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dans le port de Brest! Colbert, le véritable créateur de cette puissance maritime, laissa, à sa mort, 276 vaisseaux de tout rang'. Seignelay continua l'œuvre de son père. A sa mort, en novembre 1690, la France avait 763 bâtiments de guerre, de toute grandeur, en mer ou sur les chantiers 2.

P. Clément, Hist. de Colbert, p. 379.

2 Voyez à la Bibliothèque publique de Rouen, f. Le Ber, no 5786, un mscr. provenant du cabinet de Louis XIV et donnant un tableau complet des forces maritimes de la France, en janvier 1691. Ce manuscrit, chef-d'œuvre de calligraphie, est orné de dessins originaux de Martin, élève de Vander-Meulen. On y trouve le nom de tous les bâtiments de la marine militaire de cette époque.

RÉFORME DES LOIS.

Importance des réformes législatives de Louis XIV. — Projets du premier président de Lamoignon pour la réforme des lois. — Mémoire remis au Roi par Colbert (mai 1665). -Commission nommée par Louis XIV pour la réformation des lois (septembre 1665).Réduction du prix des offices de judicature ( décembre 1665). — Travaux de la Commission chargée de la réformation de la justice (1665-1667 ). — Conférences des commissaires avec les députés du Parlement ( janvier-mars 1667).— Enregistrement de l'Ordonnance civile ou Code Louis (20 avril 1667); caractère de cette ordonnance. — Opposition au nouveau Code: erreur de Lemontey. - Difficultés d'exécution des nouvelles lois ( 1607– 1670); interdiction de plusieurs magistrats (1670). — Ordonnance sur les évocations et le droit de committimus (1669). — Édit sur les eaux-et-forêts (1669). - Ordonnance criminelle (1670). — Code de commerce (1673 ). — · Création de nouveaux Parlements à Douai et à Besançon ; établissement de bureaux d'hypothèques, etc.— Code noir ( 1685 ).

La réforme des lois a été un des actes les plus glorieux et les plus utiles de l'administration de Louis XIV. Une série d'ordonnances, qui sont de véritables codes, améliorèrent la procédure civile et criminelle, et coordonnèrent les lois relatives aux eaux-et-forêts, au commerce et aux colonies. C'est le plus grand monument législatif entre le Droit romain et le Code Napoléon, et, cependant, les historiens ont à peine consacré quelques lignes à ces ré

formes'. Les Mémoires ne s'en occupent pas davantage ; on est réduit à chercher des renseignements dans une lettre de l'avocat Auzanet, publiée en tête du Recueil des arrêtés du premier président de Lamoignon, et dans un Mémoire où Colbert propose au Roi les réformes législatives. Le Journal d'Olivier d'Ormesson donne des détails précis sur cette partie de l'administration de Louis XIV. Il indique avec exactitude le jour où se réunit le premier Conseil pour la réformation de la justice, et le rôle personnel de Louis XIV dans cette assemblée : « Le dimanche, 34 may, Mr Boucherat me dict qu'il avoit esté, le jour precedent, à Saint-Germain, où tous Messieurs du Conseil avoient esté mandés; qu'à onze heures ils avoient esté chés le Roy, qui leur avoit dict que, depuis qu'il avoit pris le soin des affaires de son Estat, il avoit commencé par la reformation des finances et qu'il croioit y avoir reussi ; qu'il vouloit à present travailler à la reformation de la justice, et, comme il connoissoit tous ceux qui estoient dans son Conseil pour fort habiles et qui avoient esté dans tous les employs, il les avoit mandés pour leur dire qu'il souhaitoit que chacun d'eux, en particulier, fict des Memoires sur les choses qu'il croiroit estre à reformer, et que, dans trois semaines, ils eussent tous à revenir et d'apporter chacun en particulier ses Memoires, afin qu'il examinast et vit ce qui seroit à faire; qu'aussy tost il s'étoit retiré; que

Ce reproche ne peut s'appliquer à l'Histoire de France de M. H. Martin; il a exposé, dans le tome XIV, les réformes législatives de Louis XIV. M. P. Clément parle aussi des nouvelles lois dans son Histoire de Colbert. L'un et l'autre sont tombés dans quelques erreurs, qu'on ne peut attribuer qu'au manque de documents, et que le Journal d'Oliv, d'Ormesson permet de rectifier.

