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rigueur dans plusieurs circonstances. Les paysans furent une des classes qu'il désigna, dans son Mémoire au Roi, comme dignes des encouragements de l'État. Il défendit de saisir les bestiaux pour le paiement des impôts 3. Enfin, ce qui valut mieux que les plus sages ordonnances, ce fut l'ordre rétabli dans là France, la diminution des tailles qui pesaient principalement sur les paysans, et la protection assurée au laboureur contre les violences des gens de guerre. Aussi, un observateur éclairé, qui visita la France pendant le ministère de Colbert, a-t-il signalé avec admiration l'abondance des produits agricoles de ce royaume. « La richesse de la France, dit W. Temple, qui est la cause de sa puissance, résulte de la consommation prodigieuse, faite par les pays qui l'environnent, des produits si nombreux et si riches de son sól et de son climat, ou du travail ingénieux de ses habitants. Au moyen de leurs vins, de leurs sels, de leurs modes d'habillement et d'équipages, les Français font venir de grosses sommes d'argent dans ce fertile et noble royaume, le plus favorisé par la nature, suivant mon opinion, de tous ceux qui sont au monde. »

Hist. de Colbert, par M. P. Clément, p. 277.

2 Mémoire de Colbert, Revue Rétrospective, 2a série, tome IV, p. 258.

3 Hist. de Colbert, par M. P. Clément, p. 267.

• Sir William Temple's Memoirs, tome II, p. 464-465, à l'année 1678.

INDUSTRIE, COMMERCE, COLONIES ET MARINE.

Colbert consulte les principaux commerçants; rétablissement du Conseil de Commerce (1665). Progrès de l'industrie : manufacture des Gobelins. — Amélioration des voles de communication: canal du Languedoc; canal de MONSIEUR. Suppression de plusieurs douanes intérieures. Instructions de Colbert aux consuls et aux ambassadeurs pour favoriser le commerce; organisation de cinq compagnies pour le commerce maritime; état florissant des colonies sous le ministère de Colbert. Marine militaire : premières mesures prises par de Lionne pour relever la marine; expédition du duc de Beaufort ( 4666). — La marine passe sous la direction de Colbert (1669); fl s'adjoint son fils Seignelay (1672); progrès de la marine militaire sous leur administration: code maritime.

Le progrès de l'industrie et du commerce, sous le règne de Louis XIV, est un des plus glorieux titres de Colbert à la reconnaissance et à l'admiration de la postérité. A peine arrivé au pouvoir, il consulta les principaux commerçants sur les moyens de ranimer le commerce et l'industrie. Chaque port de commerce, chaque ville industrielle, désigna deux notables, entre lesquels Colbert choisit trois conseillers et les appela à Paris pour s'éclairer de leurs avis. En 1665, il réorganisa le Conseil de Commerce, qui

avait été institué par Henri IV en 1604', et était tombé en désuétude sous le ministère de Mazarin. Olivier d'Ormesson, qui en parle, à la date du 40 mars 1665, l'appelle « le nouveau Conseil » et dit qu'il se composait du Chancelier et des conseillers d'État Voisin et La Houssaie. Mais, en réalité, Colbert seul dirigeait cette partie de l'administration. Il indique nettement sa pensée dans le préambule d'une des ordonnances relatives au commerce. Il voulait << mettre le royaume en état de se passer de recourir aux étrangers pour les choses nécessaires à l'usage et à la commodité des François3. » Il attira des ouvriers habiles de Flandre, d'Italie et d'Angleterre. Déjà, sous l'administration de Sully, l'industrie française avait enlevé à la Flandre le monopole de la fabrication du cuir doré et des tapisseries de haute-lisse'; elle avait rivalisé avec l'Italie pour les cristaux et les glaces, Colbert déroba à l'Angleterre le secret de la trempe de l'acier. Le Hollandais Van Robais fut attiré en France, et établit à Abbeville, en 1664, une célèbre fabrique de draps. Les porcelaines de Sèvres furent bientôt renommées dans toute l'Europe. La manufacture des Gobelins, qui remontait à Henri IV,

Procès-verbaux des délibérations du Conseil de Commerce, réuni en 1604, dans les Archives curieuses de l'Histoire de France, par Cimber et Danjou, 1 série, tome XIV, p. 221 et suiv. — Voyez aussi le tome IV, p. 1-301, des Documents historiques extraits de la Bibliothèque nationale, dans la collection des Documents inédits de l'Histoire de France.

