Page images
PDF
EPUB

L'ABBÉ BARTHÉLEMY.

SKETCH OF HIS LIFE AND WORKS.

JEAN-JACQUES BARTHELEMY, best known as the ABBÉ BARTHÉ

LEMY, was born in 1716 at Cassis in Provence. Having devoted himself to study and become a thorough Classical and Oriental scholar, he came to Paris in 1744. There he was appointed assistant and soon afterwards chief curator of the collection of medals, and to increase it by purchases, he was sent to visit Italy. The abbé Barthélemy had by this time made himself a name by a number of learned and scholarlike writings; the work on which his fame mainly rests is the Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, which appeared in 1788. The author supposes that a young Scythian named Anacharsis is travelling through Greece, and this ingenious fiction gives him an opportunity of presenting us with a graphic and truthful picture of the manners and customs, the institutions, and the monuments of ancient Greece, such as they were in the time of Epaminondas. This book was the fruit of thirty years of study. The Abbé Barthélemy had been elected a member of the Academie des inscriptions in 1747 and of the French Academy in 1789. He died at Paris in 1795.

We reprint the following fragment of the Voyage du jeune Anacharsis.

REPRÉSENTATION AU THÉATRE D'ATHÈNES.

(Chapitre XI.)

Je viens de voir une tragédie, et, dans le désordre de mes idées je jette rapidement sur le papier les impressions que j'en ai reçues

Le théâtre s'est ouvert à la pointe du jour. J'y suis arrivé avec Philotas. Rien de si imposant que le premier coup d'œil: d'un côté, la scène ornée de décorations exécutées par d'habiles artistes: de l'autre, un vaste amphithéâtre couvert de gradins qui s'élèvent les uns au-dessus des autres jusqu'à une très-grande hauteur, des paliers et des escaliers qui se prolongent et se croisent par intervalles, facilitent la communication et divisent les gradins en plusieurs compartiments, dont quelques-uns sont réservés pour certains corps et certains états.1

Le peuple abordait en foule; il allait, venait, montait, descendait, criait, riait, se pressait, se poussait et bravait les officiers qui couraient de tous côtés pour maintenir le bon ordre. Au milieu de ce tumulte sont arrivés successivement les neuf archontes ou premiers magistrats de la république, les cours de justice, le sénat des cinq cents, les officiers généraux de l'armée, les ministres des autels. Ces divers corps ont occupé, les gradins inférieurs. Au-dessus on rassemblait tous les jeunes gens qui avaient atteint leur dix-huitième année. Les femmes se plaçaient dans un endroit qui les tenait éloignées des hommes.

J'ai vu des Athéniens faire étendre sous leurs pieds des tapis de pourpre et s'asseoir mollement sur des coussins apportés par leurs

I. e. pour certaines corporations et certaines classes.

esclaves; d'autres qui, avant et pendant la représentation, faisaient venir du vin, des fruits et des gâteaux; d'autres qui se précipitaient sur des gradins pour choisir une place commode et l'ôter à celui qui l'occupait. »Ils en ont le droit, m'a dit Philotas, c'est une distinction qu'ils ont reçue de la république pour récompense de leurs services.<< Comme j'étais étonné du nombre des spectateurs: »Il peut se monter, m'a-t-il dit, à trente mille. La solennité de ces fêtes en attire de toutes les parties de la Grèce et répand un esprit de vertige parmi les habitants de cette ville. Pendant plusieurs jours, vous les verrez abandonner leurs affaires, se refuser au sommeil, passer ici une partie de la journée, sans pouvoir se rassasier des divers spectacles qu'on y donne. C'est un plaisir d'autant plus vif pour eux qu'ils le goûtent rarement. Le concours des pièces dramatiques n'a lieu que dans deux autres fêtes; mais les auteurs réservent tous leurs efforts pour celle-ci. On nous a promis sept à huit pièces nouvelles. N'en soyez pas surpris: tous ceux qui, dans la Grèce, travaillent pour le théâtre, s'empressent à nous offrir l'hommage de leur talent. D'ailleurs, nous reprenons quelquefois les pièces de nos anciens auteurs, et la lice va s'ouvrir par l'Antigone de Sophocle.<<

