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ples des siècles passés les expériences qu'ils font tous les jours. Au lieu qu'ordinairement ils n'apprennent qu'aux dépens de leurs sujets et de leur propre gloire à juger des affaires dangereuses qui leur arrivent : par le secours de l'histoire, ils forment leur jugement, sans rien hasarder, sur les événements passés.

BOSSUET, Discours sur l'histoire universelle,

Avant-propos.

Historiam, humanæ vitæ magistram ac civili s prudentiæ ducem, summa diligentia tradidimus 1.

BOSSUET, De Institutione Delphini.

2o L'histoire ne doit pas être une simple curiosité. Tout ce qui ne présente pas une utilité politique, morale ou religieuse est inutile et doit être rejeté.

Sic autem egimus, ut cum principis judicio nostra quoque historia cresceret... non tamen minuta quæque et curiosa sectati, sed mores gentis bonos pravosque, majo. rum instituta, legesque præcipuas; rerum conversiones, earumque causas; arcana consiliorum, inopinatos eventus, quibus animus assuefaciendus esset, atque ad omnia componendus; regum errata ac secutas calamitates; ipsorum jam inde a Clodoveo per tanta spatia temporum inconcussam fidem, atque in tuenda catholica religione constantiam.

BOSSUET, De Institutione Delphini.

Ce désir d'expérimenter et de connaître s'appelle la concupiscence des yeux, parce que de tous les organes des sens les yeux sont ceux qui étendent le plus nos connaissances...

1. « L'histoire, qui est l'éducatrice de la vie humaine et le guide de la sagesse politique, nous la lui avons enseignée avec le plus grand soin. »>

Cette curiosité s'étend aux siècles passés les plus éloignés et c'est de là que nous vient cette insatiable avidité de savoir l'histoire. On se transporte en esprit dans les cours des anciens rois, dans les secrets des anciens peuples. On s'imagine entrer dans les déliberations du sénat romain, dans les conseils ambitieux d'un Alexandre ou d'un César, dans les jalousies politiques et raffinées d'un Tibère. Si c'est pour en tirer quelque exemple utile à la vie humaine, à la bonne heure; il le faut souffrir et même louer, pourvu qu'on apporte à cette recherche une certaine sobriété; mais si c'est, comme on le remarque dans la plupart des curieux, pour se repaître l'imagination de ces vains objets, qu'y a-t-il de plus inutile que de se tant arrêter à ce qui n'est plus, que de rechercher toutes les folies qui ont passé dans la tête d'un mortel... tout cet attirail de la vanité, qui de ·lui-même s'est replongé dans le néant d'où il était sorti? BOSSUET, Traité de la concupiscence, VIII.

3° Cependant lorsque les faits présentent un intérêt moral ou religieux, on ne saurait prendre trop de soin de les bien établir et de faire éclater la vérité.

Pour ce qui regarde les actes publics des protestants, outre leurs confessions de foi et leurs catéchismes, qui sont entre les mains de tout le monde, j'en ai trouvé quelques-uns dans le recueil de Genève ; d'autres dans le livre appelé Concorde, imprimé par les Luthériens en 1654; d'autres dans le résultat des synodes nationaux de nos prétendus réformés, que j'ai vus en forme authentique dans la bibliothèque du roi... En un mot je ne dirai rien qui ne soit authentique et incontestable... Je maintiens aux protestants qu'ils ne peuvent me refuser leur croyance, et qu'ils ne liront jamais nulle histoire, quelle qu'elle soit, plus indubitable que celle-ci, puisque dans

ce que j'ai à dire contre leurs églises et leurs auteurs, je n'en raconterai rien qui ne soit prouvé clairement par leurs propres témoignages.

BOSSUET, Histoire des variations, préface.

Outre que... dans un sujet de cette importance et de cette délicatesse presque tout, jusqu'aux moindres mots, est essentiel, il a fallu considérer, non ce que les choses sont elles-mêmes, mais ce qu'elles ont été, ou sont encore dans l'esprit de ceux à qui j'ai affaire; et après tout on verra bien que cette histoire est d'un genre tout particulier; qu'elle a dû paraître avec toutes les preuves, et munie1, pour ainsi dire, de tous côtés.

BOSSUET, Histoire des variations, préface.

4° L'historien n'a pas besoin d'être impartial et indifférent, puisqu'il écrit pour démontrer; il suffit qu'il soit véridique.

on

Au reste, pour le fond des choses, ou sait bien de quel avis je suis car assurément je suis catholique aussi soumis qu'aucun autre aux décisions de l'Eglise... Après cela, d'aller faire le neutre et l'indifférent à cause que j'écris une histoire, ou de dissimuler ce que je suis quand tout le monde le sait, et que j'en fais gloire, ce serait faire au lecteur une illusion trop grossière.

BOSSUET, Histoire des variations, préface.

1. Munitus, fortifié.

CHAPITRE VIII

L'ÉPOPÉE

I.

II.

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Définition de l'épopée : une « longue action » dont le merveilleux est l'âme. Il n'y a pas d'épopée sans merveilleux. (p. 228.)

- Le merveilleux consiste dans « l'invention » de divinités ou de personnages surnaturels qui représentent des sentiments, des idées, des vertus, des vices. Le merveilleux païen n'avait aux yeux des païens qu'une valeur allégorique; les modernes emploieront le merveilleux de la même manière. (p. 230.)

III.

Le sujet de l'épopée peut être :

A) Emprunté à l'antiquité (Boileau). (p. 233.)

B) Emprunté à l'histoire, pourvu que le poète y jette le merveilleux et ne s'asservisse pas à suivre la vérité des faits (Chapelain, Scudéry, Desmarets). (p. 233.) IV. Les règles du poème épique. (p. 235.)

V.

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A) L'unité d'action.

B) L'unité de temps (une année).

C) Le style héroïque.

· La question du merveilleux païen et du merveilleux chrétien. Boileau blâme l'usage du merveilleux païen dans les sujets chrétiens. (p. 236.)

A) Boileau se prononce pour le merveilleux païen :
1o Parce qu'il offre plus « d'agrément » ;

2o Parce que c'est profaner la « vérité » de la religion chrétienne que la mêler à des « fictions ». B) Scudéry, Desmarets, Ch. Perrault défendent le merveilleux chrétien comme étant aussi poétique et plus vrai.

TEXTES CITÉS

LE P. LE MOYNE : Saint-Louis (Traité du poème héroïque). 1653.

:

SCUDERY Alaric, préface, 1654.

CHAPELAIN: La Pucelle, préface, 1656.

Opinion sur le poème d'« Adonis ». (L'Adone
del cav. Marino, Paris, 1623.)

DESMARETS DE SAINT SORLIN: Clovis, avis, 1657.
Esther, épitre au roi, 1670.

La Défense du poème héroïque, 1675.

BOILEAU: Art poétique, ch. III, 1674.

LE P. LE BOSSU: Traité du poème épique, 1675.

CH. PERRAULT : Saint-Paulin, épître dédicatoire à Bossuet,

1.

1686.

Parallèles des anciens et des modernes, 1688-1698.

Définition de l'épopée : une ་ longue action » dont le merveilleux est l'âme. Il n'y a pas d'épopée sans merveilleux.

D'un air plus grand encor la poésie épique,
Dans le vaste récit d'une longue action.

Se soutient par la fable et vit de fiction.

BOILEAU, Art poétique, ch. III.

Qu'Enée et ses vaisseaux, par le vent écartés,
Soient aux bords africains d'un orage emportés ;
Ce n'est qu'une aventure ordinaire et commune,
Qu'un coup peu surprenant des traits de la fortune :

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