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qualities which he really possessed, though for all that he did not play the leading part which the author has assigned him.

Count Rantzau in Bertrand et Raton is the chief-conspirator; without appearing himself, he directs all the moves on the board with amusing skill and subtlety. It is said that Scribe intended him to represent the famous statesman Talleyrand,' who successively served all the French governments since 1789 and even after the revolution of July was employed as French ambassador in London.

While count Bertrand de Rantzau represents the clever people who risk nothing of their own in a revolution but ostentatiously appear, when it has been successful, in time to share the spoils, the simple fools who get all the hard knocks in the struggle and no reward at the end are typified in Master Raton Burkenstaff, a silk-mercer. Scribe has taken the Christian names of these two characters from one of La Fontaine's fables (B. IX, f. 17) Le Singe et le Chat:

Bertrand dit à Raton: Frère, il faut aujourd'hui

Que tu fasses un coup de maître;

Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,

Certes, marrons verraient beau jeu.

Raton Burkenstaff, who makes himself very important, but is a nonentity, a zero, qui n'a de valeur que quand il est placé à la fin, refuses to listen to the sensible advice of his wife Martha and will insist on playing a leading part in politics. His house is gutted, his son Éric and himself run the greatest danger, and when the revolt has succeeded and the queen-dowager is named regent and Count Rantzau primeminister, M. Raton Burkenstaff obtains as the total reward of his services the title of »Silk-Mercer to the Court.<<

We reprint some scenes from the second act.

ACTE II, SCÈNE II.2

RATON, MARTHE, sa femme; JEAN, son garçon de boutique.

JEAN (portant des étoffes sous son bras). Me voici, notre maître... Je viens de chez la baronne de Moltke.

RATON (brusquement). Eh bien! qu'est-ce que ça me fait! qu'estce que tu me veux?

JEAN. Le velours noir ne lui convient pas, elle l'aime mieux vert et vous prie de lui en porter vous-même des échantillons.

RATON (allant au comptoir). Va-t'en au diable!.... Vous allez voir que je vais me déranger de mes affaires!.... Il est vrai que la baronne de Moltke est une femme de la cour. Tu iras, ma femme; ce sont des affaires du magasin, cela te regarde.

JEAN. Et puis voici....

RATON. Encore! il n'en finira pas.

JEAN (lui présentant un sac). L'argent que j'ai touché pour ces vingt-cinq aunes de taffetas.

RATON (prenant le sac). Dieu! que c'est humiliant d'avoir à s'occuper de ces détails-là! (Lui rendant le sac.) Porte cela là-haut à mon caissier, et qu'on me laisse tranquille. (Il se remet à écrire.) >> Oui, madame, c'est à Votre Majesté....«

»

1 Prince Talleyrand was born in 1754, died in 1838.

2

Reprinted by permission of Mme Scribe.

JEAN (passant à droite et pesant le sac). Humiliant! . . . . pas tant, et je m'accommoderais bien de ces humiliations-là.

MARTHE (l'arrêtant par le bras au moment où il va monter l'escalier). Écoutez ici, monsieur Jean. Vous avez été bien longtemps dehors, pour deux courses que vous aviez à faire.

JEAN (à part). Ah! diable!.... elle s'aperçoit de tout, celle-là! elle n'est pas comme le bourgeois.1 (Haut.) C'est que, voyez-vous, madame, je m'arrêtais de temps en temps dans les rues ou dans la promenade à écouter des groupes qui parlaient.

MARTHE. Et sur quoi?

JEAN. Ah, madame! je ne sais pas, sur un édit du roi . . . MARTHE. Et lequel?

RATON (d'un air important et toujours au comptoir). Vous ne savez pas cela, vous autres: l'ordonnance qui a paru ce matin et qui remet le pouvoir royal entre les mains de Struensée.

JEAN. Ça m'est égal, je n'y ai rien compris; mais tout ce que je sais, c'est qu'on parlait vivement et avec des gestes: et ça s'échauffait, .... et il pourrait bien y avoir du bruit.

