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ment entré Picrochole, sans cause ny occassion, et de jour en jour poursuit sa furieuse entreprise, avecques excez non tolerables à personnes liberes.1

Je me suis en debvoir mis pour moderer sa cholere tyrannicque, lui offrant tout ce que je pensois luy povoir estre en contentement: et par plusieurs fois ay envoyé amiablement devers luy, pour entendre, en quoy, par qui, et comment il se sentoit oultraigé: mais de luy n'ay eu response que de voluntaire deffiance, et qu'en mes terres pretendoit seulement droict de bienseance. Dont j'ay congneu que Dieu eternel l'ha laissé au gouvernail de son franc arbitre et propre sens, qui ne peult estre que meschant, si par grace divine n'est continuellement guidé: et pour le contenir en office, et reduire à congnoissance me l'ha ici envoyé à molestes enseignes. Partant, mon fils bien-aimé, le plus tost que faire pourras, ces lettres veuës, retourne à diligence secourir, non tant moy (ce que toutes fois par pitié naturellement tu doibs) que les tiens, lesquels par raison tu peulx saulver et garder. L'exploict sera faict à moindre effussion de sang qu'il sera possible. Et si possible est, par engins plus expediens, cauteles et ruses de guerre, nous saulverons toutes les ames, et les envoierons joyeux à leurs domiciles. Tres_chier fils, la paix de Christ, nostre redempteur soit avecques toy. Salue Ponocrates, Gymnaste et Eudemon de par moy.

Du vingtiesme de Septembre. Ton père Grandgousier.

Yet, while he is making ready for war, Grandgousier makes one last effort to recall Picrochole to more peaceful counsels; here Rabelais has reproduced as a parody the well-known scene between Cineas and Pyrrhus. A courtier explains to the king how easily he could conquer and plunder the whole world, while an old and experienced soldier endeavours unsuccessfully to get them both to listen to reason.

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Alors comparurent devant Picrochole, le Duc de Menüail et Comte Spadassin, et luy dirent, Cyre, aujourd'huy nous vous rendons le plus heureux, plus chevalereux Prince qui oncques feut depuis la mort d'Alexandre Macedo. Couvrez, couvrez-vous dist Picrochole. Grand merci (dirent-ils) Cyre, nous sommes à nostre devoir. Le moyen est tel. Vous laisserez icy quelcque Capitaine en garnison avecq petite bande de gents, pour garder la place, laquelle nous semble assez forte tant par nature, que par les remparts faicts à vostre invention. Vostre armée partirez en deux, comme tropmieulx l'entendez. L'une partie ira rüer sus ce Grandgousier, et ses gents. Par icelle sera de prime abordée facillement des confict. Là recouvrez argent à tas. Car le villain en ha du content. Villain, disons-nous, Par ce qu'un noble Prince n'ha jamais un soul. Thesaurizer est faict de villain.

L'aultre partie cependant tirera vers Onis, Sainctonge, Angomois, et Gascogne: ensemble Perigort, Medoc et Elanes. Sans résistance prendront villes, chasteaulx, et forteresses. A Bayonne, à Saint-Jean de Lus, et Fontarabie saisirez toutes les naufs, et costoyant vers Galice, et Portugal, pillerez tous lieux maritimes, jusques à Vlisbonne, où aurez renfort de tout equippaige requis à un conquerant. Par le corbieu Hespaigne se rendra, car ce ne sont que Madourrez. Vous passerez par l'estroict de Sybille, et là érigerez deux colomnes plus magnifiques

1 Well-born.

2 Means.

3 Precautions.

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Sire. Rabelais derived this word from xúque, hence the spelling.
Les Landes, the seaboard of Gascony.

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Nefs, ships.

7

Clumsy fellows.

Séville, i. e. the straits of Gibraltar.

que celles d'Hercules, à perpetuelle memoire de vostre nom. nommé cestuy endroict, la mer Picrocholine.

