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d'honnête famille; que ce sont eux qui l'y ont dérobée à l'âge de quatre ans : et voici un bracelet qu'ils m'ont donné, qui pourra nous aider à trouver ses parents.

ARGANTE.

Hélas! à voir ce bracelet, c'est ma fille que je perdis à l'âge que vous dites.

Votre fille?

GÉRONTE.

ARGANTE.

Oui, ce l'est; et j'y vois tous les traits qui m'en peuvent rendre assuré. Ma chere fille!...

HYACINTE.

O ciel! que d'aventures extraordinaires!

SCÈNE XIII. ARGANTE, GÉRONTÉ, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTE, ZERBINETTE, NÉRINE, SYLVESTRE, CARLE.

CARLE.

Ah! messieurs, il vient d'arriver un accident étrange. GÉRONTE.

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Hélas! monsieur, vous ne serez pas en peine de cela. En passant contre un bâtiment, il lui est tombé sur la tête un marteau de tailleur de pierre, qui lui a brisé l'os et découvert toute la cervelle. Il se meurt, et il a prié qu'on l'apportât ici, pour vous pouvoir parler avant que de mourir.

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SCÈNE XIV.

ARGANTE, GÉRONTE, LÉANDRE, OCTAVE, HYACINTE, ZERBINETTE, NÉRINE, SCAPIN, SYLVESTRE, CARLE.

SCAPIN, apporté par deux hommes, et la tête entourée de linges', comme s'il avoit été blessé.

Ahi, ahi. Messieurs, vous me voyez... ahi, vous me voyez

dans un étrange état. Ahi. Je n'ai pas voulu mourir sans venir demander pardon à toutes les personnes que je puis avoir offensées. Ahi. Oui, messieurs, avant que de rendre le dernier soupir, je vous conjure de tout mon cœur de vouloir me pardonner tout ce que je puis avoir fait, et principalement le seigneur Argante et le seigneur Géronte. Ahi.

ARGANTE.

Pour moi, je te pardonne; va, meurs en repos.

SCAPIN, à Géronte.

C'est vous, monsieur, que j'ai le plus offensé par les coups de bâton que.....

GÉRONTE.

Ne parle point davantage, je te pardonne aussi.

SCAPIN.

Ç'a été une témérité bien grande à moi, que les coups de bâton que je...

Laissons cela.

GÉRONTE.

SCAPIN.

J'ai, en mourant, une douleur inconcevable des coups de bâton que...

Mon Dieu! tais-toi.

GÉRONTE.

SCAPIN.

Les malheureux coups de bâton que je vous...

GÉRONTE.

Tais-toi, te dis-je; j'oublie tout.

SCAPIN.

Hélas! quelle bonté ! Mais est-ce de bon cœur, monsieur, que vous me pardonnez ces coups de bâton que...

GÉRONTE.

Hé! oui. Ne parlons plus de rien; je te pardonne tout : voilà qui est fait.

SCAPIN.

Ah! monsieur, je me sens tout soulagé depuis cette parole.

GÉRONTE.

Oui; mais je te pardonne à la charge que tu mourras.

Comment! monsieur?

SCAPIN.

GÉRONTE.

Je me dédis de ma parole, si tu réchappes.

SCAPIN.

Ahi, ahi. Voilà mes foiblesses qui me reprennent.

ARGANTE.

Seigneur Géronte, en faveur de notre joie, il faut lui pardonner sans condition.

Soit.

GÉRONTE.

ARGANTE.

Allons souper ensemble, pour mieux goûter notre plaisir.

SCAPIN.

Et moi, qu'on me porte au bout de la table, en attendant que je meure.

FIN LES FOURBERIES DE SCAPIN.

LA

COMTESSE D'ESCARBAGNAS.

COMÉDIE.

1671.

NOTICE.

Voici ce qu'on lit à propos de cette pièce dans l'avertissement de l'édition de 1739:

« Le roi s'étant proposé de donner un divertissement à Madame, à son arrivée à la cour, choisit les plus beaux endroits des ballets qui avoient été représentés devant lui depuis quel ques années, et ordonna à Molière de composer une comédie qui enchaînât tous ces morceaux différents de musique et de danse. Molière composa pour cette fête la Comtesse d'Escarbagnas, comédie en prose, et une pastorale. Ce divertissement parut à Saint-Germain-en-Laye, au mois de décembre 1671, sous le titre de Ballet des Ballets. Ces deux pièces composoient sept actes, qui étoient précédés d'un prologue, et qui étoient suivis chacun d'un intermède. La Comtesse d'Escarbagnas ne parut sur le théâtre du Palais-Royal qu'en un acte, au mois de juillet 1672, telle qu'on la joue encore aujourd'hui, et telle qu'elle est imprimée : il y a apparence qu'elle a été divisée d'abord en plusieurs actes. >>

La pastorale, dont il ne reste rien, précédait sans doute la vingt et unième scène; car c'est là que tout le monde est assemblé pour voir le divertissement que la comtesse doit recevoir du vicomte.

Voltaire, en parlant de la Comtesse d'Escarbagnas, dit que c'est une farce, mais une farce toute remplie de caractères parfaitement étudiés et qui offre la peinture naïve des ridicules de la province. « Les longues excursions de Molière dans différentes provinces, dit M. Taschereau, avaient fourni à son esprit contemplateur de favorables occasions d'y étudier et d'y saisir mille ridicules divers. Alors plus qu'aujourd'hui, les habitudes des provinciaux contrastaient avec celles des habitants de la

capitale. Des relations plus rares avec Paris, une ignorance complète du luxe et de ses prestiges brillants, peu d'amour des plaisirs, donnaient à la province une grande supériorité sur la métropole sous le rapport des mœurs, mais l'empêchaient absolument de s'initier à ce savoir-vivre aimable que les grandes villes acquièrent presque toujours aux dépens de leur moralité, et de se dépouiller de cette simplicité grossière, source féconde de vertus comme de ridicules. Cependant notre premier comique, se contentant d'esquisser plus d'un de ces travers dans quelques cadres qu'ils ne remplissaient pas seuls, comme dans Georges Dandin, n'y consacra entièrement que la Comtesse dEscarbagnas.»

Le rôle de M. Harpin, dans lequel l'insolence, la galanterie grossière des traitants sont pour la première fois mis en scène, semble avoir inspiré à Lesage l'idée de Turcaret.

PERSONNAGES.

LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS '.

LE COMTE, fils de la comtesse d'Escarbagnas".

LE VICOMTE, amant de Julie'.

JULIE, amante du vicomte ".

MONSIEUR TIBAUDIER, conseiller, amant de la comtesse'.

MONSIEUR HARPIN, receveur des tailles, autre amant de la comtesse 3.

MONSIEUR BOBINET, précepteur de M. le comte".

ANDRÉE, suivante de la comtesse".

JEANNOT, laquais de M. Tibaudier.

CRIQUET, laquais de la comtesse 10.

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Oui. Vous en devriez rougir, Cléante; et il n'est guère honnête à un amant de venir le dernier au rendez-vous.

Acteurs de la troupe de Molière : Mademoiselle MAROTTE. - ' GODON *. LA GRANGE.-Mademoiselle BEAUVAL. HUBERT. DU CROISY.BEAUVAL. - Mademoiselle BONNEAU. BOULONNOIS. -10 FINET.

Il est probable que ce jeune acteur n'a jamais rempli d'autre rôle que ce lui-ci. (Voyez les Recherches sur les Theatres de France, tome III, page 367.)

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