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qu'ils sont pressés, parce qu'ils veulent vendre, etc.; ces raisons. ne feront jamais circuler un papier qu'on sait mauvais; on pourrait tout au plus passer par-dessus quelques légers doutes. M. Knies considère longuement les billets au point de vue de la banque qui les émet et dès clients qui les reçoivent, puis de l'intervention de l'État, intervention qui lui semble inévitable, car il ne conçoit pas d'émission non réglementée. A cette occasion il est question de monopole et de liberté, ou d'unité et de pluralité, et comme il cite à ce propos le travail de M. Ad. Wagner, nous allons nous adresser à la monographie que ce dernier a insérée dans l'Encyclopédie économique (Handbuch) de M. Gustave Schönberg (Tubingue, Lauppe, 2e éd., 1885, t. I, p. 465 et suiv.), et lui demander son opinion sur l'unité et la multiplicité des banques.

M. Ad. Wagner préfère les expressions: centralisation et dé centralisation des banques, peut-être pour éviter le mot « liberté », et trouve que les deux systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients, selon le cas. Voici les uns et les autres pour les deux systèmes :

Avantages de la décentralisation. -1° L'unité du billet, qui est complet dans la banque unique, et presque réalisée dans la banque privilégiée (1), offre plus de commodité et de sécurité, elle rend ainsi plus de services, tout en se rapprochant ainsi du papier-monnaie (page 466).

2o Elle (la centralisation) offre des facilités pour établir un réseau de succursales qui font pénétrer les bienfaits du crédit dans les plus petits endroits;

3° Elle possède une puissance plus grande (pour faire le bien) en cas de crises politiques ou économiques. La confiance est plus grande, on ne retire pas les dépôts de la banque centrale, on lui apporte plutôt ceux qu'on a retirés à d'autres établissements. Elle peut étendre le crédit en temps de calamité, quand il se resserre partout ailleurs. Ses notes se maintiennent dans la circulation (2);

4o La banque centrale peut au besoin rendre un service effi

(1) La Banque de France est l'une, la Banque d'Angleterre l'autre. (2) Il n'y a eu crise en Angleterre en 1847, 1857 et 1866, que parce que la Banque était limitée dans son droit d'émission. En suspendant l'acte de 1844, on donnait à la Banque le droit d'étendre ses émissions, et ce seul fait a suffit pour mettre fin à la crise.

cace à l'État. C'est ainsi que la Banque de France a pu venir en aide au gouvernement en 1870, tandis que les nombreuses, mais petites banques américaines ne l'ont pas pu aussi bien en 1861-1864 (La création des Nationalbanks a cependant facilité le classement des emprunts).

Inconvénients de la décentralisation. 1. Le sentiment de la responsabilité est plus faible dans la banque centrale. Elle a conscience de sa position dominante, de sa solidité, elle peut se laisser aller à accorder trop facilement des crédits, retarder la hausse de l'escompte, encourager involontairement la spéculation;

2o La banque centrale peut entrer dans des relations trop intimes avec les finances de l'État;

3o Elle peut se montrer partiale, surtout dans les avances sur titres, défaut, il est vrai, qui se rencontre aussi dans les banques locales;

4° Elle n'est pas très disposée à encourager les dépôts;

5o Les billets rentrent moins régulièrement, se présentent moins au remboursement (le mouvement d'entrée et de sortie, flux et reflux est un symptôme instructif pour la banque).

Les avantages et les désavantages de la décentralisation ressortent implicitement de ce qui précède; ils ont d'ailleurs une moins grande portée. M. Ad. Wagner relève cependant encore les points suivants :

Avantages de la décentralisation. -1° La banque locale est plus indépendante qu'une succursale et pourra mieux s'adapter aux besoins locaux et y satisfaire le crédit;

2o Elle favorisera d'autant plus les dépôts (en payant un intérêt) que ses émissions ne peuvent être que très restreintes. Inconvénients de la décentralisation. -1° Le billet jouit d'un moindre crédit (souvent à tort) (Il n'est pas reçu hors de la circonscription administrative);

2o Les placements ne sont pas aussi sûrs (proposition que M. Ad. Wagner atténue en note);

3° En temps de crise, les petites banques ne peuvent pas aider efficacement leurs clients (mais ils en ont moins aussi que les grandes banques).

M. Wagner examine aussi le currency principle, qu'il désapprouve comme inapplicable; il serait nuisible, si on pouvait l'appliquer.

