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et les cotisations (il démontre qu'ils s'en distinguent, ce qui est tout à fait évident); 2° les rapports de l'offre et de la demande et la prétendue détermination des prix qu'on leur attribue. (L'auteur ne nie pas absolument l'influence de l'offre et de la demande, il soutient seulement qu'on l'exagère); 3° La gravitation des prix vers certains frais de production (par le mot certains, l'auteur veut indiquer que les prix ne se confondent pas toujours avec les frais de production. Il se demande ensuite s'il y a lieu ou non de le regretter et se pose d'autres questions tout aussi peu pratiques); 4° obstacles à la gravitation (c'est-à-dire, que les prix restent éloignés des frais de production, soit parce que les lois, soit parce qu'un fait quelconque, le défaut de talent, un monopole, etc., l'empêchent); 5o Formation réelle des prix (c'est maintenant seulement que nous arrivons au fait). Ce paragraphe 5 se subdivise ainsi, page 296 et suivantes, savoir: a, généralités; b, prix spéciaux; c, prix de monopole avec quatre subdivisions, dont la quatrième se sousdivise encore en A à F. L'espace ne nous permettant pas d'expliquer, nous nous abstenons de reproduire cette sèche nomenclature. L'auteur semble désapprouver, page 269, deuxième ligne, qu'on expose Selbstverständliches « une chose qui va sans dire », pourquoi s'oublie-t-il à chaque instant pour nous offrir des choses qui vont sans dire? Parmi les assertions et les classifications de l'auteur, il en est beaucoup que nous aurions à critiquer, mais rien ne mérite autant de blâme que la prodigalité avec laquelle l'auteur emploie le mot Eigennutz (intérêt personnel et égoïsme, selon le cas); il n'y a pas de page traitant de la matière où on ne le trouve plusieurs fois. M. Neumann qui met à tout propos, quelquefois très mal à propos, la morale en avant, devrait cependant se rappeler que la prodigalité n'est pas classée parmi les vertus, surtout si cette prodigalité constitue évidemment un manque de charité chrétienne.

Disons un mot des prix du détail. A la suite d'une enquête provoquée par la société de politique sociale allemande, M. le professeur Conrad avait été chargé (en 1888) de faire un rapport sur la question des prix dans le commerce de détail. Nous allons résumer ses réponses:

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1° Quel est le rapport entre les prix en gros et les prix de détail? Il n'est pas possible de donner une réponse bien positive à cette question, mais on peut admettre qu'une aug

mentation de 20 p. 100 n'est pas loin de la réalité (c'est une large moyenne, prise entre 5 p. 100 et 100 p. 100);

2o L'augmentation du prix paraît-elle hors de proportion avec le service rendu, répond-elle à la nature des choses? En général, l'augmentation répond au service rendu, sauf chez les bouchers qui exagèrent volontiers la majoration du prix;

3o Quel rapport y a-t-il entre les oscillations des prix du commerce en gros et celles du commerce de détail (c'est-à-dire, la vente au détail est-elle affectée par la baisse des prix du gros)? En général, il y a moins d'oscillations dans le commerce de détail que dans le gros, et la stabilité est d'autant plus grande, que les salaires sont plus élevés, que le commerce est plus développé et plus prospère, et que les quantités demandées à la fois par l'acheteur sont plus petites (on en demande quelquefois pour 1 centime). Toutefois, dans de bonnes maisons, les deux oscillations vont le plus souvent (im Durchschnitt, en moyenne), ensemble;

4o Dans le cas où l'on aurait répondu à la deuxième question que les différences de prix sont exagérées, on demanderait, si la cause de cette exagération provient des bénéfices excessifs que le petit commerce veut faire, ou de la coexistence d'un trop grand nombre de marchands, ce qui serait un gaspillage des forces de travail. M. Conrad ne croit pas qu'en général les magasins du petit commerce soient trop nombreux (il a montré, dans le cours de son travail, qu'il est dans l'intérêt des ouvriers que les fournisseurs de l'infiniment petit soient à proximité). Il ne pense donc pas qu'on exagère réellement la majoration des prix, ce qui serait d'ailleurs empêché par la

concurrence.