Philotas achevait à peine, qu'un héraut, après avoir imposé silence, s'est écrié: Qu'on fasse avancer le chœur de Sophocle! C'était l'annonce de la pièce. Le théâtre représentait le vestibule du palais de Créon, roi de Thèbes.. Antigone et Ismène, filles d'Edipe, ont ouvert la scène, couvertes d'un masque. Leur déclamation m'a paru naturelle, mais leur voix m'a surpris. »Comment nommez-vous ces actrices? ai-je dit. Théodore et Aristodème, a répondu Philotas; car ici les femmes ne montent pas sur le théâtre. « Un moment après, un choeur de quinze vieillards thébains est entré, marchant à pas mesurés sur trois de front et cinq de hauteur. Il a célébré, dans des chants mélodieux, la victoire que les Thébains venaient de remporter sur Polynice, frère d'Antigone.

L'action s'est insensiblement développée. Tout ce que je voyais, tout ce que j'entendais, m'était si nouveau, qu'à chaque instant mon intérêt croissait avec ma surprise. Entraîné par les prestiges qui m'entouraient, je me suis trouvé au milieu de Thèbes. J'ai vu Antigone rendre les devoirs funèbres à Polynice, malgré la sévère défense de Créon. J'ai vu le tyran, sourd aux prières du vertueux Hémon, son fils, qu'elle était sur le point d'épouser, la faire traîner avec violence dans une grotte obscure qui paraissait au fond du théâtre, et qui devait lui servir de tombeau. Bientôt, effrayé des menaces du ciel, il s'est avancé vers la caverne, d'où sortaient des hurlements effroyables. C'étaient ceux de son fils. Il serrait entre ses bras la malheureuse Antigone, dont un noeud fatal avait terminé les jours. La présence de Créon irrite sa fureur; il tire l'épée contre son père; il s'en perce lui-même et va tomber aux pieds de son amante, qu'il tient embrassée jusqu'à ce qu'il expire.

SEDAINE.

SKETCH OF HIS LIFE AND WORKS.

MICHEL-JEAN SEDAINE was born at Paris in 1719 and died in 1797. His father, who was an architect, having squandered his fortune, was unable to give his children any education. When he died, Sedaine, to keep his mother and his two young brothers from starving, got work as a stone-mason. Hard work joined to exemplary conduct soon made him a master-mason, and finally raised him to the post of secretary to the Academy of architecture.

Soon this remarkable man, who owed his learning solely to himself, devoted his energies entirely to literary composition and began to write for the stage. He produced at the Théâtre-Italien a number of comic operas, all of which met with wonderful success, but this was due, in great part at least, to the music which Grétry and Monsigny composed for them. The best known are Rose et Colas, le Déserteur and Richard Coeur-de-Lion.

Two pieces, which he wrote for the Théâtre - Français have established his literary reputation. These are Le Philosophe sans le savoir, a more appropriate name for which would be Le Duel, and la Gageure imprévue. Both of them are still acted on the boards of the first theatre in Paris. We give a short analysis and a few scenes of:

LE PHILOSOPHE SANS LE SAVOIR.

(1765.)