Les auteurs italiens n'entrent pas dans de nombreux détails sur les banques. M. Cossa définit la banque (p. 92): l'intermé diaire du crédit, car le crédit est « impossible» (disons: difficile) parce que : 1° les (personnes qui voudraient être) contractantes ne connaissent pas les affaires les unes des autres; 2o la confiance manque; 3° parce que l'offre et la demande ne se correspondent pas.

M. Ciccone s'étend moins sur les banques que sur le crédit. Parlant du papier-monnaie, il dit (t. II, p. 124): La carta monetata è un male, ma è un male que serve di remedio a un malo maggiore. C'est dire beaucoup en peu de mots : le papier-monnaie est quelquefois un mal nécessaire.

M. G. Boccardo, après avoir décrit les différentes sortes de banques et raconté leur histoire (t. II, p. 328 et suiv.), s'arrête (p. 409) sur le billet de banque, qu'il déclare un titolo di credito... qui peut quelquefois servir de monnaie, qui peut en prendre la place... qui est loin d'être de la monnaie. Il développe cette pensée avec beaucoup de vigueur. Il me semble aussi que M. Boccardo (t. II, p. 384) est plus favorable, au moins théoriquement, à la banque unique qu'à la multiplicité des banques.

CHAPITRE XXIV

LES PRIX

Le prix est une valeur déterminée, une valeur exprimée en unités monétaires. Strictement parlant, le prix d'une chose est ce qu'on donne en échange, mais le troc n'existe pour ainsi dire pas dans la société civilisée; depuis l'antiquité, on échange habituellement les denrées, les marchandises, les objets de toutes sortes contre du numéraire on les vend, - de sorte que presque tous les économistes définissent le prix : « une valeur exprimée en numéraire », nous aimons mieux dire: en unités monétaires.

Le mot valeur s'adresse plus particulièrement à la chose offerte ou demandée, c'est une appréciation préalable, un jugement qui peut se fonder sur de solides raisons, comme sur un sentiment, un caprice même, mais qui reste dans le vague; il se borne presque à constater que l'objet est susceptible d'être échangé. Le prix est la condition sous laquelle l'échange s'est effectué; on peut sans doute en évaluer le montant à l'avance, et avoir de bonnes raisons pour croire que le chiffre indiqué sera bien le prix... Mais la somme énoncée n'est devenue réellement le prix que parce que l'acheteur, ratifiant ainsi l'évaluation, l'a payé. C'est lui qui a le dernier mot dans toute transaction. Le mot valeur peut s'employer avant l'opération, quand l'échange est consommé, le mot prix est seul correct. Il importe de bien distinguer ces deux mots que les économistes eux

mêmes ont une tendance à confondre (au préjudice de leur exposé), car la science a besoin de précision. D'ailleurs, la distinction sur laquelle nous insistons étant conforme au langage usuel, elle ne peut que contribuer à écarter les malentendus.

Ainsi, le prix est la somme d'argent qu'un objet a coûté, ou qu'il coûtera certainement si on l'achète (en ajoutant le futur, nous tenons compte des « prix fixes », des tarifs, des taxes officielles). Il n'y a pas lieu d'accabler le prix d'épithètes variées, comme prix courant, prix du marché, prix réel, qui ne contribuent en rien à la clarté, et nous trouvons inexactes les expressions prix de revient, prix normal, prix nécessaire, pour frais de production, parce que les frais dépensés sont un fait et le prix n'est (avant la vente) qu'une probabilité. Disons donc prix tout court, et appliquons le mot seulement à la valeur en numéraire d'objets matériels, de choses; nous avons d'autres mots pour désigner le prix de services, tel que salaire, et dans des acceptions spéciales: honoraires, traitements, gages et autres; c'est plutôt au figuré qu'on parle ici du « prix du travail », mais dans la science il faut éviter les figures et les métaphores, elles nuisent à la précision, surtout dans les définitions.

Le prix étant une détermination de la valeur, il en devient, par ce fait, la mesure. Cette mesure, qui emploie l'unité monétaire comme moyen, n'est pas absolue, car le pouvoir d'achat de cette unité varie avec le temps; d'ailleurs, un objet peut avoir eu plusieurs prix en un jour; elle est cependant très suffisante pour les transactions habituelles, pour le commerce en gros et au détail, elle permet de comparer les valeurs et de les additionner, car l'unité monétaire leur donne un dénominateur commun. On peut vous demander: Cette bague vaut-elle ce cheval? Si vous trouvez que la bague vaut 500 francs et le cheval

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