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étonnera le lecteur. M. Roscher ne confond-il pas taux et montant? Quant aux frais de production considérés au point de vue de l'économie nationale, ou de l'humanité tout entière (!!!), les intérêts, le salaire, la rente (du sol), les impôts ne sont pas des frais de production, mais des revenus pour les différentes classes de la société. Et pourtant M. Roscher commence son paragraphe 106 celui que nous analysons - par ces mots : « da Niemand verlieren mag, so wird jeder Verkäufer denjenigen Werth, den seine Waaren ihm selber gekostet hat... » (comme personne n'aime perdre, chaque vendeur considérera la valeur que ses marchandises ont coûté à lui-même (ihm selber), c'est-à-dire les frais d'achat ou de production, comme le minimum du prix qu'il pourra demander). Comment mettre d'accord avec ce début « l'humanité» ou « l'économie univer selle ». Aussi, ils ne sont pas d'accord. Je ne vois là qu'un effort pour se mettre au niveau des tendances quelque peu socialistes qui règnent actuellement dans les régions universitaires, au détriment de la vraie science.

Heureusement le savant professeur entre plus loin dans des détails intéressants sur quelques autres points, par exemple, p. 271, sur les exceptions produites par un concours de circonstances, sur les taxes officielles, sur la fixité des prix. Sur ces points il ne diffère pas beaucoup de ce que nous avons dit ou rapporté plus haut.

à

M. de Hermann, dans ses Staatsw. Untersuchungen, p. 390, trouve que le vrai prix ne peut s'établir que par une concurrence d'acheteurs en présence d'une concurrence de vendeurs. C'est de cette façon que l'offre et la demande peuvent avoir leur effet. Mais l'énoncé de cette cause paraît trop vague Hermann, et les frais de production, « ce point central vers lequel les prix gravitent » ne lui suffisent pas pour préciser les résultats, il cherche donc à établir les mobiles ou motifs des deux parties. Pour le demandeur il trouve : 1° le besoin, la quantité nécessaire et l'utilité de la chose demandée; 2o l'étendue de ses ressources; 3° les autres moyens de se procurer l'objet désiré, la concurrence. Pour l'offrant : 1° les frais : a, d'achat, b, de production: 2° la concurrence des acheteurs, la valeur d'échange des métaux premiers, du papier-monnaie, etc. L'auteur entre sur ces points, dans des développements très curieux et très instructifs.

Held (Grundriss) et quelques autres économistes distinguent aussi les mobiles soit de l'offrant, soit du demandeur.

M. Wagner (Grundlegung) n'entre pas dans de nombreux détails sur les prix, il donne les définitions reçues, il reconnaît que les frais de production ne déterminent pas seuls les prix, qui ont cependant une tendance à s'en rapprocher. Il s'éloigne donc ici des opinions de Marx et Rodbertus. Le prix, selon M. Wagner est le plus souvent accidentel (p. 57 de la 2e édit.). M. Schäffle, Nationalökonomie (1867), après avoir exposé la théorie de l'offre et de la demande, ainsi que celle des frais de production, conclut (p. 177, § 90) que la variation des prix est une nécessité, parce que les besoins se modifient constamment et que les moyens de satisfaction sont dans un état constant de devenir soumis à l'élaboration successive et par des producteurs différents. Ainsi la population est toujours en mouvement, les saisons changent et avec eux les besoins (pluies et beau temps, froid et chaud), les habitudes, les goûts, les mœurs, la situation des fortunes, etc., se modifient incessamment. C'est sur ces changements que la spéculation repose. Les développements renferment quelques intéressants dé

tails.

M. Carl Menger (Grundsätze) démontre que l'élément subjectif est dominant dans le prix, et qu'il n'est pas exact de dire qu'on échange des valeurs égales. Ce qu'on offre a toujours moins de valeur que ce qu'on demande, et les prix - c'est-àdire leur chiffre exact dépend des circonstances. Ce résumé aurait besoin des développements dans lesquels le savant professeur est entré, mais nous ne pouvons que renvoyer à son livre. Disons seulement que subjectivement les valeurs échangées sont inégales, puisque chacun préfère ce qu'il reçoit à ce qu'il donne; mais si nous songeons à la valeur objective, les deux valeurs échangées peuvent bien valoir la même somme d'argent.

