêtre mieux dire le prix d'achat du résultat d'un travail. Le travail étant un fait presque universel et prenant des formes très variées, on a joint au terme générique de salaire un certain nombre d'expressions plus ou moins synonymes pour distinguer les différentes formes de rétribution et surtout les personnes qui les reçoivent : liste civile, frais de représentation, traitement, appointements, solde, honoraires, droits d'auteurs, gages, feux, jetons de présence, commission, pots de vin, denier à Dieu et autres, Le mot salaire a été plus spécialement réservé pour indiquer la rémunération du travail manuel, en le distinguant très nettement des simples services rendus; on sait que les services sont souvent de nature immatérielle. On emploie

donc généralement le terme salaire quand il s'agit du payement que reçoit le vendeur du travail manuel en nature, l'ouvrier; les personnes qui, tout en travaillant de leurs mains, ne vendent leur travail qu'après l'avoir incorporé dans un objet, comme font les petits entrepreneurs, ou les artisans, ne reçoivent pas un salaire, parce qu'ils ne vendent pas leur travail seul, ils vendent un objet; or le prix de cet objet renferme leur salaire comme l'un de ses éléments constitutifs; l'artisan en fixant le prix de son produit, ne saurait l'oublier.

Le salaire proprement dit prend aussi des formes très diverses. Les plus fréquentes sont:

1o Le salaire à la journée et le salaire à la tâche. Strictement parlant, la rémunération du travail à la journée (à l'heure) est seule du salaire. En pareil cas, ce qui est payé, c'est moins le travail que la subsistance de l'ouvrier. C'est comme si ce dernier avait dit: Donnez-moi de quoi vivre une journée, et vous disposerez d'une dizaine d'heures de mon travail moyen. C'est donc le temps plus ou moins bien occupé qu'on paye. Il y a là un aléa pour le patron, qui préférera naturellement le travail à la tâche (à la pièce). Car ici, c'est le travail, ou le résultat du travail, sa vraie valeur, qui est payée, puisqu'on en a pu apprécier et mesurer l'efficacité, la productivité. Ce n'est toujours que le résultat (l'utilité produite) qu'on a désiré payer, et c'est parce que l'acheteur, le patron, le voit et le tient qu'il peut offrir une rétribution plus élevée : il ne court aucun risque.

Dans la pratique, chacune des deux formes de rétribution a ses avantages et ses inconvénients. Au point de vue du patron, le travail à la journée est plus cher et généralement plus soigné; le travail à la tâche plus rapide et moins bon. Au point de vue de l'ouvrier: le travail à la journée, plus commode et moins fatigant; le travail à la tâche plus lucratif, mais plus assujettissant. Chose cu

rieuse! les ouvriers les plus hostiles au mot salariat ne veulent pas entendre parler du travail à la tâche, bien que celui-ci ne soit pas à proprement parler salarié, mais comporte une forme de rémunération semblable à celle de l'entrepreneur, on paye un produit.

2. Le salaire en numéraire. On voit encore, mais de moins en moins, des ouvriers logés et nourris; ce salaire en nature permet de réduire d'autant le salaire en numéraire. D'autres fois, sans être nourris, les ouvriers reçoivent avec leur salaire en argent, des objets en nature; en pareil cas, pour apprécier convenablement le montant (nominal) des salaires, il faut évaluer en argent les objets fournis en nature.

3. Le salaire fixe et le salaire proportionnel ou aléatoire. Dans la plupart des professions, le salaire est aujourd'hui fixe et connu d'avance, mais il en est encore quelquesunes, comme celles des pêcheurs, où les matelots (ouvriers) reçoivent une part du produit. Les moissonneurs aussi sont généralement rétribués proportionnellement au produit de leur travail (tel nombre de gerbes sur 100. Si la récolte est bonne, ils en profitent).

Il y a aussi un salaire proportionnel où l'ouvrier est payé d'après un tarif qui monte ou descend en même temps que le prix du produit (1).

4. Le salaire se paye à la fin de la journée, de la semaine, de la quinzaine, du mois, du trimestre, de l'année.

(1) Ce sont des sortes d'échelles mobiles des salaires sliding scales, assez répandu en Angleterre. Voy. par ex. : Sliding scale in the Coal Industrie, by J.-E. Crawford Munro, Londres, 1885. Sliding scales in the Iron Industrie (1886). On the regulation of Wages by means of Listes in the Cotton Industrie, Weawing, Londres, 1887; Spinning, Londres 1887. Même auteur, Publications très instructives. Si le système des salaires proportionnels au prix du produit pouvait être généralisé, ce serait la solution du problème de la distribution la vraie question sociale. Il est dans la nature humaine que chacun tire à soi, et, pour augmenter ses jouissances, la force a une tendance par trop grande d'abuser, la force - il s'agit de l'homme qui en dis

pose

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a donc une tendance prononcée à primer le droit. Nous revenons ailleurs sur cette question.

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