Et sera

Passée la mer Picrocholine, voicy Barberousse qui se rend vostre esclave. Voire (dirent-ils) pourveu qu'il se face baptiser. Et oppugnerez les Royaulmes de Tunis, de Hippes, Argiere, Bone, Carone,' hardiment toute Barbarie. Passant oultre retiendrez en vostre main Majorque, Minorque, Sardaine, Corsicque, et aultres Isles de la Mer Ligusticque et Baleare. Coustoyant à gausche, dominerez toute la Gaule Narbonique, Provence et Allobroges, Genes, Florence, Lucques, et à Dieu seas2 Rome. Le paovre Monsieur du pape meurt desja de paour. Par ma foi, dit Picrochole, je ne luy baiseray ja sa pantoufle. Prinse Italie, voila Naples, Calabre, Apoulle, et Sicile toutes à sac et Malthe avecq. Je vouldrois bien que les plaisants Chevaliers jadis Rhodiens vous геsistassent. Je irois (dist Picrochole) voluntiers à Lorette. Rien, rien, dirent-ils ce sera au retour. De là prendrons Candie, Cypre, Rhodes, et les Isles Cyclades, et donnerons sus la Morée. Nous la tenons. Sainct Treignan, Dieu gard Hierusalem, car le Souldan n'est pas comparable à vostre puissance. Je (dist-il) feray doncques bastir le temple de Salomon. Non (dirent-ils), encores; attendez ung peu. Ne soyez jamais tant soubdain à vos entreprinses.

Sçavez-vous que disoit Octavian Auguste? Festina lentè. Il vous convient premierement avoir l'Asie minor, Carie, Lycie, Pamphile, Cilicie, Lydie, Phrygie, Mysie, Betune, Charazie, Satalie, Samagerie, Castamena, Luga, Savasta, jusques à Euphrates. Voirrons-nous, dist Picrochole, Babylone, et le mont Sinaï? Il n'est dirent-ils, ja besoing pour ceste heure. N'est-ce pas assez tracassé, de avoir transfreté la mer Hircane, chevaulché les deux Armenies, et les trois Arabies? Par ma foy, dist-il, nous sommes affollez.* Ha paovres gents. (Quoy? dirent-ils.) Que boirons-nous par ces deserts? Car Julian Auguste et tout son ost y moururent de soif comme l'on dict. Nous (dirent-ils) avons ja donné ordre à tout. Par la mer Syriace vous avez neuf mille quatorze grandes naufs chargées des meilleurs vins du monde: elles arrivarent à Yaphes." Là se sont trouvez vingt et deux cents mille chalmeaux, et seize cents elephants, lesquels avez prins à une chasse environ Sigeilmes, lors qu'entrastes en Libye: et d'abondant eutes toute la Caravane de la Mecha. Ne vous fourniront-ils de vin à suffisance? Voire: mais, dist-il, nous ne busmes poinct frais. Par la vertus, dirent-ils, non pas d'ung petit poisson, ung preux, ung conquerant, ung pretendant, et aspirant à l'empire univers, ne peult tousjours avoir ses aises. Dieu soit loüé qu'estes venu vous et vos gents saufs et entiers jusques au fleuve du Tigre.

Mais, dist-il, que faict cependant la part de nostre armée qui desconfit ce villain humeux Grandgousier? ils ne chomment pas (dirent-ils) nous les rencontrerons tantost. Ils vous ont prins Bretaigne, Normandie, Flandres, Haynault, Brabant, Artoys, Hollande, Selande: ils ont passé le Rhein par sus le ventre des Suices et Lansquenets, et part d'entre eulx ont dompté Luxembourg, la Lorraine, la Champaigne, Savaze jusques à Lyon: auquel lieu ont trouvé vos garnisons retournans des conquestes navales de la mer Mediterranée. Et se sont reassemblez en Boheme, après avoir mis à sac Souëve, Wirtemberg, Baviers, Austriche, Moravie, et Stirie. Puis ont donné fierement ensemble sus Lubeck, Norwege, Sweden, Rich," Dace, Gothie, Engroeneland, les Estrelins," 3 An oath: by St.-T. & Mecca.

1 Cyrene.
We are done for.

7 Riga or Rügen.

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Soyez-vous.

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Joppe.
8 Denmark.

The Easterlings (whence the word sterling), i. e. the inhabitants

of the Hanse towns.