M. Emile Sax (Grundlegung, 1887), p. 331, en note, offre une réflexion que nous tenons d'autant plus à reproduire, que nous nous rencontrons sur ce point. Relativement aux frais de production, dit-il, deux erreurs ont troublé la théorie. L'une consiste à prendre les apparences pour la réalité, et à déduire la valeur des produits de celle des matières premières. Un examen plus approfondi montre qu'on a pris la cause pour l'effet,

et vice versa (1). La deuxième erreur consiste à ne voir dans les frais que le coût du travail. C'est la théorie de ceux qui ramènent la valeur des biens à la quantité du travail qu'ils renferment. On sait qu'ils argumentent ainsi les biens sont le produit de travail et de capital; ce dernier est à son tour le produit de travail et de capital, et ainsi de suite, on remonte de cette façon jusqu'au premier capital qui est, lui, le produit d'un don de la nature modifié par le travail. C'est ainsi que la valeur des matières premières, comme la valeur de tous les biens sont ramenées, en dernière analyse, au travail. Mais on oublie qu'il ne convient pas de revenir à chaque instant sur cette genèse qui n'a nullement eu lieu, comme on le prétend, sans solution de continuité. Qu'on ait consacré à un objet autant de travail que l'on veut, dès que le degré d'utilité de cet objet change, c'est-à-dire diminue, sa valeur change en même temps, sans le moindre égard pour le travail accompli. Et si cet objet sert, comme capital, à la production d'autres objets, sa valeur absolue et relative (prix) dépend de la valeur que le produit final pourra acquérir, sans que ce capital y seit pour rien. Ce mouvement incessant des valeurs produit par les variations de nos besoins fait qu'on ne peut attribuer au travail la cause de la valeur, que dans d'étroites limites. Le coût du travail n'indique que le prix minimum au-dessous duquel un objet ne peut pas descendre d'une manière permanente, et nullement la valeur courante du produit.

comme un

M. G. Cohn, dans son System, étudie plus particulièrement les prix auxquels l'offre et la demande ne s'appliquent pas (pour les autres il a été obligé de prendre pour guide simple économiste classique l'utilité et la rareté), mais ces prix extraordinaires (2) sont les moins importants, et comme M. Cohn suit parfois M. Fr.-J. Neumann, qui passe pour être un spécialiste en matière de prix, il suffira d'analyser le travail de ce dernier.

On le trouve dans le Handbuch de M. G. Schönberg (Tubingue, Laupp, 2e éd. 1885), tome I, p. 174 et 263 et suiv. C'est

(1) Plusieurs auteurs M. C. Menger peut-être avec le plus de force ont fait ressortir que les matières premières n'ont généralement de la valeur qu'à cause des produits qu'on en peut fabriquer. La hausse d'un produit cause la hausse de la matière première, et la baisse, la baisse.

(2) Voy. un peu plus loin une observation de M. Conrad.

une véritable monographie d'un mérite incontestable, mais qui soulève de nombreuses et assez graves objections; nous ne pourrons toucher qu'à un petit nombre de points. Page 174, l'auteur donne la définition du prix; c'est, dit-il, une somme convenue entre les parties, tandis que la valeur n'est qu'une simple estimation. Jusque-là, nous sommes d'accord, mais quand il ajoute à sa définition, que le montant de l'importation et de l'exportation, n'étant qu'une évaluation, on ne doit parler que de leur valeur (et non pas du prix, bien qu'il s'agisse d'objets vendus pour une somme déterminée en numéraire), il se trompe, car ici la valeur n'est ou ne représente que l'addition des prix. Allez, par exemple, au marché aux chevaux, assistez aux ventes et prenez note des prix. Le cheval A, coûte 255 francs, c'est son prix; B, coûte 85 francs; le prix de C est 1,000 francs, et ainsi de suite. Le prix n'est qu'un équivalent individuel; quand vous aurez additionné tous les prix individuels, vous direz la valeur de l'ensemble des chevaux a été de 45,382 francs. De même à la halle au bié, le prix d'un sac est de x, la valeur de 100 sacs de 100 x. Cela prouve qu'une valeur peut être déterminée ou mieux que le mot valeur a des acceptions plus nombreuses que l'on croit. Mais ne nous arrêtons pas trop sur les définitions, les accessoires y jouent souvent un trop grand rôle.