The scene of this comedy or rather of this drame bourgeois, the only one of the kind which was really succesful in France,2 is laid in the house of M. Vanderk. Being forced in his youth to fly the country on account of a duel, he had gone into business, though of noble birth, and made a fortune. He has two children, a daughter, whom he is about to marry to a young magistrate, a member of the noblesse de robe, and a son, an officer in the navy, who is at home on leave. The latter, though as a rule a well-conducted and good-tempered young man enough, has quarrelled in a café with a cavalry officer, who was using most insulting language about men of business, and whom he suspected of alluding to his father. This quarrel has taken place the very day before his sister's wedding, and the duel is to be fought next day. The only person who has any suspicion of this, for the young officer has of course carefully concealed the fact, is Victorine, the daughter of old Antoine, M. Vanderk's steward and factotum. who is treated as a friend rather than a servant by the whole family. Victorine who has been brought up with Mademoiselle Vanderk, whose companion and friend she is, is a type of girlish candour and naïveté, and altogether one of the most charming creations of the French stage. In the second act she stops young Vanderk, to whom his sister has just given a beautiful repeating watch, with these words (Acte II, scène X):

VICTORINE. Attendez donc.

M. VANDERK FILS. Que veux-tu ?

VICTORINE. Voyons donc votre nouvelle montre.

1 Grétry, v. p. 400, n. 2; Monsigny, born in 1729, died in 1817. 2 V. the article on Diderot, p. 380.

M. VANDERK FILS. Est-ce que tu ne l'as pas vue? VICTORINE. Que je la voie encore! Ah, qu'elle est belle! des diamants! à répétition! Il est onze heures 7, 8, 9, 10 minutes, onze heures dix minutes. Demain, à pareille heure Voulez-vous que je vous dise tout ce que vous ferez demain?

[ocr errors]

M. VANDERK FILS. Comment, ce que je ferai?

VICTORINE. Oui. Vous vous lèverez à sept, disons à huit heures; vous descendrez à dix; vous donnerez la main à la mariée: on reviendra à deux heures: on dînera, on jouera; ensuite votre feu d'artifice . . pourvu encore que vous ne soyez pas blessé.

M. VANDERK FILS. Ah! si je le suis?
VICTORINE. Il ne faut pas l'être.

M. VANDERK FILS. Oui, cela vaudrait mieux.

VICTORINE. Je parie que voilà tout ce que vous ferez demain.
M.VANDERK FILS. Tu serais bien étonnée, si je ne faisais rien de tout cela.
VICTORINE. Que ferez-vous done?

M. VANDERK FILS (se ravisant). Au reste, tu peux avoir raison. VICTORINE. C'est joli, une montre à répétition; lors qu'on se réveille, on sonne l'heure: je crois que je me réveillerais exprès.

M. VANDERK FILS. Eh bien! je veux qu'elle passe la nuit dans ta chambre, pour savoir si tu te réveilleras.

VICTORINE. Non.

M. VANDERK FILS. Je t'en prie.

VICTORINE. Si on le savait, on se moquerait de moi.

M. VANDERK FILS. Qui le dira? tu me la rendras demain au matin.
VICTORINE. Vous pouvez en être sûr; mais . . . . vous?

M. VANDERK FILS. N'ai-je pas ma pendule? Et puis tu me la rendras.
VICTORINE. Sans doute.

M. VANDERK FILS. Qu'à moi.

VICTORINE. A qui done?

M. VANDERK FILS. Qu'à moi.

VICTORINE. Eh! mais, sans doute.

M. VANDERK FILS. Bonsoir, Victorine, Adieu. Bonsoir. Qu'à moi, qu'à moi.

This conversation and the tone in which he repeats the mysterious words qu'à moi, strengthen Victorine's suspicions. Her agitation in turn sets her father thinking, and when next morning, at break of day, young Vanderk comes and asks him to get him the keys of the gate from his father's bedside, without waking him, old Antoine informs M. Vanderk of what is going on, and in the following scene father and son meet face to face.

ACTE III, SCÈNE V.

M. VANDERK FILS. Ah, mon père! que je suis fâché! c'est la faute d'Antoine: je le lui avais dit; mais il aura fait du bruit, il vous aura réveillé.

M. VANDERK PÈRE.

M. VANDERK FILS.

Non, je l'étais.

Vous l'étiez! Apparemment, mon père, que l'embarras d'aujourd'hui, et que... M. VANDERK PÈRE.