RATON (d'un air important). Certainement, c'est très-grave. JEAN (avec joie). Vous croyez?

MARTHE (à Jean). Et qu'est-ce que ça te fait?

JEAN. Ça me fait plaisir, parce que, quand il y a du bruit on ferme les boutiques, on ne fait plus rien, on a congé; et pour les garçons de magasin, c'est un dimanche de plus dans la semaine; et puis, c'est si amusant de courir les rues et de crier avec les autres!

MARTHE. De crier .... quoi?

JEAN. Est-ce que je sais ? on crie toujours!

MARTHE. Il suffit; remontez là-haut, et restez-y; vous ne sortirez plus d'aujourd'hui.

JEAN (sortant). Quel ennui!.... il n'y a jamais de profits dans cette maison-ci!

MARTHE (se retournant et voyant Raton qui pendant ce temps a pris son chapeau et s'est glissé derrière elle). Eh bien! toi, qui étais si occupé, où vas-tu donc?

RATON. Je vais voir ce que c'est.

MARTHE. Et toi aussi?

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RATON. N'as-tu pas déjà peur?.... Les femmes sont terribles! Je veux seulement savoir ce qui se passe, me mêler parmi les groupes des mécontents, et glisser quelques mots en faveur de la reine-mère. MARTHE. Et qu'as-tu besoin d'elle ou de sa protection? Quand on a de l'argent dans sa caisse, et nous en avons, on peut se passer de tout le monde; on n'a que faire des grands seigneurs, on est libre, indépendant, on est roi dans son magasin; reste dans le tien, . . . . c'est ta place!

RATON. C'est-à-dire que je ne suis bon à rien qu'à auner du quinze-seize ?2 c'est-à-dire que tu déprécies le commerce?

MARTHE. Moi, déprécier le commerce! moi, fille et femme de

1

Bourgeois was the name generally given to their employer by workmen, servants and shopmen; in the case of workmen, the word patron has nowadays become more usual.

2

Quinze-seize was a stuff which was 15/18 of a yard in breadth.

fabricant! moi, qui trouve que c'est l'état le plus utile au pays, la source de sa richesse et de sa prospérité! moi. enfin, qui ne vois rien de plus honorable et de plus estimable qu'un commerçant qui est commerçant!, . . . Mais si lui-même rougit de son état, s'il quitte son comptoir pour les antichambres, ce n'est plus ça . . . Et quand tu dis des bêtises comme homme de cour, je ne peux plus t'honorer comme marchand d'étoffes.

RATON. A merveille, madame Raton Burkenstaff! Depuis que notre reine mène son mari, chaque femme du royaume se croit le droit de régenter le sien; . . . . et vous qui blâmez tant la cour, vous faites comme elle.

MARTHE. Eh, mordi! ne songez pas à la cour, qui ne songe pas à vous, et pensez un peu plus à ce qui vous entoure. Êtes-vous donc si las d'être heureux? N'avez-vous pas un commerce qui prospère, des amis qui vous chérissent, une femme qui vous gronde, mais qui vous aime, un fils que tout le monde nous envierait, un fils qui est notre orgueil, notre gloire, notre avenir?

RATON. Ah! si tu te mets sur ce chapitre . . .

MARTHE. Eh bien, oui!.... voilà mon ambition, à moi, mon affaire d'État; je ne m'informe pas de ce qui se passe ailleurs; peu m'importe que la reine ait un favori ou n'en ait pas! que ce soit tel ambitieux qui règne ou bien tel autre! Ce qu'il m'importe de savoir, c'est si tout va bien chez moi, si l'ordre règne dans ma maison, si mon mari se porte bien, si mon fils est heureux; moi je ne m'occupe que de vous, de votre bien-être: c'est mon devoir. Que chacun fasse le sien. Chacun son métier, comme on dit; et . . . . voilà! RATON (avec impatience). Eh! qui te dit le contraire?