Passons donc aux pages 263 et suivantes, où M. Neumann entre dans le fond de la question. Nous nous bornons généralement à poursuivre nos analyses jusqu'au fil dont le tissu est composé, lui va plus loin, il fend le fil en trois : le prix suppose : 1o un objet et une contre-valeur; 2° deux parties, un offrant et un demandant; 3° les motifs des deux parties «< qui peuvent être assez différents, mais qui néanmoins se ressemblent beaucoup. » Si M. Neumann juge à propos de fendre des cheveux, c'est qu'il désire nous montrer des choses qu'on ne voit pas habituellement, cette chose, que les deux parties qui luttent pour acheter cher ou vendre à bon marché sont très préoccupées de ne pas manquer (p. 265) « aux sentiments de justice et d'équité » et l'influence de ces sentiments sur les prix est considérable (der Einfluss auf den Preis ein bedeutender ist). Le lecteur conviendra que ce point lui était inconnu, et que lorsqu'il assistait, par hasard, au marché à une vente de poissons, il n'a pu constater ces sentiments ni chez la poissarde, ni chez la

cuisinière. L'aurait-il surpris dans les négociations entre le maquignon et le paysan? Bien que les sentiments vertueux soient aussi répandus, l'auteur est d'avis que depuis « la victoire du principe de laisser-faire » (où a-t-elle eu lieu, cette victoire?), l'influence de l'État sur les prix est devenue plus légitime (berechtigt) et l'auteur se donne la tâche d'examiner dans quel cas celte intervention est le plus désirable. — On voit l'esprit qui anime le savant auteur de la monographie!

M. Neumann s'occupe ensuite du classement des matières, classement qui nous semble bien... original; nous ne croyons pas, en effet, qu'il ait eu un devancier. Ainsi (p. 169) on nous apprend que la distinction entre le prix des marchandises et le prix des services est si peu importante (zu wenig erheblich) qu'il faut la mettre de côté; l'auteur ne pense pas non plus qu'il faille distinguer entre les prix librement débattus par le commerce, et les prix taxés par l'autorité (!); il considère comme bien plus important de classer les prix selon leur «< motif », en: 1o prix d'intérêt personnel (1) et 2° prix d'utilité générale, mais il abandonne maintenant ce classement qu'il avait autrefois recommandé, parce qu'on rencontre des hommes qui sont doués, à la fois, d'égoïsme et de dévouement. (L'auteur ne dit pas dans quelle proportion.) Enfin il se décide à classer les prix en deux grandes catégories: 1° prix dans les cas où il existe des intérêts communs, et 2° prix de formation régulière (prix de concurrence et de monopole).

La première comprend : 1° les cotisations de toutes sortes; 2o l'influence sur les prix d'intérêts communs transitoires, par exemple, le jet à la mer, en cas de tempête; 3° la fixation du taux des impôts ou des droits et taxes. C'est, selon nous, tout à fait à tort que les cotisations, les indemnités pour jet à la mer et les droits et taxes sont classés parmi les prix. Sans doute, avec de pareils groupements des matières on arrive à l'originalité, et surtout on ne fait pas de l'économie politique «< classique ».

La deuxième catégorie renferme seule des prix, l'auteur le reconnaît implicitement, en les qualifiant de « formations régulières» (regelmässige Preisgestaltungen). Voici les subdivi sions de cette deuxième catégorie : 1° rapport entre ces prix

(1) Eigennutz. Vous êtes libre de traduire ce mot par Égoïsme. Pourquoi l'auteur ne met-il pas Selbstinteresse?

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