2 Ce Mémoire a été publié dans la Revue Rétrospective, tome IV, 2e série, p. 247 et suiv.

PROJETS DU PREMIER PRÉSIDENT DE LAMOIGNON.

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Mr le Chancelier estoit present et Mr Colbert, et qu'ils n'avoient rien dict1. »

De qui venaient ces pensées de réformes législatives? Beaucoup d'écrivains, et même de nos jours2, en ont fait honneur au premier président Guillaume de Lamoignon. En effet, cet excellent magistrat, frappé des inconvénients de la diversité des juridictions, aurait voulu établir une certaine uniformité entre les arrêts des Parlements. Il ne croyait pas à la possibilité d'une réforme complète et de la substitution d'une loi unique aux nombreuses Coutumes qui régissaient la France3. Ses désirs se bornaient à faire disparaître quelques abus. Il réunit dans son hôtel douze avocats, parmi lesquels se trouvait Auzanet; deux conseillers de la Grand'Chambre du Parlement et deux des Enquêtes. Cette Commission délibéra pendant quelque temps sur les articles qui lui furent soumis. Mais l'esprit de routine des jurisconsultes, leurs intérêts de corps, les discussions puériles qui faisaient perdre de vue les difficultés sérieuses et les réformes importantes, tout contribua à frapper de stérilité ces tentatives des parlementaires. «< Les choses s'y passèrent avec si peu de satisfaction, dit l'avo

1 Journal d'Oliv. d'Ormesson, 2e partie, fo 106 recto et verso. - Hénault, Abrégé chronologique, année 1667, indique la date du 28 octobre 1666 comme celle de la première réunion; mais l'autorité de d'Ormesson est supérieure, et s'appuie sur des témoignages irrécusables. La date du 10 octobre 1665, donnée par M. Henri Martin (Histoire de France, tome XIV, p. 604), se fonde sur le Mémoire de Colbert, imprimé dans la Revue Rétrospective, tome IV, 2me série, p. 247 et suiv.; mais ce passage du Mémoire est relatif à une des séances ultérieures de la Commission nommée par Louis XIV.

2 Histoire de Colbert, par M. P. Clément, p. 241-242. M. P. Clément s'appuie exclusivement sur le biographe ou plutôt le panégyriste du premier président de Lamoignon.

3 Lettre de l'avocat Auzanet, datée du 1er décembre 1669: elle est annexée au Recueil des arrêtés du premier président de Lamoignon.

cat Auzanet, que Monsieur le Premier Président jugea dès-lors qu'il n'arriveroit jamais où il prétendoit par cette voye, et rompit le cours de ces assemblées. »

La pensée d'une réforme remontait beaucoup plus haut. Sans parler de Charlemagne, qui s'efforça de relever les institutions romaines, Louis XI avait eu le projet d'établir l'unité de lois, de poids et de mesures1. Les grands jurisconsultes du XVI siècle, et principalement Du Moulin, exprimèrent le même désir. Antoine Loysel, dans sa préface des Institutes coutumières, insiste sur l'importance d'une pareille réforme. Le génie à la fois universel et pratique de Colbert s'empara de cette question, et, dans un Mémoire remis au Roi dès le 45 mai 16652, il expose ses plans. Toutes les idées y sont adroitement présentées comme venant de Louis XIV. C'était un moyen de flatter la vanité du Roi et d'entraîner son adhésion. Colbert insiste sur la gloire d'une réforme complète, qui établirait dans toute la France une même loi, un même poids et une même mesure. « Ce seroit assurément, dit-il à Louis XIV3, un dessein digne de la grandeur de V. M., digne de son esprit et de son âge, et qui lui attireroit un abîme de bénédictions et de gloire. » Il revient ailleurs', dans un style moins étrange, sur la nécessité « de rendre ce corps d'Ordonnances aussi complet que celui de Justinien pour le droit romain.» Suppression de la vénalité des charges, réorga– nisation des Parlements, des Chambres des Comptes et des Cours des Aides, du Grand-Conseil et de la Cour des Mon

Comines, livre VI, chap. 5, tome 11, p. 209, édit. de Mlle Dupont.

2 Revue Rétrospective, tome IV, p. 251 et suiv,

3 Ibid., p. 249.

4 Ibid., p. 258.

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