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MARTHE. Toi, qui à chaque instant me donnes des inquiétudes mortelles; qui es toujours à pérorer sur le pas2 de ta boutique, à blâmer tout ce qu'on fait, ce qu'on ne fait pas; toi, à qui tes idées ambitieuses font négliger nos meilleurs amis.... Michelson, qui t'a invité tant de fois à aller le dimanche à sa campagne.3

RATON. Que veux-tu?.... un marchand de draps qui n'est rien dans l'État.... Car enfin, qu'est-ce qu'il est?

MARTHE. Il est notre ami; mais il te faut de la grandeur, de l'éclat. C'est encore par ambition que tu n'as pas voulu garder notre fils auprès de nous, où il aurait été si bien! et que tu l'as fait entrer auprès d'un grand seigneur, où il n'a éprouvé que des chagrins, dont il nous cache une partie.

RATON. Est-il possible!.... notre enfant.... notre fils unique!.... il est malheureux!

MARTHE. Et tu ne t'en es pas aperçu? Tu ne t'en doutais pas? RATON. Ce sont là des affaires de ménage; .... moi je ne m'en mêlais pas, je comptais sur toi; j'ai tant d'occupations! . . . . Et qu'est-ce qu'il veut? qu'est-ce qu'il lui faut? Est-ce de l'argent? Demande-lui combien . . . . Ou plutôt . . . . tiens, voilà la clef de ma caisse; donne-la-lui.

MARTHE. Taisez-vous, le voici.

1 Pérorer, to talk very glibly and at great length, to preach.
2 I. e. sur le seuil.
Campagne for maison de campagne, villa.

Chez qui, or chez lequel would be more correct.

SCÈNE III.

RATON, MARTHE, ÉRIC, leur fils.

ÉRIC (entrant vivement). Ah! c'est vous, mon père!.... je craignais que vous ne fussiez sorti. Il y a quelque agitation dans la ville.

RATON. C'est ce qu'on dit; mais je ne sais pas encore de quoi il s'agit, car ta mère n'a pas voulu me laisser aller. Raconte-moi cela, mon, garçon.

ERIC. Ce n'est rien, mon père, rien du tout; mais il y a des moments où, même sans motifs, il vaut mieux agir avec prudence. Vous êtes le plus riche négociant du quartier, vous y êtes influent; vous ne craignez pas d'exprimer tout haut votre opinion sur la reine Mathilde et sur le favori. Ce matin encore, au palais

MARTHE. Est-il possible?

ÉRIC. Ils pourraient finir par le savoir!

....

RATON. Qu'est-ce que ça me fait? Je ne crains rien; je ne suis pas un bourgeois obscur, inconnu, et ce n'est pas un homme comme Raton Burkenstaff du Soleil d'Or qu'on oserait jamais arrêter. Ils le voudraient, qu'ils n'oseraient pas!

ÉRIC (à demi-voix). C'est ce qui vous trompe, mon père; je crois qu'ils oseront.

RATON (effrayé). Hein! qu'est-ce que tu me dis là?.... Ce n'est pas possible.

MARTHE. J'en étais sûre, je le lui répétais encore tout à l'heure. Mon Dieu! mon Dieu! qu'est-ce que nous allons devenir?

ERIC. Rassurez-vous, ma mère, et ne vous effrayez pas.

....

RATON (tremblant). Sans doute, tu es là à nous effrayer .... à t'effrayer sans raison; ça vous trouble, ça vous déconcerte, on ne sait plus ce qu'on fait, et dans un moment où l'on a besoin de son sangfroid.... Voyons, mon garçon, qui t'a dit cela? d'où le tiens-tu?

ÉRIC. D'une source certaine, d'une personne qui n'est que trop bien instruite, et que je ne puis vous nommer; mais vous pouvez me croire. RATON. Je te crois, mon enfant; et, d'après les renseignements positifs que tu me donnes là, qu'est-ce qu'il faut faire?