2 Journal d'Oliv. d'Ormesson, 2we partie, fo 95 verso,

3 Anciennes Lois françaises, tome XVIII, p. 39.

Procès-verbal de l'Assemblée du Commerce, par Isaac Laffemas, Archives curieuses de l'Histoire de France, tome XIV, p. 222-228.

5 lbid.-Anciennes Lois françaises, tome XV, p. 164.

6 Anciennes Lois françaises, tome XVIII, p. 197-199.

7 Procès-verbal de l'Assemblée du Commerce, par Isaac Laffemas, Archives curieuses de l'Histoire de France, ibid.

MANUFACTURE DES GOBELINS.

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reçut une nouvelle impulsion', fut placée sous la direction de Le Brun, et éclipsa par sa magnificence tous les établissements étrangers. « Je fus disner, dit d'Ormesson 2, avec Mr Le Brun, aux Gobelins, où estoient ma femme et mon fils. Il nous fit grande chere et de bonne grace. Nous vismes les grands bassins, et les vases d'argent que le Roy faict faire, tous d'ornements differents; il y en aura vingtquatre. Nous vismes les tableaux admirables de l'histoire d'Alexandre et des principales actions du Roy, dont le Roy faict faire de belles tapisseries, enfin, tous les ouvrages qui sont soubs la conduite de Mr Le Brun.» D'Ormesson écrivait ces lignes le 30 novembre 1665. Quelques jours auparavant, Louis XIV avait visité les Gobelins, qui étaient alors dans toute leur splendeur 3.

Anciennes Lois françaises, tome XVIII, p. 191.

2 Journal d'Oliv. d'Ormesson, 2me partie, fo 120 recto.
3 Loret, Muze historique, lettre du 22 novembre 1665 -

Le Roy, qu'un chagrin accompagne

Pour les langueurs de sa compagne,

Luy voyant quelque amendement,
Alla, par divertissement,

Voir les superbes broderies,

Peintures et tapisseries,

Que l'on fait pour Sa Majesté,

En certain logis écarté,

Clair, plaizant, et point du tout sombre,

Où des ouvriers, en grand nombre,

Travaillent l'hyver et l'été

Avec grande assiduité,

Et dont ce rare personnage,
Monsieur LE BRUN est directeur
Et le suprême ordonnateur,
Étant, pour de pareils ouvrages,
Un de nos plus grands personnages,
Et qui, de l'esprit et des mains,
Fait de plus transcendants dessins.

Les anciennes manufactures furent encouragées et perfectionnées; on en fonda de nouvelles. Glaces de Venise, points d'Angleterre, bas au métier, draps fins de Louviers, de Sédan, d'Abbeville; draps communs d'Elbeuf, feutres de Caudebec, soieries de Tours et de Lyon, tapisseries de la Savonnerie, de Beauvais, d'Aubusson; perfectionnement de l'horlogerie, culture de la garance, produits variés du fer, de l'acier, du cuir, des terres argileuses, toutes les branches d'industrie reçurent de Colbert une féconde impulsion'. Il maintint à la vérité le système des corporations, avec son monopole, ses jurandes, ses entraves de toute nature2, et multiplia les mesures prohibitives, qu'on regardait alors comme indispensables à la prospérité du commerce national. On le lui a sévèrement reproché3. Mais comment faire un crime à Colbert de vues étroites peutêtre, mais universellement adoptées à cette époque? D'ailleurs, n'est-il pas injuste d'attribuer au système prohibitif la décadence des établissements industriels, qui s'explique tout naturellement par la prépondérance de Louvois, par les dépenses excessives de la guerre et l'accroissement des impôts? Un étranger illustre s'est chargé de répondre à ces critiques. A une époque où la France avait déjà soutenu les deux guerres de Flandre et de Hollande, en 1678, Sir William Temple rendait un hommage écla

Les Anciennes Lois françaises, tomes XVIII et XIX (1661 à 1686), sont remplies d'ordonnances relatives au commerce et à l'industrie; voyez, entre autres, tome XVIII, p. 39, 63, 88, 157, 199, etc.

2 Hist. de Colbert, par M. P. Clément, p. 222 et suiv. — Anciennes Lois françaises, tome XVIII, p. 88, 436, 441, etc.

3 Hist. de Colbert, par M. P. Clément, p. 229 et suiv.

Voyez le passage des Mémoires de Sir Will. Temple cité à la fin du chapitre précédent.

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