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GUSTAVE PLANCHE.

SKETCH OF HIS LIFE AND WORKS. 1

GUSTAVE PLANCHE, who was born at Paris in 1808 and died in

1857, was the son of a wealthy chemist. He was educated at the college Bourbon, where he gained numerous prizes, and in spite of his father, who wished him to carry on his business, he devoted himself to literature and art.2 At the age of twenty-two he began to write for the Artiste; next he became a regular contributor to the Revue des Deux Mondes and published in this periodical a number of critical reviews on art, literature and music. In 1838 he went to Italy, where he remained eight years, studying the masterpieces of painting and sculpture and spending the whole of his inheritance. On his return he once more became critic in ordinary to the Revue des Deux Mondes. The articles on contemporary literature and art with which he supplied that periodical and other papers assign him an eminent place among the critics of our day. These fortnightly reviews written in a neat, precise style, more conspicuous for steadiness than brilliancy, have rendered inestimable services to French literature. His independent spirit had made him a great many enemies, but all have acknowledged his eminent talents and honourable character. As a specimen of his manner we select his articles on the historians Thierry and Michelet.

THIERRY.3

Bien que l'ouvrage le plus considérable de M. Augustin Thierry remonte à l'année 1825, cet historien éminent, qui se rattache aur grandes écoles de l'antiquité par l'alliance heureuse de la science et de l'art, a joué dans le mouvement littéraire de notre pays, sous le règne de Louis-Philippe, un rôle que personne ne peut oublier. Ses Lettres sur l'Histoire de France, ses Récits merovingiens, son Essai sur la formation et les développements du Tiers Etat sont des monuments qui n'ont rien à redouter des investigations futures. C'est dans les Lettres sur l'Histoire de France qu'il faut chercher les premiers vagissements de la liberté municipale. Toute la seconde moitié de ce recueil peut être considérée comme un modèle de narration. Il semble que l'illustre écrivain ait pris à tâche de montrer aux poëtes de notre temps que les in-folios de dom Bouquet renferment les maté riaux d'un autre Ivanhoe. Les luttes courageuses de la commune de Laon seront pour les futurs historiens de notre pays un éternel sujet

We have followed Vapereau, Dictionnaire des contemporains.
2 V. p. 380, n. 1.
3 V. p. 534.

Dom Bouquet (1685-1754), a learned Benedictine monk, who wrote the first eight volumes of the extensive work called: Rerum gallcarum et francicarum scriptores.

d'étude et d'émulation. La première moitié de ce livre, consacrée à l'examen critique des historiens de la France, se distingue par une rare sagacité, et je pourrais ajouter par une rare modération, car il faut se contenir pour ne pas éclater de rire ou ne pas s'emporter en voyant les premiers annalistes de notre pays chercher dans Clovis ou dans Charlemagne l'image de François Ier ou de Louis XIV. On a beaucoup reproché à M. Thierry d'avoir substitué aux noms consacrés depuis longtemps pour la première race les appellations germaniques. Pour ma part, je suis très-loin de m'associer à ce reproche; la seule manière de rétablir dans son vrai jour la race mérovingienne était de lui restituer sa physionomie purement germanique, et comme les impressions reçues par les sens jouent un rôle immense dans le développement et dans la durée de nos idées, je ne crois pas que l'auteur des Lettres sur l'Histoire de France pût se dispenser de rendre aux noms de nos premiers rois l'orthographe qui leur appartient. Pourtant j'accorderai volontiers qu'il a quelquefois dépassé le but en proposant à notre curiosité des aspirations qui défient tous les efforts de notre langue. Qu'il ait pour lui l'autorité des frères Grimm, il ne m'appartient pas de le nier; mais je doute qu'une bouche française arrive jamais à prononcer Hlodwig. Pour établir l'origine germanique de la première race, il suffisait peut-être de substituer Ludwig à Louis, Hilpérik à Chilpéric, Siegbert à Siegebert; en un mot, il eût été plus sage de n'offrir aux érudits et aux gens du monde que des noms faciles à prononcer. Toutefois, malgré son exagération, la réforme tentée par M. Augustin Thierry a porté coup, et personne aujourd'hui ne songe plus à confondre la physionomie de la première race avec celle des Valois et des Bourbons, comme l'ont fait tant d'historiens applaudis dans leur temps.