ÉRIC. L'ordre n'est pas encore signé, mais d'un instant à l'autre il peut l'être, et ce qu'il y a de plus simple et de plus prudent, c'est de quitter sans bruit votre maison, de vous tenir caché pendant quelques jours

MARTHE. Et où cela?

ERIC. Hors de la ville, chez quelque ami.

RATON (vivement). Chez Michelson, le marchand de drap.... Ce n'est pas là qu'on ira me chercher.... Un brave homme.... inoffensif . . . . qui ne se mêle de rien.. . que de son commerce! MARTHE. Vous voyez donc bien qu'il est bon quelquefois de se mêler de son commerce!

....

ERIC (d'un air suppliant). Eh! ma mère....

MARTHE. Tu as raison! j'ai tort; ne songeons qu'à son départ. ERIC. Il n'y a pas le moindre danger; mais n'importe, mon père, je vous accompagnerai.

RATON. Non, il vaut mieux que tu restes; car enfin, tantôt quand ils viendront, et qu'ils ne me trouveront plus, s'il y avait du bruit,

R. Platz, Manual of French Literature.

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du tumulte, tu imposeras à ces gens-là, tu veilleras à la sûreté de nos magasins, et puis ta rassureras ta mère, qui est toute tremblante. MARTHE. Oui, mon fils, reste avec moi.

ÉRIC. Comme vous voudrez. (Apercevant Jean, qui descend l'escalier.) Et au fait, il suffira de Jean pour accompagner mon père jusque chez Michelson. Jean, tu vas sortir.

JEAN. Est-il possible? quel bonheur! Madame le permet?
MARTHE. Sans doute, tu sortiras avec ton maître.

JEAN. Oui, madame.

ÉRIC. Et tu ne le quitteras pas.

JEAN. Oui, monsieur Eric.

RATON. Et surtout de la discrétion; pas de bavardage, pas de curiosité. JEAN. Oui, notre maître; il y a donc quelque chose?

RATON (à Jean, à demi-voix). La cour et le ministère sont furieux contre moi; on veut m'arrêter, m'incarcérer, m'emprisonner, peut-être pire....

JEAN. Ah bien, par exemple!1 je voudrais bien voir cela! Il y aurait un fameux bruit dans le quartier, et vous m'y verriez, notre maître; vous verriez quel tapage; madame m'entendra crier.

RATON. Taisez-vous, Jean, vous êtes trop vif.

MARTHE. Vous êtes un tapageur.

ÉRIC. Et du reste, ta bonne volonté sera inutile; car il n'y aura rien. JEAN (tristement et à part). Il n'y aura rien.... Tant pis! moi qui espérais déjà du bruit et des carreaux cassés!

RATON (qui pendant ce temps a embrassé sa femme et son fils). Adieu!.... adieu!....

The following scene is taken up with the confidences of Eric and his mother. She enquires why he has been so sad and pensive of late and he entrusts her with his secret. An arrogant young nobleman, who was his rival in love, has insulted him and refused the satisfaction he demanded, on the plea that Eric was neither a gentleman nor an officer; and he, to enable him to avenge the insult, has tried for and is about to obtain a commission. Mother and son are thus engaged, when they are interrupted by the entrance of Jean, the shopman.

SCÈNE V.

MARTHE, ÉRIC, JEAN.

JEAN (avec joie et regardant à la cantonade).

veille!.... continuez comme ça.

C'est ça! à mer

ERIC. Eh quoi! déjà de retour!.... Est-ce que mon père est chez Michelson?

JEAN (avec joie). Mieux que cela.

MARTHE (avec impatience). Enfin il est en sûreté?

JEAN (d'un air de triomphe). Il a été arrêté.

1 Par exemple! is an interjection frequently heard in familiar intercourse, denoting astonishment, disbelief or indignation.

2The cantonade is the side and back of the stage. Parler à la cantonade: -= to talk behind the scenes, either when an actor speaks to another not on the stage, or when he is unseen himself. Cantonade is derived from the Italian cantonata, cantone, the French canton, meaning a separate portion of some country.

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