jusques à la Mer Glaciale. Ce faict conquestarent les Isles Orchades, et subjuguarent Escosse, Angleterre et Irlande. De là navigans par la mer fabuleuse et par les Sarmates ont vaincu et dompté Prussie, Polonie, Lituanie, Reussie, Valachie, la Transsilvane, Hongrie, Bulgarie, Turquie et sont à Constantinoble. Allons nous, dist Picrochole, rendre à eulx le plustost, car je veulx estre aussi Empereur de Trebizonde. Ne tüerons-nous pas tous ces chiens Turcs et Mahumetistes? Que diable, dirent-ils, ferons doncques? Et donnerez leurs biens et terres à ceulx qui vous auront servy honnestement. La raison dist-il) le veult, c'est equité. Je vous donne la Carmaigne, Surie et toute la Palestine. Ha dirent-ils, Cyre, c'est du bien de vous: grand mercy. Dieu vous fasse bien tousjours prosperer. Là present estoit ung vieulx gentilhomme esprouvé en divers hazars, et vray routier de guerre, nommé Echephron, lequel onyant ces propous dist: J'ai grand pour que toute cette entreprinse sera semblable à la farce du pot au laict, duquel ung cordoüannier se faisait riche par resverie; puis le pot cassé, n'eut de quoy disner. Que pretendez-vous par ces belles conquestes? Quelle sera la fin de tant de travaulx et traverses? Sera,_dist Picrochole. que nous retournez, reposerons à nos aises: dont dist Echephron, et si par cas jamais n'en retournez? Car le voyaige est long et perilleux. N'est-ce mieulx que des maintenans nous reposons, sans nous mettre en ces hazards? O! dist Spadassin, par Dieu voicy ung bon res veux; mais allons nous cacher au coing de la cheminée: et là passons avecque les dames nostre vie et nostre temps, à enfiler des perles, ou à filer comme Sardanapalus. Qui ne s'adventure, n'ha cheval, ny mule, ce dist Salomon. Qui trop (dist Echephron) s'adventure, perd cheval et mule, respondit Malcon. Baste, dist Picrochole, passons oultre. Je ne crains que ces diables de legions de Grandgousier: ce pendant que nous sommes en Mesopotamie, s'ils nous donnoient sus la queue, quel remede? Tresbon, dist Spadassin, une belle petite commission, laquelle vous envoyerez aur Moscovites, vous mettra en camp2 pour ung moment quatre cents cinquante mille combattans d'eslite. O si vous m'y faictes vostre lieutenant, je tueroye ung pygne pour ung mercier. Je mors, je rüe, je frappe, j'attrappe, je tüe, je renie. Sus, sus, dist Picrochole, qu'on depesche tout, et qui m'ayme si me suive.

Thereupon the war begins, but contrary to expectation Fortune declares against the aggressor, who thought himself so sure of victory. Gargantua, who has hastened back from Paris, performs prodigies of valour; he forms an intimate friendship with brother Jean des Entommeures, a character who represents pure reason under a monastic garb. Side by side the two friends fight and conquer. Picrochole, whose armies are completely defeated everywhere, is expelled from his kingdom and disappears. Old king Grandgousier shows himself as generous a victor as he has been a brave soldier; he only condemns the leaders of the vanquished people to work at the printing presses he has established. As to Gargantua and brother Jean, they realize their plans of monastic reform by building and endowing the abbey of Thélème, a sort of earthly paradise, inhabited by men of taste and learning.

The principal characters of the second part of Rabelais' novel are: Pantagruel, the son of Gargantua and Badebec, who is the daughter of the king of the Amaurotes in Utopia, and Panurge, the

'Cordonnier, cobbler; cf. cordwainer. 2 en campagne.

type of the witty, learned, and cynical vagabond, in fact a sort of 16th century Figaro. It is at Paris that Pantagruel meets with this original character. When he is asked, who he is and whence he comes, Panurge answers first in German, then in Arabic, Italian, English, Basque, Dutch, Spanish, Danish, Hebrew, Greek, Low-Breton and Latin. At last Pantagruel losing his patience says: Dea, mon amy, ne sçavez vous parler Françoys? - Si fait, tres bien, Seigneur, respondit le compagnon, Dieu mercy, c'est ma langue naturelle et maternelle.

Rabelais' book has always baffled the commentators of all ages when they endeavoured to puzzle out its historical meaning. Some take Grandgousier, Gargantua and Pantagruel to be the three kings of France, Louis XII, François I and Henri II; others interpret them as Jean d'Albret, Henri d'Albret and Antoine de Bourbon. Picrochole has been variously explained to be Ferdinand of Aragon, Charles V and Maximilian Sforza. Panurge is either the cardinal of Lorraine or Jean de Montluc, bishop of Valence. Other critics see in Rabelais' characters only types created by his own fancy; they say that it is true he borrowed many traits from illustrious men of the time, though he had no intention of alluding to any one individually. However, we cannot but acknowledge that the history of Gargantua contains numerous allusions to Francis I and his court.