Les Récits des temps mérovingiens sont le complément naturel des Lettres sur l'Histoire de France. Ne croyant pas pouvoir recommencer pour la France ce qu'il avait si glorieusement accompli pour l'Angleterre, il a voulu du moins enseigner à la génération nouvelle l'art de débrouiller les premiers monuments de notre histoire. Quel que soit le charme de ces Récits, je ne chercherai pas à déguiser mon regret. J'aurais aimé à voir M. Augustin Thierry nous retracer le développement politique et social de notre pays, de 481 à 752, depuis l'avénement de Clovis jusqu'à la chute de la race mérovingienne: un tel tableau n'eût peut-être pas dépassé la limite de ses forces. Au lieu de cette histoire générale, il s'est contenté de nous donner quelques épisodes de ces temps qui passaient volontiers pour indéchiffrables avant qu'il n'eût pris la peine de les éclairer. S'il n'a pas fait tout ce qu'il pouvait faire, il a pourtant métamorphosé complétement cette première partie de notre histoire. Il a tiré de Grégoire de Tours un parti excellent, je pourrais dire un parti vraiment inattendu; car, malgré les efforts de dom Ruinart pour éclaircir les récits de l'évêque de Tours, bien des événements demeuraient confus. M. Augustin Thierry, en appelant à son aide la philologie et la géographie, en distinguant avec soin les personnages gaulois ou galloromains des personnages purement germains, a trouvé moyen de restituer à ces temps éloignés la physionomie qui leur appartient. Je ne veux pas discuter trop sévèrement les citations qu'il place au bas des pages,

et qui ne s'accordent pas toujours d'une manière littérale avec le texte de son récit; de telles inexactitudes ne peuvent être prises pour des erreurs, et n'altèrent pas d'ailleurs la vérité générale du récit. A cette heure, les épisodes de l'histoire mérovingienne racontés par M. Augustin Thierry sont à coup sûr les plus belles pages, les plus savantes, les plus fidèles que cette période ait inspirées. C'en est assez pour désarmer les érudits chagrins qui voudraient contester l'exactitude de quelques détails.

Les Considérations sur l'Histoire de France, qui précèdent les Récits mérovingiens, nous offrent l'exposé complet et précis de tous les systèmes imaginés pour expliquer les origines de notre monarchie. Il est impossible de lire sans étonnement ce récit des aberrations de l'intelligence française. M. Thierry, qui sait par expérience ce que coûte la conquête de la vérité, apprécie sans colère et sans amertume les travaux de ses devanciers. Il juge avec une sincérité parfaite les étranges imaginations de l'abbé Dubos et de Boulainvilliers. Il proclame avec raison, comme le point de départ de la vraie science, les investigations laborieuses de Valois, qui n'a eu que le tort d'écrire sous le nom de Valesius. Pour les érudits, ce n'est pas une objection; mais pour les gens du monde c'est un grave inconvénient, et sans les révélations de M. Thierry, Valesius courait grand risque de demeurer éternellement ignoré de cette foule d'esprits très-prompts, très-agiles, qui ne demandent pas mieux que de s'instruire, pourvu que l'on se borne à leur parler la langue de leur pays. Je considère cette introduction aux Récits merovingiens comme un des plus savants traités qui existent sur la matière, et je ne parle pas seulement en mon nom, mais au nom de tous les hommes compétents qui, par leurs études spéciales, ont conquis une légitime autorité. Aujourd'hui, au milieu des documents qui se multiplient chaque jour, nous avons peine à comprendre toutes les fables imaginées pour la formation et le développement de la nation française. Il semble que le plus court chemin pour arriver à la vérité était celui qui devait se présenter le premier; mais ceux qui ont étudié l'histoire des sciences savent depuis longtemps à quoi s'en tenir sur la valeur de cette croyance. L'astronomie, la physique, la chimie, sont là pour démontrer qu'avant de recourir à l'investigation directe de la vérité, l'esprit humain s'est consumé en efforts impuissants, en folles rêveries. La science historique a subi le sort commun de toutes les sciences.

MICHELET.1

M. Jules Michelet occupe dans la science historique une place à part. Aussi érudit, aussi laborieux que M. Thierry, il ne possède pas sa netteté de vue. Après avoir appliqué à l'histoire romaine le système de Vico,2 il a cherché dans l'histoire de France l'occasion de soumettre à une nouvelle épreuve ce système ingénieux mais désespérant que l'expérience réprouve et qui, s'il était vrai, équivaudrait à la négation du progrès. Plus d'une fois, M. Michelet, emporté par

1 V. p. 584.

Vico, an Italian savant (1668-1744), author of the Principles of a New Science relating to the common nature of nations.

l'évidence, a déserté la cause de son maître; mais il a puisé, dans son commerce familier avec le philosophe napolitain, une prédilection fâcheuse pour le symbolisme, et cette prédilection l'a trop souvent égaré. Je ne veux pas contester tout ce qu'il y a de nouveau, de légitime, dans son interprétation du moyen âge: cependant je crois que tous les bons esprits, tous les esprits sains, verront dans l'Histoire de France de M. Michelet une lecture dangereuse. Dans ce livre en effet la légende côtoie si souvent les récits authentiques, les traditions populaires, les chants de la veillée usurpent si souvent l'autorité de l'histoire, que le lecteur le plus attentif a grande peine à démêler la vérité. Si mon affirmation avait besoin de preuves, je me contenterais de citer le règne de Charles VI. A coup sûr, l'érudition ne manque pas dans ce récit; mais quel emploi l'auteur en a-t-il fait? Soyons de bonne foi, parlons sans amertume et sans faiblesse, ne nous laissons pas égarer par l'éclat du talent, par le charme de l'imagination: le règne de Charles VI, dans le livre de M. Michelet, est tout simplement une lecture qui donne le vertige. Les esprits les plus vigoureux craignent, en fermant le volume, de partager l'aliénation du malheureux monarque. Il y a telle fête racontée par M. Michelet qui remplace la pensée par des visions à l'égal de l'opium et du haschisch. Est-ce là l'émotion que doit se proposer l'historien? Pour ma part, je ne le crois pas.