M. le professeur Conrad ajoute ensuite, à titre de conclusion, une observation qui mérite d'être profondément méditée par les amis et les ennemis : « La vieille école économique s'en tenait aux règles générales, aux grandes moyennes, et ne se préoccupait pas assez des exceptions, des détails. Il lui arriva ainsi souvent d'exprimer des jugements erronnés sur des matières économiques, et notamment d'en tirer des conséquences fausses quant à la législation (1). En présence du rapide déve

(1) Allusion à la répugnance des économistes de recouvrir à l'intervention gouvernementale.

loppement de l'économie des nations modernes, ces défauts devaient avoir des effets d'autant plus graves que les situations économiques prenaient des formes plus variées et que les règles générales et les moyennes se modifiaient. C'est en reconnaissant ces fautes, et en leur opposant une réaction énergique, que la nouvelle école a pris l'habitude de mettre les exceptions dans le premier plan, de les étudier séparément et d'en suivre avec préférence les développements. Ce procédé est aujourd'hui aussi légitime que l'était autrefois le procédé de la vieille école, mais comporte naturellement le danger de surévaluer les exceptions et de sous-évaluer les grandes moyennes. C'est ce que je crois pouvoir constater dans la direction actuelle de nos études économiques » (1).

Nous devons nous borner à signaler la publication de M. Richard Hildebrand sur Die Theorie des Geldes (la théorie de l'argent, léna, Fischer 1883) et dans lequel l'auteur conteste que les prix, les intérêts voient leur taux s'élever ou descendre avec l'abondance ou la rareté du numéraire.

Justement un jeune Italien de mérite, M. A. de Viti de Marco, dans une autre monographie Moneta e prezzi (Città di Castello, 1885), a discuté l'opinion de M. R. Hildebrand. Sans entrer dans des détails, il suffit de dire qu'on va trop loin en soutenant que les prix des marchandises doubleront immédiatement quand la quantité de l'or doublera; jamais économiste n'a pu avoir cette pensée. L'affluence des métaux précieux n'influe qu'à la longue sur les prix et leur action peut être contrecarrée par de nombreux faits. Si en face d'un accroissement de la quantité de l'or il y a une diminution de production, si la consommation se modifie, si le crédit intervient, si de nouveaux emplois pour l'or surgissent et si beaucoup d'autres causes analogues se présentent, les effets changent. En ces matières les effets sont la résultante d'un concours de causes. M. Ciccone, qui, dans ses Principj di Econ. pol., t. II, traite très bien la question des prix, arrive à la même conclusion (p. 37) et réfute excellemment une objection de Thornton, selon lequel cen'est pas l'offre et la demande qui déterminent les prix, mais la

(1) On trouvera un travail spécial sur les prix de détail dans les Jahrbücher de M. Conrad (sept. 1889, ou tome LIII, 3). Il indique la bibliographie récente des prix de détail. Ce travail nous parvient au moment de corriger les épreuves, donc trop tard pour l'utiliser.

concurrence, en montrant que la concurrence est précisément la forme sous laquelle l'offre et la demande se présentent.

M. Boccardo (Econ. politica) démontre clairement, t. 1, p. 63 et suivantes, que des deux causes qui déterminent les prix : 1° l'offre et la demande et 2° les frais de production, la première est la plus puissante, mais il ne dénie pas à la seconde l'action régulatrice qui lui revient.

En somme, les économistes sont d'accord sur les grandes lignes de la théorie, mais les détails, les nuances, même certaines distinctions d'une application plus rare ont leur intérêt; une chose seulement doit être évitée : il ne faut pas vouloir fendre les cheveux.

CHAPITRE XXV

LES TRANSPORTS ET LES MOYENS DE COMMUNICATION

Les frais de production renferment généralement des dépenses causées par le transport, soit des matières premières (1) pour les faire arriver à l'atelier soit des produits fabriqués pour les mettre à la portée du consommateur. Le producteur aussi bien que le consommateur ont donc un intérêt marqué à voir baisser le prix des transports.

Depuis que le commerce est né, les hommes se sont préoccupés des moyens de réduire ces dépenses. On sait que, par terre, on a transporté longtemps les marchandises à dos d'hommes et à dos d'animaux, puis sur des véhicules traînés surtout par des chevaux ou des bœufs; le transport par eau remonte également à une haute antiquité, et il avait pris peu à peu un très grand développement. Cependant, les moyens de transport qui ont précédé l'avènement de la vapeur nous paraissent bien primitifs aujourd'hui, mais il serait injuste de les mépriser par terre on avait des routes bien entretenues, des diligences, des malles-poste, des entreprises de roulage partant et arrivant à jours et heures fixes; pour la navigation on avait creusé des canaux, rectifié le cours des fleuves, construit des ports, d'où partaient des voiliers pour les mers les plus lointaines.

(1) Ce mot pris dans le sens le plus large possible, comprenant tous les accessoires.

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