The place Rabelais occupies in French literature is one of considerable importance. He was the first writer who observed invariable rules in prose-composition, who settled the general principles of French syntax, while he retained its many idioms. A great many of his expressions have made good their footing in the language, but his example failed to naturalize a number of Latin and Greek constructions which he endeavoured to import into it, though he was constantly jeering at the pedantic language of the savants.

THE QUEEN OF NAVARRE.

Marguerite de Valois, QUEEN OF NAVARRE (1492-1549), whom we have already mentioned above, is the authoress of a volume of nouvelles or tales, called the Heptaméron. Both the name and the general idea of the work are clearly borrowed from Boccacio's Decameron. Some noble lords and ladies, who have gone to the Pyrenees to drink the waters, are stopped on their return by the floods of the Gave béarnais; they take refuge in a neighbouring monastery and wile away the time of their forced imprisonment by a number of tales, each telling one in his turn. The literary importance of the Heptameron is to be measured by the improvement in the language which it marks; its style is easy and fluent and almost on a level with the prose of the 17th century. We have also a number of Letters of Marguerite de Valois, most of them written to her brother Francis I. Their style is not so lively as that of the Tales, but their language is much the same, smooth and rounded, but without vigour or boldness of diction, except in a very few passages. Marguerite possessed all the talents of a gifted and cultivated mind, but genius was wanting to her.

1 V. page 428.

CALVIN.

Calvin's life (1509-1564) belongs rather to political and religious than to literary history. We mention his name here, as being the author of the Institution Chrétienne, a literary work of the highest importance and one which places him on a level with the best French writers of the 16th century. The work was originally composed in Latin and translated into French by the author himself. Calvin's prose marks the same progress in serious, as that of Marguerite de Valois in light literature. L'Institution Chrétienne is the first work in the French tongue which exhibits a settled plan, a well-digested matter, and a style of composition both exact and well-adapted to its object. We reprint the end of the preface.

Vous avez, Sire, la venimeuse iniquité de nos calomniateurs exposée par assez de paroles, afin que vous n'encliniez pas trop l'aureille pour adjouster foy à leurs rapports. Et mesme je doute que je n'aye esté trop long: veu que cette preface a quasi la grandeur d'une defense entiere. Combien que' par icelle je n'aye pretendu composer une defense, mais seulement adoucir vostre cœur pour donner audience à nostre cause. Lequel, combien qu'il soit à present destourné et aliené de nous, j'adjouste même enflambé, toutesfois j'espère que nous pourrons regagner sa grace, s'il vous plaist une fois hors d'indignation et courroux lire ceste nostre confession, laquelle nous voulons estre pour defense envers vostre Majesté. Mais si au contraire les detractions des malveillans empeschent tellement vos aureilles, que les accusez n'ayent aucun lieu de se defendre d'autre part, si ces impetueuses furies, sans que vous y mettiez ordre, exercent tousjours cruauté par prisons, fouet, gehennes,2 coppures, bruslures: nous, certes, comme brebis devouées à la boucherie, serons jettez en toute extremité: tellement neantmoins qu'en nostre patience nous possederons nos âmes et attendrons la main forte du Seigneur: laquelle sans doute se monstrera en sa saison, et apparoistra armee tant pour delivrer les poures de leur affliction, que pour punir les contempteurs qui s'esgayent si hardiment à ceste heure. Le Seigneur, Roy des Roys, veuille establir vostre throne en justice et vostre siege en equité. De Basle le premier jour d'Aoust, mille cinq cent trente cinq.

AMYOT.

JACQUES AMYOT (1513-1593), was born at Melun of a poor family, studied at Paris, and after being ordained was appointed professor of Greek at Bourges. He subsequently became tutor to the children of king Henri II, and when Charles IX (1560-1574) and Henri III (1574-1589) who had been his pupils, came to the throne, they loaded him with favours. He was made grand-almoner to the king, bishop of Auxerre, and was provided with a number of rich livings. and appointments. Amyot has made a name by a number of translations from the Greek; his principal claim to literary celebrity is his translation of the Works of Plutarch, in particular that of the Parallel Lives. This work was quite a literary event. Amyot had acquired so thorough a knowledge, aided and corrected by daily practice, of the analogies of the Classical languages with French, that he was able in his translations to introduce a variety of terms and expressions, which, though novel, were in perfect conformity with the genius of

1

Combien que: and although. 2 V. p. XVIII, n. 3.

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