Vous ne me dites pas bonjour?

M. VANDERK FILS. Mon père, je vous demande pardon; je vous

souhaite bien le bonjour.

M. VANDERK PÈRE. Vous sortez de bonne heure.

M. VANDERK FILS. Oui, je voulais

....

M. VANDERK PÈRE. Il y a des chevaux dans la cour.

M. VANDERK FILS.

mon domestique.

M. VANDERK PÈRE.

C'est pour moi, c'est le mien et celui de

Et où allez-vous si matin?

M. VANDERK FILS. Une fantaisie d'exercice; je voulais faire le tour du rempart: une idée.... un caprice qui m'a pris tout d'un coup ce matin. M. VANDERK PÈRE. Non, non; dès hier vous aviez dit qu'on tînt vos chevaux prêts.

M. VANDERK FILS.
M. VANDERK PÈRE.

M. VANDERK FILS.

M. VANDERK PÈRE.

M. VANDERK FILS.

Non pas absolument.

Non, mon fils, vous avez quelque dessein.
Quel dessein voudriez-vous que j'eusse?
Je vous le demande.

Croyez, mon père . .

[ocr errors]

M. VANDERK PÈRE. Mon fils, jusqu'à cet instant je n'ai connu en vous ni détour ni mensonge: si ce que vous me dites est vrai, répétez-le-moi, et je vous croirai . . . . Si ce sont quelques raisons, quelques folies de votre âge, de ces niaiseries qu'un père peut soupçonner, mais ne doit jamais savoir; quelque peine que cela me fasse, je n'exige pas une confidence dont nous rougirions l'un et l'autre voici les clefs, sortez. . (Le fils tend la main et les prend.) Mais, mon fils, si cela pouvait intéresser votre repos et le mien et celui de votre mère.

M. VANDERK FILS. Ah! mon père!

M. VANDERK PÈRE. Il n'est pas possible qu'il y ait rien de déshonorant dans ce que vous allez faire?

M. VANDERK FILS.
M. VANDERK PÈRE.

M. VANDERK FILS.

Ah! bien plutôt .
Achevez.

Que me demandez-vous? Ah, mon père! vous me l'avez dit hier: vous avez été insulté; vous étiez jeune, vous vous êtes battu; vous le feriez encore. Ah, que je suis malheureux! je sens que je vais faire le malheur de votre vie. Non. . . . jamais . . Quelle leçon! . . . . vous pouvez m'en croire: si la fatalité

M. VANDERK PÈRE. Insulté . . . . battu . . . . le malheur de ma vie! Mon fils, causons ensemble, et ne voyez en moi qu'un ami.

M. VANDERK FILS. S'il était possible que j'exigeasse de vous un serment. . . . Promettez-moi que, quelque chose que je vous dise, votre bonté ne me détournera pas de ce que je dois faire.

M. VANDERK PÈRE. Si cela est juste.

M. VANDERK FILS. Juste ou non.

M. VANDERK PÈRE. Ou non?

M. VANDERK FILS. Ne vous alarmez pas. Hier au soir, j'ai eu quelque altercation, une querelle avec un officier de cavalerie: nous sommes sortis; on nous a séparés . . . . Parole aujourd'hui.

M. VANDERK PÈRE (en s'appuyant sur une chaise). Ah! mon fils! M. VANDERK FILS. Mon père, voilà ce que je craignais.

M. VANDERK PÈRE. Puis-je savoir de vous un détail plus étendu de votre querelle et de ce qui l'a causée, enfin de tout ce qui s'est passé? M. VANDERK FILS. Ah! comme j'ai fait ce que j'ai pu pour éviter votre présence!

M. VANDERK PÈRE. Vous fait-elle du chagrin?

M. VANDERK FILS. Ah! jamais, jamais je n'ai eu tant besoin d'un ami et surtout de vous.

« PreviousContinue »