Le récit de la révolution française a été pour M. Michelet une épreuve plus périlleuse encore que le moyen âge de la France. Animé d'intentions généreuses, mettant avec raison le droit au-dessus du succès, il n'a pas toujours su garder l'impartialité qui convient à l'historien. Dans son désir, très-naturel, d'éclairer l'origine des événements, il a plus d'une fois appelé le roman à son aide. Les femmes ont pu lui en savoir bon gré, mais les hommes studieux ont accueilli avec dépit cet étrange abus de l'imagination. Quand l'auteur, imitant les sauvages qui veulent deviner la marche de leur ennemi, applique son oreille au sol du Champ de Mars pour entendre la grande voix de la révolution, qui de nous peut s'empêcher de sourire? Quand il compare la captivité, le procès et le supplice de Louis XVI à la passion du Christ, qui de nous ne prévoit que ce parallèle, dont la chaire catholique pourrait seule s'emparer, doit le conduire à fausser l'histoire? Une fois en effet que l'Evangile devient le guide et le modèle du récit, il est impossible que ce souvenir n'entraîne pas l'auteur à d'étranges puérilités.

Cependant, malgré ces reproches que je crois mérités, M. Michelet laissera une trace profonde dans l'histoire de notre littérature. S'il a égaré un trop grand nombre d'esprits, il n'est pas moins vrai qu'il a propagé, qu'il a popularisé le goût de l'histoire. En appliquant au récit des événements politiques le style de Notre-Dame de Paris, il a commis sans doute une lourde bévue; mais cette bévue même a été pour ses livres un puissant auxiliaire, et bien des intelligences, qui seraient demeurées inactives en face de la vérité nue, se sont émues à la voix d'un historien qui tient à la fois du poëte et de l'hiérophante.

ALFRED DE MUSSET.

SKETCH OF HIS LIFE AND WORKS.1

LOUIS-CHARLES-ALFRED DE MUSSET was born at Paris in 1810. At the college Henri IV he was the schoolfellow of the young duke of Orleans, whose friendship he retained through life. On leaving school he attempted various studies, medicine, law and painting, but at last the great literary movement of 1830 carried him along with it, and he became a poet. Two volumes of poems, which he published successively revealed his talent to the public, but shocked many readers by their immorality. Having thus made himself a name at the early age of 23, Musset became secretary to George Sands and accompanied her on a tour to Italy; but he soon quarrelled with the illustrious authoress. The poems he produced after this, while they proved that his genius was ripening, betrayed at the same time a soul torn by the conflicts of passion and a precocious contempt for life. We select from them a couple of sonnets, a small fragment of the Nuit d'octobre and another more extensive one from the Soirée perdue. Alfred de Musset also made a name as a prosewriter by the Nouvelles he published in the Revue des Deux Mondes, tales which are distinguished chiefly for a subtle analysis of human passions. Lastly he ranks with the best dramatic authors by his comédies-proverbes, which are full of delicate and sparkling wit, and a number of comedies and dramas, most of which he composed without a thought of their being ever put on the stage. Subsequently some of these plays were acted at the Théâtre-Français and met with great success, several of them having remained favourites to this day. Such are Il ne faut jurer de rien, On ne badine pas avec l'amour, Un Caprice and Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée, part of which we reprint, to give our readers a specimen of Alfred de Musset's prose.

Since 1848 the poet's misanthropy seemed to have become more pronounced, while his poetic vein decreased. The revolution of February deprived him of the post of librarian at the Home Office, which he had obtained through the kindness of the duke of Orléans, his patron. Louis Napoléon restored it to him with the functions and title of Reader to the Empress. For a long time the poet, whe saw his talent gradually waning away, had sought for the inspiration he needed in the excitement of debauch. He published one more volume of verses in 1850, which betrayed a premature decay of his powers, but from that time till his death he wrote only a few pages of prose. In 1852 Alfred de Musset had been elected a member of the Academy. He died in 1857 at the age of forty-seven years.

We have followed Vapereau, Dictionnaire des contemporains. 2 The eldest son of king Louis-Philippe, who was killed in 1842 by being thrown out of his carriage. He was only 32 years old. *V. p. 630. Reprinted by permission of the publisher, M. Charpentier.

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